De l’histoire des kadihines 7e, 8e, 9e et 10e parties..Par Beden O Abidine

dim, 28/02/2021 - 14:31

 

Eveil Hebdo - 7e partie : Après un petit moment avec les chimères de la magie noire et son emprise mystificatrice sur une bonne partie de l’opinion populaire, revenons à notre aventure de Sayhat Elmadhloum.

Premier anniversaire de Sayhat Elmadhloum. En effet depuis l’apparition de son premier numéro, la lutte politique ne cesse de gagner du terrain contre le régime de feu le président Mokhtar. Le nom du journal Sayhat Elmadhloum est sur toutes les lèvres, il pénètre dans tous les foyers, les chantiers de travail et les établissements scolaires.

Sa régularité surprend plus d’un. Il a su déjouer toutes les tentatives visant à le faire taire. Ses informations, ses révélations, ses dénonciations de toutes les formes d’arbitraire et de répression, sont aussitôt échangées entre des milliers de sympathisants dont le nombre ne cesse de s’élargir.

Le 29 mai 1972 marquait le premier anniversaire de Sayhat Elmadhloum. Après avoir achevé la rédaction du 13e numéro, les camarades décidèrent de fêter cette occasion. Une majorité s’était dégagée pour donner à l’événement toute son ampleur.

Presque tous soutenaient que ce jour-là il fallait cesser le jeûne, œuvrer pour l’amélioration de nos propres conditions de vie, notamment en nourriture et profiter de la circonstance pour se gaver pour la première fois de viande grasse. La décision fut arrêtée : sacrifier un mouton gras à l’occasion du premier anniversaire de Sayhat Elmadhloum.

On se rendit immédiatement au marché de bétail. Après un rapide va-et-vient au sein des troupeaux, on se mit d’accord sur un mouton, pas aussi gros, pas aussi gras, mais loin d’être maigre, juste correspondant à nos modestes moyens financiers. On isola la pauvre bête de son troupeau pour la conduire au bord de la mer, aux environs du lieu actuel de Terjit-Vacances. Puis on se mit à l’œuvre. Avec un enthousiasme débordant, on dépeça notre mouton après l’avoir égorgé correctement. On dévora tout à l’exception de quelques os ayant résisté à notre voracité. On sirota ensuite quelques verres mousseux de thé chaud à la menthe.

Avant de rentrer en ville, rassasiés pour une fois, nous avons organisé une séance de critique et d’autocritique, centrée sur les défauts et les insuffisances de notre journal, ainsi que sa ligne éditoriale. Au cours de ces séances, chaque camarade était soumis au crible de la critique de ses collègues. Il était invité à répondre, sans aucun état d’âme et le plus objectivement possible, aux critiques qui lui étaient adressées. Les critiques et autocritiques se déroulaient dans un climat fraternel de grande communion. L’objectif final était de s’améliorer, donc exempt de tout esprit de rancœur ou de règlement de compte. Il était question d’user d’un style rédactionnel accessible au plus grand nombre, c’est-à-dire dépasser un certain mode d’écriture s’adressant uniquement à l’élite intellectuelle.

Nous avons loué l’effort fourni régulièrement par bon nombre de camarades, lettrés en arabe et/ou en français, quand ils sacrifiaient une bonne partie de leur précieux temps dans la lecture et l’explication du contenu du journal aux camarades non alphabétisés, nombreux parmi les descendants d’esclaves. Ces derniers bénéficiaient également de cours gratuits d’alphabétisation de la part de camarades volontaires. On rencontrera après plusieurs enseignants sortis de ces cours.

C’est ainsi que Sayhat Elmadhloum a su très tôt contribuer efficacement à la prise de conscience au sein des larges masses, notamment les plus laborieuses, les plus kadihine. L’élargissement et la radicalisation des luttes qui va suivre n’étaient pas étrangers aux efforts fournis par le journal dans cette direction. Souvent, en dépit d’un débat approfondi, des divergences persistaient entre membres d’une même cellule ou d’une même instance. Dans ce cas, pour trancher on recourt à l’application de la règle de la majorité absolue. En cas d’égalité des voix, celle du président fait la différence.

A la fin de la séance de critique et d’autocritique, je fis sortir une surprise que je réservais à ce moment pathétique : je déroulai devant les yeux de mes chers camarades un bandeau de tissu blanc frappé d’une ligne d’écriture en rouge vif d’une main d’un calligraphe de grand talent. Ils braquèrent leurs yeux là-dessus. Puis ils lirent simultanément et à haute voix : LE HEROS DE SAYHAT ELMADHLOUM !

Sans attendre, je la tendis au camarade que je jugeais le plus méritant : Yeslem O Ebnou Abdem. Aussitôt il l’appliqua par-dessus la poitrine sous les regards un peu jalousés des camarades présents et certainement pas moins méritants. Tous se pressèrent de féliciter le camarade Yeslem et lui exprimèrent leurs meilleurs vœux pour le nouvel an de Sayhat Elmadhloum.

Pour la clôture des festivités, on réserva l’honneur au grand poète Ahmedou Abdelkader. Après un laps de temps de réflexion, celui-ci indiqua dans son style romanesque bien connu : « d’habitude, l’expression poétique vient par inspiration et je crois que vous m’avez offert les meilleures conditions d’inspiration ». Avant d’étaler, à son tour, son bandeau lyrique dans une expression orale ayant enchanté tout le petit cercle de camarades, militants de première heure. Les quelques vers de Chaer Ahmedou décrivent le contexte combien difficile que vit notre peuple, particulièrement ses composantes laborieuses, avant d’esquisser avec une note d’optimisme certaine la perspective d’un avenir radieux pour notre pays. Le morceau de poésie en question vaut la peine d’y revenir. Donc on y reviendra. Inchallah !

8e épisode : « Je suis jaloux de la médaille du camarade Yeslem Ebnou Abdem ! »

Suite à l’article précédent à propos de l’anniversaire de la publication du premier numéro de Sayhat Elmadhloum, j’ai reçu un commentaire de l’un des membres de notre ancien comité de rédaction. Celui-ci était présent à la cérémonie de décoration.*

Feu Mohamed Salem O Zeine, un ancien camarade ,un dirigeant de grande envergure,sincère et d’une fidélité inébranlable me rappelait une fois, qu’il fut le premier à prendre contact avec le camarade en question juste après sa sortie de la funeste prison de Beyla dans l’ancien quartier du Ksar.

Il s’agit de l’ancien ministre, l’ancien ambassadeur dans de nombreux pays du monde, l’ancien directeur de plusieurs institutions nationales dont la présidence du comité du « Prix Chinguit », le doyen Vadel O Dah(à qui nous lui souhaitons longue vie et bonne santé). Difficile d’oublier encore la résistance héroïque du camarade Vadel à toutes les formes de torture et de privations durant toute la longue période de sa détention.

Feu le camarade Mohamed Salem O Zeine m’avait donc raconté la réaction à chaud du camarade Vadel juste après sa sortie de prison. « Il souriait, il avait le visage rayonnant d’enthousiasme », raconte Med Salem Zeine. Devant moi il ouvrit une chemise pour en sortir de nombreux documents. Puis il déclara : voilà tous les diplômes que j’ai obtenus après tant d’efforts.. Des diplômes décernés par de célèbres universités. A l’époque, rares étaient les mauritaniens titulaires de diplômes équivalents.

A ma grande surprise, Vadel se mit à détruire l’ensemble de ses précieux documents ! Puis il déclara : « désormais je me mets entièrement à la disposition de la révolution de mon pays jusqu’à sa délivrance complète de toutes les formes d’oppression .Je vous livre ici le contenu du texte que vient de me transmettre le ministre Vadel O Dah :

« En dépit de l’enthousiasme qui nous avait envahi devant un repas de qualité pour la première fois, le méchoui fumant, en dépit de la modestie de la décoration de notre camarade Yeslem, je vous rappelle que j’avais franchement éprouvé à cet instant une réelle jalousie. Je ne sais pas si c’était le cas des autres camarades. Avaient-ils réussi à dissimuler la leur ? Je rappelle, que contrairement à aujourd’hui où les gens s’adonnent à une course folle pour conquérir à n’importe quel prix, la plus belle maison, la plus belle voiture, la meilleure place au soleil, à notre époque les jeunes de notre génération, sacrifiant tant de facilités qui s’offraient à eux en ce moment, se bousculent afin de réaliser les tâches les plus ardues dans notre combat quotidien pour l’émancipation de notre peuple. Malgré tout, je me rappelle que la décoration de Yeslem était parfaitement bien méritée. N’est-ce pas c’était bien lui qui, au moment où nous autres profitons de quelques moments de repos, lui passait son temps à taper sur sa vielle machine dans des conditions de travail intenables à l’aide d’un seul doigt pour produire notre Sahat Elmadhloum, un effort uniquement comparable à celui de Beethoven au moment où il réalisait sa cinquième symphonie sur son piano à chaque fois qu’ il s’enfermait dans sa petite chambre fuyant les harcèlements permanents du cupide propriétaire du très modeste lieu cherchant son loyer à la fin de chaque mois ? » Concluait le doyen Vadel.

« Salut à toi Sayhat Elmadhloum,

Un salut qui remplit mon cœur d’admiration ! »…

Comme promis je reviens au passionnant récit du poète Ahmedou Abdelkader. Juste après la cérémonie fêtant l’anniversaire de Sayhat Elmadhloum, le poète nous demanda de lui accorder une journée de réflexion et de méditation, le temps de sillonner quelques jardins situés à Tevragh Zeina, le quartier chic de la ville. Chaèr voulait promener son regard et de pomper son cœur de la vue des fleurs dans leur diversité de formes et de couleurs, une façon pour lui de réveiller son inspiration poétique et artistique.

Entamant sa marche à partir de l’avenue Jemal Abdennasser(l’Avenue de la Dune alors), il évoluera dans la rue enjambant l’hôpital National, pour continuer sa marche jusqu’à la plage au bord de la mer. Juste après l’hôpital il jeta un coup d’œil rapide sur la kebba à côté. Son attention fut attirée par un spectacle non réjouissant : l’une des baraque qu’on utilisait pour la reliure et l’emballage de Sayhat Elmadhloum, fut emportée par le vent et réduit en ruines, éparpillée hors de sa place d’origine. Notre matériel était intact. Il était enfoui au sous sol de la baraque dans une malle en fer couvert d’un modeste tapis étalé sur un espace de sable. Tout un décor de camouflage bien soigné par des mains professionnelles. Chaère revint avant d’achever sa marche d’inspiration après avoir réussi à sauver notre trésor enfoui sous la baraque.

« Salut à toi Sayhat Elmadhloum,

Un salut qui remplit mon cœur d’admiration ! »… le début de son célèbre poème célébrant le premier anniversaire de Sayhat Elmadhloum.

Plus tard, suite à une loi d’interdiction de Sayhat Elmadhloum, la police du régime lancera une campagne de recherche contre « X », visant à arrêter ce monsieur « X », un jugé hors la loi, sans adresse précises, insaisissable puisque hors de portée de toutes mains malveillantes.

En ce moment de souvenirs du vrai Beau Vieux Temps, nous souhaitons de tout cœur un prompt et bon rétablissement à un compagnon de lutte inestimable, Yeslem O Ebnou Abdem !

9e Épisode : Un de mes camarades les plus en vue au sein de l’appareil des Tâches Spéciales (TS), M. Dah Sid’Elemine m’a posé la question suivante : les participants à la réunion de Tokomadji étaient-ils encore nationalistes quand eut lieu la rencontre ? ou bien s’étaient-ils déjà reconvertis dans d’autres ismes ? Formaient-ils une entité homogène, ou se recrutaient-ils dans diverses paroisses ?

Réponse :

Mon cher Dah Sid’Elemine ; Meilleurs salutations ! Sachez mon cher frère, que je tiens en bonne estime l’action qui fut la vôtre du temps où vous étiez militant agissant au sein des T.S.

Vous avez fait don de ce que vous avez de plus cher, votre jeunesse, pour prendre la défense des intérêts des opprimés, des couches marginales et des laissés pour compte.

Je puis témoigner devant Dieu que vous vous êtes dévoués au service du peuple mauritanien, toutes composantes confondues, sans lésiner sur quoi que ce soit et sans reculer devant les sacrifices, quels qu’ils soient.

Pour en revenir à votre question, les camarades ayant pris part à la réunion de Tokomadji et que j’ai eu à énumérer nommément, ont tous, soit avant soit en cours de réunion, cessé d’épouser toutes convictions autres que celles des kadihines. Ils ont rompu avec toute pensée ou action de nature à ségréger les nationalités et ethnies composant notre pays. Nous avions ôté l’uniforme du nationalisme primaire et revêtu, en lieu et place, celui de l’unité du peuple mauritanien, convaincus que le salut de ce peuple réside dans son unité. Elle sert à notre peuple, à la fois d’arme et de bouclier contre les ennemis si nombreux qui le guettent de toute part. A y voir de près, les rapports entre les différentes composantes de notre peuple ont de tout temps été résilients. Toutes sortes de brassages et de métissages passés au fil du temps, ont noué entre elles des liens indéfectibles. Les kadihines en fin de compte, n’ont rien inventé sur ce registre. La sagacité des ancêtres a précédé leurs théories. Aujourd’hui encore, l’amour et la concorde que ceux-ci ont su cultiver demeurent le meilleur de nos trésors.

Dans la série d’articles que j’ai publiés sur la page Face book de l’ancien ministre Abdel Ghader Mohamed, j’ai relaté l’essentiel des faits se rapportant à la réunion de Tokomadji sur la rive droite du fleuve Sénégal. Les participants à cette réunion ont fondé le Mouvement National Démocratique. Ils constituaient un groupe unique et homogène que ne fractionnaient ni sensibilités, ni tendances. Après sa constitution, ce groupe a commencé à coordonner son action de lutte avec celles du « Groupe Libération » et du « Parti du Travail de Mauritanie » (PTM). On en est resté là pour quelque temps.

Le Groupe de Tokomadji n’a cessé de prendre de l’ampleur. Il a fondé seul le journal « SAYHAT AL MADHLOUM », avant de proclamer à la face du monde la création de son parti d’avant garde, le Parti des Kadihines de Mauritanie (PKM) dont l’organe est « SAYHAT AL MADHLOUM » et dont le programme a été publié au grand jour. Le PKM constitue le noyau dirigeant du Mouvement National Démocratique (MND). C’est à lui que revenait la Direction effective de la lutte contre le néocolonialisme et l’oppression.

Par la suite, le « Groupe Libération » s’est dissout de plein gré et a rallié le PKM. Plus tard, le PTM a fait de même.

Suite à cette intégration, les éléments dirigeants des deux formations, Dapha Bakary et Traoré Ladji, pour le PTM ; Moustapha Abeïderrahmane et Abdellahi Ould Ismaël, pour le Groupe Libération ont été cooptés au Comité Central du PKM. Ils prenaient part à toutes les réunions de l’organe dirigeant du parti des kadihines y prenait part également le camarade ministre Mohamed val Bellal:cadre éminent des cadihines.

Récit n*10 : Tâches spéciales ...

Ce nom a été donné à des cellules organisées par les “kadihines” lors de la naissance de leur mouvement à Tokomadji, dans la Région du Gorgol.

Elles ont été conçues de sorte à n’avoir aucun lien organisationnel avec les autres structures du mouvement. Leurs missions se limitaient strictement a la publication du journal de " sayhat el madhloum" ( le cri de l’opprimé) , à la sécurisation des réunions des instances dirigeantes ,la facilitation des déplacements sécurisés des militants recherchés ou poursuivis et à l’acheminement sûr et régulier du courrier de tous genres.Au tout début, c’était un groupe restreint, ultra secret, et quasiment inconnu même des autres militants du mouvement.

Après la disparition du vaillant militant Sidi Mohamed Soumeida, paix à son âme, en janvier 1970, et face à l’intensification des luttes au sein du mouvement ouvrier, des syndicats, et des étudiants, le gouvernement accentue la politique d’éloignement destinée à isoler les leaders du mouvement les uns des autres. Mais rien n’y fit. Malgré la répression, et les mesures d’éloignement arbitraires, les élèves déclenchent des grèves unanimement suivies. Débordé, le gouvernement décide de fermer les établissements, d’expulser et de disperser les étudiants à travers le pays où sont déjà éparpillés enseignants et dirigeants syndicaux.

Ainsi, des files de camions transportant les élèves sillonnent les villes et les campagnes donnant aux grévistes des occasions inespérées de scander leurs slogans et mots d’ordre, faisant entendre la voix des « kadihines » au pays tout entier. Chaque convoi qui traverse une localité se transforme spontanément en rassemblements populaires et en meetings de propagande et d’agitation qu’animent ces élèves par des slogans qui expriment les revendications populaires .Le développement du mouvement.et son extension fulgurante et rapide ont immédiatement entraîné une multiplication des charges de la cellule des TS, dont le champ d’action s’est élargi démesurément dans toutes les directions. Je me souviens qu’au début de l’année 1971, la cellule des tâches spéciales(TS) s’est réunie à Nouakchott en un lieu tenu secret avec pour mission d’acheminer des documents révolutionnaires destinés aux structures du mouvement dans les villes et les villages.

Certains camarades partirent pour le nord, où les luttes ouvrières n’ont jamais cessé, en dépit des événements sanglants de mai 1968. Chaque fois qu’une accalmie s’annonçait, une nouvelle lutte éclatait avec plus de détermination et d’engagement. Pour ma part, je partis vers le sud, le centre et l’est du pays avec mon lot d’articles prohibés à l’instar des drogues et stupéfiants d’aujourd’hui, sinon plus encore. Je parviens à servir en toute sécurité les villes de Rosso, Boghé, et Kaedi.

Continuant mon long périple, j’arrive à Kiffa, capitale de l’Assaba, où la plupart des camarades étaient des membres du Parti Mauritanien du Travail, avec lequel nous étions en étroite et franche coopération. L’instance locale était conduite par le camarade Docteur Sy Zain Al-Abidin, qu’Allah le guérisse et le protège, auquel j’ai livré non seulement le courrier de Kiffa, mais aussi celui de Kankossa. Profitant d’une nuit à Kiffa, j’ai discuté avec les camarades la situation générale dans le pays et les perspectives de luttes.

Au lever du matin, je me dirige vers la station de départ des véhicules en partance pour Aioun, ma prochaine escale avant Néma, dernière étape sur ma longue marche. Arrivé sur les lieux, je mis de côté mes effets jetés dans le tas de bagages éparpillés, et m’assieds avec un groupes de voyageurs. Tout semblait bien. aller Mais tout d’un coup, l’imprévu se produit ! Une brigade de douaniers fait une descente inopinée, et fouille les colis. Mes effets interdits sont là, mes yeux rivés sur eux. Vite, les tracts sont découverts, et l’un d’entre eux lance un cri en un français approximatif : « Ça, C’est école ! C’est école ! », faisant allusion « aux tracts généralement lancés par les élèves.. ».

Ces faits se déroulant sous mes yeux, je décide de prendre un peu de recul, et de glisser vers un vendeur de pain à quelques pas de moi, donnant l’impression vague d’un client régulier. Je pris du pain sans aucune envie d’y toucher, et m’éloigne petit à petit des lieux, non par peur.mais pour esquiver le coup ! Je retourne chez l’aimable camarade Sy Zein El Abidine.Après un bref échange sur la nouvelle situation, il fut décider de continuer le voyage vers Aioun, via Tamchekett. Une mission transportant du matériel médical vers Tamchekett apprêtée d’urgence par le camarade Zein El Abidine me permettra de sortir de la ville, sans risque.

Je décide alors d’envoyer une partie du lot de documents destinée à Kiffa vers Kankossa, et de réaffecter le quota de Kankossa à Aioun et Néma. J’arrive à Tamchekett sans problème et passe la nuit chez l’infirmier Ibrahim Sao qui m’a accompagné durant le voyage, et auquel Sy Zein El Abidine m’avait présenté comme rendant visite à un parent enseignant. Le lendemain matin, j’effectue un petit tour en ville, et reviens pour dire à mon hébergeur que mon parent enseignant était en voyage à Aioun. La route vers cette ville étant peu pratiquée par les voitures, je décide de louer un chameau, et de partir le plus tôt.

Quelques jours plus tard, j’arrive à Aioun où je suis reçu par les camarades dirigés par Sidi Ould Ahmed Deye, alors assigné à résidence. Le camarade Sidi occupera par la suite des postes importants, notamment le poste de Ministre des Finances. Mais, dans toutes ses hautes fonctions, il est resté intègre, digne, et de grande moralité. Il eut l’honneur de recevoir , en 1977 une lettre de félicitations de feu le président Mokhtar Ould Daddah paix sur son âme et malgré son opposition au régime de celui-ci .La lettre dont voici le texte :" j’ai l’honneur et le plaisir de vous transmettre le témoignage de satisfaction du président de la république pour votre manière de servir et le civisme exemplaire dont vous avez eu à faire preuve dans l’exercice de vos fonctions.

Je vous encourage vivement à continuer comme vous avez commencé et espère que votre exemple sera suivi ". lui a été remise par feu Ba Ibrahima paix sur son âme alors ministre du plan et ministre des finances par interim et à l’occasion de la découverte d’un grand scandale fiscalo -financier qui a fait date en son époque . À Aioun et malgré les poursuites lancées pour me retrouver, le camarade Sidi Ould Ahmed Deye s’est arrangé pour m’obtenir une place dans une voiture des douanes qui accompagnait la délégation officielle du Ministre des Finances de l’époque en route pour Néma.

Cet arrangement a été rendu possible grâce à l’intervention de feu Chouaibou Diagana paix sur son âme en ce moment professeur de mathématiques à Aioun, auprès de son cousin feu Biri Diagana paix sur son âme, alors directeur général des impôts et qui été de la délégation ministérielle. Ironie du sort, me voilà avec mes colis prohibés voyageur dans une voiture des services des douanes. Ce même service qui a failli m’arrêter à Kiffa et qui est à l’origine des poursuites engagées à mon encontre.

Sur le chemin de Néma, le cortège ministériel marque une pause sous un grand arbre à la limite entre les deux Régions. Là, le Wali du Hodh Charghi attendait la délégation, qu’ accompagnée encore son homologue du Hodh El Gharbi. La délégation s’installe à l’ombre, et un rafraîchissement copieux fut servi. Je m’assois prenant bien soin de mes "effets".La causerie commence et se concentre sur les « kadihines » qui étaient visiblement la préoccupation majeure des gens. Rivalisant d’ardeur, les membres de la délégation prennent la parole tour à tour, et se lancent sans exception dans toutes sortes de calomnies, d’invectives et d’accusations fallacieuses dénaturant la cause et les objectifs du mouvement.

Prenant la parole à son tour, l’un des intervenants affirme que les « kadihines » se recrutaient principalement parmi les milieux religieux dits « zawaya ». Pour étayer ses propos, il raconte qu’une femme « maraboutique » âgée avait demandé à une cousine du même âge de lui donner un morceau de sucre pour faire du thé. Cette dernière désemparée , a juré de tous ses noms sacrés qu’elle n’avait malheureusement pas de sucre. Mais ce n’est que lorsqu’elle a juré par Mao que la conviction de l’autre a été établie !

Suite à ces moqueries des éclats de rire éclatent ici et là. Surpris et navré, je ne fis le moindre commentaire et pour cause.