1 novembre 2020
Iba Der Thiam est décédé samedi à l’âge de 83 ans. Responsable syndical pendant près de 20 ans, professeur d’histoire, ministre, député, premier vice-président de l’Assemblée nationale, coordinateur de l’Histoire générale du Sénégal, retour sur le parcours d’un homme d’histoire.
Le syndicalisme avant la politique. Iba Der Thiam fut Secrétaire général du syndicat unique de l’enseignement laïc (Suel), puis membre du bureau de l’Union nationale des travailleurs du Sénégal. Pourtant quand on aborde le destin si particulier de ce natif de Kaffrine, c’est l’homme politique qui émerge en premier. Son parcours a traversé l’histoire contemporaine du Sénégal : emprisonné par le président Senghor, il aura d’abord les grâces de son successeur, Abdou Diouf qui en fera son ministre de l’Education nationale à partir de 1983.
Black Lives Matter avant l’heure
C’est à ce poste qu’il a entamé, le processus de changement des noms de bâtiments et établissements publics donné à d’anciens colons, une question revenue sur le devant de l’actualité avec le mouvement Black Lives Matter près de quatre décennies plus tard. Ainsi, en 1983, M. Thiam inaugure ce mouvement en débaptisant le Lycée Faidherbe de Saint-Louis pour lui donner le nom de Cheikh Oumar Foutiyou Tall. « La campagne du Waalo de Faidherbe a fait 20 000 victimes en huit mois », dira-t-il plus tard.
Diouf-Wade-Sall, grâces et disgrâces
Même s’il fut souvent contesté par ses héritiers du mouvement syndical, le professeur Thiam a marqué le département de l’Education nationale jusqu’à son départ en 1988. Année où son cheminement avec Abdou Diouf, dont la candidature à une réélection fut soutenue pour son mouvement « Abdoo nu doy », va connaître un essoufflement avec son départ du gouvernement et la création de la Convention des Démocrates et des Patriotes (CDP) – Garab Gui. Iba Der Thiam a participé à deux élections présidentielles (1993 et 2000), il fut élu trois fois député à partir de 1993, premier vice-président de l’Assemblée nationale de 2001 à 2012. Son parti, la CDP – Garab Gui a fusionné avec le PDS du président Abdoulaye Wade, devenu son allié politique en 2005. Ainsi, Iba Der Thiam fut nommé, en 2007, coordinateur de la Convergence des actions autour du président de la République pour le 21e siècle (CAP 21), une coalition de 47 partis soutenant Wade. Après le départ du Pape du Sopi de la présidence de la République du Sénégal en 2012, Iba Der Thiam avait pris du recul, même à l’Assemblée où il était encore pour quelques temps député. Malgré ce recul politique, le Professeur Thiam avait fini par devenir un proche du Président Macky Sall. Ce dernier n’avait pas manqué de le mettre en avant lors de sa visite d’Etat en France en décembre 2016.
L’intellectuel
Iba Der Thiam, c’est l’intellectuel avec une dizaine d’ouvrages à son actif comme « La révolution de 1914 au Sénégal ». C’est aussi l’agrégé en Histoire : il a participé comme membre du Comité scientifique de l’Unesco à la rédaction de l’Histoire générale de l’Afrique. Plus récemment, il a dirigé la réécriture de l’Histoire générale du Sénégal. Après les polémiques faisant suite à la réalisation de ce projet, il avait accordé, en octobre 2019, au Soleil sa dernière grande interview. Il y soulignait la conséquence de la prise « de conscience des enjeux par des équipes de chercheurs, d’historiens, de journalistes, d’intellectuels de tous les horizons. Ils se sont fixés pour mission de doter notre pays de l’outil scientifique, pédagogique et culturel, en élaborant l’Histoire Générale du Sénégal. Toutefois, précisait-t-il, « les historiens ne sont pas des maîtres de vérité. La vérité en Histoire ne se constate pas, pas plus qu’elle ne se détient. Elle n’est ni un trésor enfoui, ni un privilège à faire valoir ». M. DIOP