Paris Match Interview Jean-Michel Denis
La chanteuse algérienne Raja Meziane donnera son premier concert en France le 8 mars 2020 à l'Institut du monde arabe à Paris.D.R.
Son rap, « Allo le système ? » a été posté en février 2019 sur les réseaux sociaux, peu de temps après la naissance du Hirak, le mouvement populaire déclenché par l’annonce de la candidature à un cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika. Entonné par les millions de manifestants en Algérie et visionné près de 50 millions de fois sur YouTube, le tube a valu à Raja Meziane le surnom d’icône de la « Révolution du sourire ». La chanteuse en exil sera en concert le 8 mars à l'Institut du monde arabe, à Paris.
Ce jeune femme de 32 ans originaire de Maghnia dans l’Ouest algérien avait déjà connu la célébrité en 2007 en participant à la version locale de « The Voice » intitulée « Alhane Wa Chabab ». Son beau registre vocal et sa fraîcheur en avaient fait d’emblée une vedette. Mais qui pouvait se douter qu’en cette Nolwenn algérienne sommeillait une Diams en plus rebelle ? Elle refusera, en 2014, de participer à la chanson collective « Notre Serment », hymne électoral en faveur du quatrième mandat de Bouteflika. Le « système » se vengera et, à coups de blocages et tracasseries multiples, amènera Raja à renoncer à la musique après deux albums (« Ya Hasra 3lik Ya Deni » en 2010 et « Mrayti » en 2012). Et le « système » est rancunier… Ayant ensuite suivi un cursus de droit, elle se verra refuser par le bâtonnier d’Alger son certificat d’avocate. Elle prendra alors la voie de l’exil, en 2017. Elle vit désormais en République tchèque, avec son mari et producteur Dee Tox. La belle rebelle orientale en mal de soleil dans une Prague glaciale a accepté de se confier à la veille de son premier concert en France.
Paris-Match.Vous avez eu une enfance heureuse ?
Raja Meziane. Avec une mère bibliothécaire et un père professeur de sciences, mon frère et moi avons été élevé dans les livres… et la révolution ! Mon père, qui est décédé quand j’avais 8 ans ne m’a jamais considéré comme une petite fille vouée à jouer à la poupée mais comme une camarade, une companera. Ses parents étaient membres du FLN (Front de Libération nationale, NDLR) et il a pris tout son temps pour m’expliquer l’histoire de notre émancipation.
Les médias vous ont surnommée « l’icône du Hirak », « l’égérie de la révolution ». Préféreriez-vous le terme de « chanteuse engagée » ?
Rien de tout cela ! Je n’ai rien fait pour être sous les projecteurs. Je vis une certaine douleur comme mes compatriotes, mais à distance. C’est tout ! On a trop longtemps fait que survivre et non vivre. Alors, je n’ai qu’un chemin, celui de la liberté, de tout ce qui a rapport à l’humain et je suis prête à y mourir.
Mais certains vous reprochent d’être partie alors que, paradoxalement, le gouvernement ne censure ni ne s’en prend aux chanteurs même violemment engagés comme, par exemple, Oulahlou, la vedette kabyle …
Ces gens dont vous parlez font, eux aussi, partie du système ! Où étaient-ils quand on me menaçait de mort à la télévision ? On m’a blacklistée et personne n’a trouvé à y redire ! Plutôt que de baisser les bras et lécher les bottes, j’ai tout laissé derrière moi.
Que pensez-vous de Abdelmajid