Le360 - Depuis lundi dernier, l’ex-président mauritanien, Ould Abdelaziz, est détenu dans les locaux de la police à Nouakchott. Interrogé par des agents de la Direction de la sûreté de l’Etat, aurait-il tenté un coup de force avec l’aide d’AQMI et du Polisario?
Que ce soit un média algérien qui fasse cette annonce le premier n’est pas anodin. En effet, alors que tout le monde était encore sidéré face à la mise à nu de l’ampleur des détournements massifs de l’ex-président mauritanien, et que d’aucuns pensaient que l’ex-homme fort de Nouakchott avait été convoqué puis retenu par la police en vue de s’expliquer sur ces affaires, un site algérien ouvre une autre piste.
Selon Algérie Times, dans un article du 18 août, repris par un site mauritanien, Mohamed Ould Abdelaziz a échoué dans une tentative «de fuir la Mauritanie avec l’aide d’Al-Qaïda au Maghreb islamique».
Or, comme cette dernière est une nébuleuse terroriste créée à l’origine par des barbouzes algériens, et disséminée dans la zone sahélo-saharienne, on peut aisément imaginer la source du journal algérien, apparemment mieux informé que les médias mauritaniens. D’autant plus que Ould Abdelaziz et AQMI ont été soupçonnés d’accointances durant son magistère à la tête de la Mauritanie (2009-2019), des rumeurs ayant à l’époque fait état d’un pacte de non-agression signé en secret entre les deux parties.
Selon Algérie Times donc, Ould Abdelaziz a planifié une «diversion 1» (achat d’un parti politique, ou plutôt d’un hizbicule qui se dit d’obédience baathiste) et une «diversion 2» (organisation d’une conférence de presse), pour quitter entretemps le pays en se faisant exfiltrer par Al-Qaïda.
Peut-être bien que Ould Abdelaziz avait programmé une «action», sauf que son complice dans ce coup de force ne serait autre que le Polisario. S’il y a donc eu diversion, c’est bien celle dont s’est rendu coupable le site algérien, en tentant de cacher le Polisario derrière AQMI, exactement comme un train peut en cacher un autre. Ce que confirme d’ailleurs un «lapsus» commis par les médias du Polisario. Ces derniers ont relayé, dès l’arrestation de Ould Abdelaziz, un article, venu tout droit de Nouakchott. Il leur a été envoyé par l’avocat mauritano-canadien, Me Takioullah Eidda, article qu’ils ont signé «source Twitter», tout en l’illustrant avec la photo dudit avocat accompagné de l’ex-président du temps où il occupait encore les bureaux de la présidence mauritanienne.
Or, cet avocat, natif de Bir Moghreïn, à la frontière algéro-mauritanienne, et qui défend aujourd’hui Ould Abdelaziz, est connu pour son soutien, sinon son appartenance au Polisario. En 2017, il est allé même jusqu’à commettre un article dans lequel il accuse l’armée mauritanienne de «mercenaire» pour avoir combattu le Polisario pendant trois années successives (1975-1978). Etait-il l’intermédiaire entre Ould Abdelaziz et le Polisario dans la planification d’un coup de force contre le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani?
En tout cas, dans son article envoyé aux sites du Polisario, il accuse indirectement l’actuel président mauritanien d’avoir donné l’ordre à la police politique de «kidnapper» puis de «maltraiter» son client, car ce dernier est coupable d’avoir tenté de garder la mainmise et de rester la «référence» du parti-Etat, l’Union pour la République (UPR). La diversion de cet avocat est finalement tombée à l’eau, car, lors d’une conférence de presse organisée jeudi soir à Nouakchott, il a quasiment avoué, en décrivant les conditions de détention de Ould Abdelaziz, que ce dernier est désormais un homme fini.
Ce vendredi, le site mauritanien Elalem.info, croit savoir que Ould Abdelaziz sera poursuivi pour de graves accusations. En plus des centaines de milliards d’ouguiyas détournées, il est surtout accusé d’avoir planifié «une atteinte à la sûreté de l’Etat à travers l’entrée en contact avec des Sahraouis et des Touaregs maliens, à la disposition desquels il aurait mis ses énormes moyens financiers et logistiques.» Pour le média, qui ajoute que Ould Abdelaziz projetait également, avec ces mercenaires, de se procurer «du matériel sophistiqué d’écoutes et d’espionnage», ce sont les nombreuses communications interceptées par la police mauritanienne qui ont précipité son arrestation.
Une arrestation que Ould Abdelaziz lui-même croyait inimaginable. Convoqué lundi dernier par la brigade financière de la police sous prétexte de lui poser juste des questions sur les «affaires» qui ont marqué ses deux mandats, Ould Abdelaziz s’est rendu, plein d’assurance, à la DGSN à bord de l’une de ses dizaines de voitures de luxe, une Range Rover flambant neuf. Dès que le portail d’entrée de la DGSN s’est refermé derrière lui, il a été surpris d’être accueilli, sans ménagement, par des officiers de la police politique (DST-sûreté de l’Etat) qui lui ont signifié son placement à garde à vue sur ordre du parquet.
Le 14 août 2016 déjà, le360, dans un portrait sommaire, avait mis le doigt sur les «liaisons dangereuses» et la «cleptomanie» boulimique de Ould Abdelaziz. On le savait spécialiste dans «l’art de se faire des ennemis» et c’est son meilleur ami de 40 ans, Ould Cheikh El Ghazouani, qui le lâche aujourd’hui, en ouvrant sa caverne d’Ali Baba à la face du monde entier. Pire, l’homme fort d’hier croupit actuellement dans une geôle de la DGSN à Nouakchott, sans eau ni climatisation, et où des policiers lui font subir les pires humiliations morales et psychologiques. Quelle déchéance.
Par Mohammed Ould Boah