Tribune | Mauritanie : solidarité sans frontières

ven, 25/10/2019 - 16:24

Jeune Afrique - Dans le camp de Mbera, des dizaines de milliers de réfugiés maliens vivent dépossédés de tout. Les populations locales, les autorités et les organisations internationales soulagent en partie leurs peines, mais l'incertitude demeure quant à leur hypothétique retour au pays.

Mbera, dans le Hodh El Chargui, sud-est de la Mauritanie. Un groupe d’hommes achève sa prière sur une dune, telle une mosquée improvisée. « S’il vous plaît, c’est l’heure. On avance vers les véhicules ! Tout le monde doit partir, ne restent ici que les réfugiés ! » La voix est celle d’un travailleur humanitaire. La consigne est stricte et chaque jour répétée, de 17 heures à 18 heures.

Créé en 2012, quand a éclaté la crise dans le Nord-Mali, le camp de Mbera accueille aujourd’hui 56 130 personnes, selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Touaregs, Peuls, Arabes, Bambaras, Songhaïs, ils ont fui la région de Tombouctou, les villages de Léré, Nampala Nioro, Youwarou, Ténenkou… À pied, à dos de chameaux, cachés à l’arrière de voitures, mêlés à des bergers marchant derrière leurs troupeaux, ils ont erré jusqu’à ce camp, situé à 60 km de la frontière malienne.

Dépossédés de tout, les réfugiés soulagent en partie leurs peines grâce à l’hospitalité des populations locales, avec lesquelles ils partagent le Sahel et la foi en l’islam. Ici, on ne se refuse rien, on partage le gâteau du jour. Qu’on parle arabe, peul, songhaï ou bambara, après des épreuves traumatisantes, on réapprend à vivre.

À vivre ensemble pour certains qui, « dans leur vie d’avant », ont été ennemis. « Nous nous sommes retrouvés avec les mêmes urgences. Nous opposer n’a plus aucun sens », explique Souad. Elle presse ses mains et maugrée. « Nous avons compris que ce qui nous unit est ce qui aurait pu nous épargner cette situation. »

Petites mains

Sur le terrain, les petites mains sont des humanitaires. Des hommes et des femmes qui apportent le réconfort qu’ils peuvent. Le camp est découpé en quatre zones, avec des blocs bien délimités afin de rendre fluide la circulation, surtout lors du marché hebdomadaire qui approvisionne les résidents mais aussi les voisins, à l’affût de denrées à prix accessibles.
 

Les enfants du camp suivent, en plus de cours d’arabe, le même programme scolaire que leurs compatriotes au Mali

Le HCR, qui administre le camp, suit les formalités d’état civil qui permettent d’obtenir le statut de réfugié et les « commodités » s’y rattachant. D’autres organisations de l’ONU et de la société civile interviennent également. Le Fonds des Nations unies pour la population (Unfpa) a construit et équipé une maternité, qui est gérée par l’Association marocaine de planification familiale.

Le Bureau international du travail (BIT) a formé des jeunes à divers métiers. La Fédération luthérienne mondiale assure, entre autres, la prise en charge des soins de santé et la gestion d’un service d’ambulances.

Confiés aux bons soins des autorités mauritaniennes et des organisations internationales, en particulier de l’Unicef, les enfants du camp suivent, en plus de cours d’arabe, le même programme scolaire que leurs compatriotes au Mali et ont fait cette année leur rentrée presque comme les autres, le 7 octobre.

“La peur gagne de nouveau”

En partenariat avec l’association littéraire Traversées mauritanides, l’Unicef a par ailleurs conduit, en juillet, un groupe d’écrivains, de poètes et d’humoristes dans deux villes de la région, Bassikounou et Fassala, ainsi que dans le camp de Mbera. Des ateliers d’écriture, de poésie, de théâtre, de danse et de musique y ont été organisés.

« Nous avons discuté avec des jeunes pleins d’ambition. D’aucuns nous ont surpris, avec des textes inspirés et poignants, souligne Cheikh Nouh, écrivain de langue arabe. Bien entendu, ils regrettent d’avoir dû quitter leur pays dans des conditions tragiques, mais, au camp, ils se reconstruisent et tracent de nouveaux chemins. » Le moral est là comme la foi en l’avenir.

Cependant, face à l’incertitude qui demeure du côté de Tombouctou, pour la plupart des réfugiés, le retour au pays ne semble pas à l’ordre du jour. « Rien ne vient nous rassurer. Ceux d’entre nous qui sont rentrés volontairement n’ont retrouvé ni leurs biens ni leurs statuts. Pire, la peur les gagne de nouveau, témoigne Mahmoud. Alors, nous resterons là le temps qu’il faudra. »

De son côté, le HCR continue d’enregistrer de nouvelles arrivées ­ – 6 000 en 2018 – , tandis que les aides, elles, sont toujours très en deçà des besoins.