Opposants détenus en Guinée : Paris brandit des menaces
Le Point Afrique - Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a appelé mercredi le président guinéen Alpha Condé à « faire toute la lumière » sur les opposants en prison, agitant la menace de « mesures » à l'encontre de Conakry.
« Avec l'Union européenne, nous avons demandé aux autorités de Guinée de faire toute la lumière sur les événements qui se déroulent en ce moment, avec éventuellement des mesures à prendre si cette lumière n'est pas faite », a-t-il déclaré au Sénat. « Nous condamnons la poursuite des détentions hors procédures judiciaires d'opposants », a-t-il ajouté.
Auparavant, au cours d'un débat à l'Assemblée nationale française, le député et vice-président du groupe d'amitié France-Guinée Thomas Rudigoz a alerté le chef de la diplomatie sur la situation politique et judiciaire de la Guinée.
Des cas qui posent question
Il faut souligner que le pays a été pendant des mois en proie à une profonde crise causée par la candidature controversée du président Alpha Condé à un troisième mandat à la faveur d'une révision constitutionnelle. La contestation, durement réprimée, a fait des dizaines de morts depuis octobre 2019.
En novembre, l'ancien opposant, âgé aujourd'hui de 82 ans, a été proclamé vainqueur au premier tour de la présidentielle par la Cour constitutionnelle, malgré les mises en doute de la régularité du vote. Les semaines avant et après l'élection ont vu l'arrestation de centaines d'opposants, selon Amnesty International et Human Rights Watch.
Les États-Unis et l'Union européenne ont dénoncé la semaine dernière les morts en détention de deux opposants, Mamadou Oury Barry le 16 janvier et Roger Bamba en décembre, dues à des causes « naturelles », selon le gouvernement, mais qualifiées d'atteinte grave aux droits humains par Amnesty International.
Des menaces de sanctions
Le parquet guinéen a requis lundi dix ans de prison ferme contre un autre opposant, Mamady Condé, poursuivi pour « atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation » après avoir publié des textes contre un troisième mandat d'Alpha Condé et des vidéos critiques contre le pouvoir.
« À plusieurs reprises, nous avons marqué la nécessité d'un dialogue entre les autorités et l'opposition afin de permettre une réconciliation de tous les Guinéens qui méritent aujourd'hui un climat politique apaisé », a également déclaré Jean-Yves Le Drian, en soulignant l'avoir expressément dit au président Condé lors de l'investiture du président ghanéen Nana Akufo-Addo, le 7 janvier à Accra.
En décembre, le président français Emmanuel Macron avait adressé ses « vœux de succès » à son homologue guinéen, mais s'était abstenu de le féliciter après sa réélection. Dans un entretien avec l'hebdomadaire Jeune Afrique le 20 novembre, il lui avait reproché d'avoir « organisé un référendum et un changement de la Constitution uniquement pour pouvoir garder le pouvoir ».
Par Le Point Afrique (avec AFP)