Elections du 22 novembre au Burkina Faso: Roch Marc Kaboré face à 12 challengers et aux vents contraires

mar, 27/10/2020 - 00:57

 

26 octobre 2020

« Ventre mou du terrorisme », « État en faillite »… Ces dernières années, les médias occidentaux ont multiplié les qualificatifs pour décrire la situation au « Pays des hommes intègres » à mesure que les attaques terroristes se multipliaient. Oui, le Burkina Faso a terriblement souffert et continue de souffrir de la dégradation de la situation sécuritaire au Sahel, mais le pays « reste debout », répètent, en chœur, les responsables du régime actuel. En perspective des élections présidentielle et législatives du 22 novembre, « Le Soleil » vous fait découvrir, dans une série d’articles, dont voici le premier, les principaux enjeux de ce double scrutin mais aussi le Burkina des profondeurs.

De nos envoyés spéciaux Seydou KA (textes) et Sarakh DIOP (photos)

Au Sahel, la journée commence très tôt. Ce mardi 20 octobre à 7 heures, le soleil est déjà très haut dans le ciel. Dans les rues de Ouaga, les deux roues se disputent la chaussée aux piétons. Une vieille maman en vélo porte son bébé sur le dos pour aller au marché. Une jeune fille en route pour l’école, évidemment en vélo, nargue le vent… Tout ce beau monde semble pressé. Il faut dire que le peuple burkinabé est dynamique. En cette période préélectorale, le sujet n’occupe pas spécialement les conversations, en dehors des manchettes des journaux.
Au moment où dans certains pays de la sous-région les élections sont synonymes d’angoisse et de violence, le Burkina Faso s’achemine plutôt, de façon apaisée, vers le double scrutin présidentiel et législative du 22 novembre prochain. En tout cas, c’est le sentiment qu’on peut avoir en discutant avec la population. Le 22 octobre, le Conseil constitutionnel a publié la liste définitive des candidats pour la présidentielle. Face au Président sortant, 12 challengers, dont Zéphirin Diabré, le chef de file de l’opposition. Même la candidature de Yacouba Isaac Zida a été retenue alors que ce dernier, actuellement en exil au Canada, est visé par un mandat d’arrêt sur le sol burkinabé. Pouvoir et opposition ont réussi à s’entendre sur une feuille de route pour arriver à des élections apaisées et l’audit du fichier électoral n’a révélé que « quelques faiblesses majeures » qui ne remettent pas en cause sa sincérité.
C’est dans ce contexte que Roch Marc Christian Kaboré, le Président sortant, brigue un second mandat de cinq ans. Il met en avant son bilan, notamment en matière de santé (gratuité des soins pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans), d’éducation, d’accès à l’eau (plus de 7000 forages construits), entre autres, et ceci, malgré une situation sécuritaire « difficile ». Ceci fait qu’il aborde ce double scrutin avec confiance, même s’il estime que pour le scrutin législatif, le système du plus fort reste favoris plutôt les petits partis. « Une élection n’est jamais gagnée d’avance, mais on a de bonnes chances de triompher », déclare-t-il à un groupe de journalistes africains invités à venir constater sur le terrain les réalisations du mandat qui s’achève.

« Même dans les difficultés, nous avons obtenu des résultats »

Son directeur de campagne, Simon Compaoré, espère également « un triomphe absolu » au soir du 22 novembre. Ce dernier qui nous a reçus au siège du Mpp (le parti présidentiel), se dit animé d’un « optimisme révolutionnaire ». « Tout était réuni pour que le Burkina Faso sombre. Or cela n’a pas été le cas », dit-il, louant la capacité de résilience du Gouvernement et du peuple burkinabé devant les vents contraires : l’irruption « brutale et inattendu » du terrorisme, la fronde sociale, l’intrusion « frontale » de la Covid-19… Face à ces vents contraires, l’actuel Président « a tenu la barre ». « Même dans les difficultés, nous avons obtenu des résultats », soutient Simon Compaoré. Sur ce, il invite les électeurs à renouveler leur confiance à celui qui « a fait ses preuves dans un contexte difficile » plutôt que d’écouter les « vendeurs d’illusion ».
Mieux, avance Éric Bougouma, ministre des Infrastructures, « on n’a jamais autant investi dans les infrastructures que durant ces quatre dernières années ». La proportion de routes bitumées est passée de 24 % en 2015 à 26,72 % en 2019, dépassant la cible de 26,1 % visée par le Programme national de développement économique et social (Pndes, l’équivalent du Pse burkinabé).
Au vu de ces réalisations et face à une opposition divisée (12 candidats en face), Roch Kaboré part « largement favori » de cette élection, analyse un journaliste burkinabé, bon observateur de la scène politique locale. « Le suspens se situe plutôt aux législatives », soutient un autre confrère. La vérité des urnes nous édifiera.

« Toute guerre finit autour d’une table » 

Allez-vous négocier avec les terroristes ? À cette question, Roch Marc Christian Kaboré répond sans ambages : « Ceux qui acceptent de déposer les armes, demandent pardon pour les actes qu’ils ont commis et s’engagent à œuvrer pour la cohésion sociale et la stabilité du pays, nous allons naturellement les accueillir », explique le président du Burkina qui recevait des journalistes de la sous-région à Ouagadougou le 22 octobre. Il rappelle que « toute guerre finit autour d’une table ».

En attendant, la priorité reste la stabilisation du pays. À ce propos, Chérif Sy, le ministre burkinabé de la Défense, balaie d’un revers de la main les nombreux « clichés » de la presse occidentale sur la situation sur le terrain. L’armée burkinabé est, disent ces médias, « non professionnelle, mal équipée » et commettrait beaucoup « d’exactions » contre les populations accusées de complicité avec les terroristes. « Faux », martèle-t-il, demandant les preuves de ces allégations.

 « Récemment, une Ong a parlé d’un massacre de 25 personnes enterrées dans une fosse commune. Qu’ils nous montrent ces cadavres ! Nous avons cherché partout dans la zone, nous n’avons trouvé aucun cadavre », ajoute M. Sy. Toutefois, « cela ne veut pas dire qu’il n’y a jamais d’abus ; mais à chaque fois, nous menons une enquête et sanctionnons les coupables », concède-t-il. Concernant les tensions ethniques entre Peuls (accusés par certains de complicité avec les terroristes) et le reste de la population, le ministre de la Défense, lui-même d’ethnie peule, nuance, évoquant le brassage de la population. « C’est une stratégie des terroristes pour nous diviser », dit-il finalement. À son avis, le problème du terrorisme au Sahel est plus lié à une question de trafic de toute sorte, notamment l’or, qu’à une idéologie.

Abondant dans le même sens, son collègue de la Communication se fait encore plus incisif. « On dit que le Burkina Faso est le ventre mou de la lutte contre le terrorisme, en vérité, c’est le seul qui tient, sinon la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Togo allaient être touchés », souligne Remis Dandjinou. Cependant, les deux ministres conviennent que cette lutte ne peut être gagnée uniquement sur le plan sécuritaire et que la mère des batailles est celle du développement.

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