l’éminent professeur Ely Ould Sneiba. "Il faut dire que les nationalistes arabes s'étaient aussi trompés en voulant contrer le nationalisme peul par le mal lui-même", répond Mohamed Mohamed Lemine, journaliste et professeur
Tout est parti du tweet publié le mercredi 22 janvier 2025 par l’éminent professeur universitaire et diplomate Ely Ould Sneiba sous le titre « Les nationalistes pulaars se trompent ».
Grosso modo, Ould Sneiba dit dans son post ci-dessous, qu’il est impossible de légitimer un nationalisme et d'insulter un autre, de croire qu'il y a un sectarisme positif et un sectarisme négatif.
Réagissant à ce post, Mohamed Ould Mohamed Lemine déclencha un débat croisé inattendu avec l’illustre professeur, qui a bien tenu à défendre son constat d’ailleurs soutenu par des internautes dont les avis ont été inclus dans la compilation suivante des échanges caractérisés par la franchise et le respect mutuel entre Ely et Mohamed, accompagnée d’avis d’autres intervenants dans la discussion
- Ely Sneiba : Les nationalistes pulaars se trompent
Depuis sa naissance, la Mauritanie a été le théâtre d'une poussée ethniciste sans interruption. En effet, les partisans du nationalisme noir d'obédience peul ne baissent jamais les bras. Ils agissent sans retenue et restent convaincus que leurs actions ne doivent pas déclencher la réaction de l'autre, qui doit endurer, bouche fermée et bras croisés.
Pourquoi êtes-vous autorisé à cultiver votre nationalisme alors que l'autre n'en a pas ?
Croyez-vous que lorsque vous êtes en action, vous êtes les promoteurs d'une cause juste, des personnes défavorisées qui se battent ? Et lorsque quelqu’un d’autre est en désaccord avec vous, il se comporte en chauvin et raciste, méprise les Peuls et encourage la haine parmi les différentes communautés nationales en racontant des sottises.
Est-ce que cela implique que tous les Mauritaniens devraient soutenir le nationalisme négro-africain et sa version mauritanienne, qui est l'ethnicisme poulo-toucouleur ?
C'est un peu comme les francophiles qui sont les continuateurs incontestés du nationalisme français, qui condamnent les Arabes en raison de leur jalousie pour leur langue et leur culture.
Pour récapituler, il est impossible de légitimer un nationalisme et d'insulter un autre, de croire qu'il y a un sectarisme positif et un sectarisme négatif.
- Mohamed Mohamed Lemine : Personnellement je suis opposé au nationalisme des deux côtés voire dans la région et dans le monde. Il est insensé de vouloir pour soi ce qu'on refuse à l'autre. Mon soutien porte sur le règlement du passif humanitaire. Du traitement d'égal à égal de toutes les communautés, de mettre fin au favoritisme et de traiter les mauritaniens, abstraction faite de leur race suivant l'égalité des chances. Votre présente analyse explicite plus le grand intellectuel que vous êtes contrairement à vos précédentes opinions qui pourraient, malgré leur haute qualité, être mal comprises par les non-initiés en raison de leur style académique et de la réaction épidermique de vos contradicteurs qui ne supportent même pas, semble-t-il le nom SNEIBA. Pour terminer, il faut dire que les nationalistes arabes s'étaient aussi trompés en voulant contrer le nationalisme peul par le mal lui-même
- Ely Ould Sneiba : il n y a de communauté que la communauté nationale: le peuple mauritanien et non les peuples mauritaniens.
- Mohamed Mohamed Lemine : Je signe. Il n’y a pas des peuples mais un seul, mais faut-il que ce peuple soit harmonisé, traité sans discrimination ni favoritisme. C'est là un idéal qui mérite d'être soutenu par tous mais quand on voit une administration ou un système politique sous forme de miroir réverbérant la négation de cette égalité, on doit tolérer toute rébellion qui dénonce la dérive et revendique le retour à la normalité nationale.
Mohamed Mohamed Lemine : La Mauritanie n'est pas un pays arabe. C'est un Etat musulman. La différence est flagrante. Pourquoi cela n'a pas été proclamé à l'indépendance : « République Arabe de Mauritanie ?» Parce que c'est archi-faux. On ne peut pas être plus lucide que Mokhtar Ould Daddah et sa génération voire celles qui l'avaient suivi jusqu'au conflit du Sahara. C'est seulement avec l'arrivée des militaires qu'on a cherché par tous les moyens à usurper l'Islam de la République par Arabité et voilà les résultats catastrophiques qui nous pourchassent jusqu'à présent. Y-a-t-il une honte à appeler la Mauritanie « la République Africaine de Mauritanie »?
Ely Ould Sneiba : Non la Mauritanie n’est pas un État théocratique, c’est flagrant de le vouloir. Et si vous contestez son identité, dites-nous quelle est son identité?
Mohamed Mohamed Lemine : Ce n'est pas à moi de dire l'identité de la Mauritanie. Ce n'est pas également à vous. L'histoire dit que c'est un Etat africain et la réalité du terrain dit que c'est un pays afro-arabe pour ne pas dire arabo-africain. C'est seulement un dialogue national ouvert, un congrès qui devra déterminer à l'unanimité l'identité compatible avec le peuple de Mauritanie est c'est un pays islamique à mon avis.
- Ely Ould Sneiba : Sur quelle base s’établit cette égalité et comment la quantifier pour savoir si l’on est équitable ou non. Les ethnies ne seront jamais égales. Les citoyens même d’origine autre que maure, peule…doivent absolument être traités sur un pied d’égalité. Vous voyez l’erreur ?
- Mohamed Mohamed Lemine : Je consens mais il y a parfois des aberrations. Le fait par exemple d'imposer l'arabisation à outrance, poétique et non technique à une communauté est une injustice flagrante. Recruter sur un effectif de 500 élèves soldats 95% d'une seule communauté est une injustice, également pour les bourses, les fonctions. Les exemples sont abondants
- Ely Ould Sneiba : Pour être clair, il ne faut pas préconiser l’égalité entre les communautés mais entre les citoyens de la République et ils sont nombreux autres que peuls, maures, soninkes et wolofs. Il y a parmi nous des citoyens originaires d’autres nations.
- Mohamed Mohamed Lemine : Je viens de te complimenter pour ouvrir cet important débat sur un post de Deida qui résume en deux mots votre post. Oui l'égalité doit s'opérer au niveau du citoyen et une fois celle-ci actée elle le devient ipso facto sur le plan communautaire. Mais quand on parle de collectivité et de son combat au sein d'un peuple, c'est qu'elle défend et attire l'attention sur la discrimination, les inégalités et non pour défendre un nationalisme, ce mal qui a fait à notre pays beaucoup de tort et de mal, tant à droite qu'à gauche, tant maure, peul, haratine ou autre. Donc continuons sans passion le débat auquel s'attardent encore à s'associer d'autres élites afin de murir un projet capable de nous permettre ainsi qu'au système politique de tourner la page des nationalismes et de s'engager résolument dans la voie du peuple un et indivisible
- Ely Ould Sneiba : Personnellement, j’ai dit ce que j’avais à dire dans deux essais. Je n’encourage pas l’égalité ethnique et communautaire. Et je reste convaincu que tous les hauts fonctionnaires dominent, chacun dans leurs domaines, sans que ça soit leurs communautés qui dominent les autres. Si nous soutenons que les Maures dominent, donc nous prônons l’égalité ethnique : le piège.
Exemple: M.Dia Malal domine à l’Agence mauritanienne de presse. Les Maures qui se trouvent sous son autorité sont dominés en quelque sorte par un Pulaar. Non, l’égalité ethnique est un piège.
- Mohamed Mohamed Lemine : Pour le cas du patron de l'AMI que vous citez, n'occultez pas la comparaison et fouillez les autres segments de l'administration où des maures sans instruction sont aux commandes dans les fonctions civiles et militaires et avaient été juste parachutés dans ses postes par une réaction épidémique et une purge de l'autre communauté sans considération du niveau d'instruction, de l’expérience..
- Mohamed Mohamed Lemine : Pour le cas mauritanien, considérant les inégalités cumulées depuis les années de braise, l'égalité ethnique et communautaire qui n'était pas la bonne option à l'époque est souhaitable plus que jamais aujourd'hui pour instaurer la confiance, cicatriser les plaies et mettre fin aux revendications, avec toutefois la perspective de rebondir de nouveau pour une future configuration saine et inclusive fruit d'un dialogue ouvert sans tabou qui implique tous les mauritaniens. Il s'en dégagera une forme de gouvernance acceptée par tous, débarrassée des prismes nationalistes
- Ely Ould Sneiba : Quelle confiance, celle des ethnies ? C’est justement l’ethnicisme qui a rendu la situation invivable.
- Mohamed Mohamed Lemine : Il y a plus de victimes chez les négromauritaniens et les haratines que chez les maures. Disons pour être précis que cette volonté de division, de discrimination, d'exclusion n'existe qu'au niveau du système politique et n'est pas présente dans les sociétés sauf que la frustration et l'indignation ainsi que la volonté de vindicte vouée à l'échec contre le système d'ailleurs très violent (pendus sans jugement, prisons de Oualata, Jreida) font que la haine s'installe malgré elle entre les citoyens. Raison pour laquelle, pour condamner le système, on jette l’opprobre sur tous les maures alors que ces derniers ne cautionnent pas et ne sont pas consultés sur les abus des régimes. Quand un maure et kowri se retrouvent en dehors du système politique, du régime, par exemple à l'étranger on dirait malgré leur couleur qu'ils sont jumeaux
- Ely Ould Sneiba : Est-ce que vous pouvez nous donner des statistiques et est-ce que vous prônez des quotas ethniques et statutaires: un pourcentage pour les Peuls, un pour les Maures…et des pourcentages pour les Harratines, les griots, les forgerons… Une fois encore, l’ethnicisme, c’est à dire le tribalisme sont les ennemis de la citoyenneté républicaine.
Ely Ould Sneiba : La mauvaise gouvernance ne justifie pas l’ethnocentrisme. Les Maures sont aussi largement victimes de ce que vous dénoncez ici.
Mohamed Mohamed Lemine : Merci, paroles sages. C'est mieux de ne pas toujours dramatiser et de nourrir des espoirs d'une Mauritanie Une et Indivisible
Autres commentaires
Ahmed Salem Deida
Je retiens: "....il est impossible de légitimer un nationalisme et d'insulter un autre, de croire qu'il y a un sectarisme positif et un sectarisme négatif."
Dans une nation multiethnique, le national doit primer sur le communautarisme !
Mohamed Mahmoud Ould Dah
Et ils jouent avec les mêmes procédures juives sur le passé humanitaire, sur l'exécution de putschistes dans les années 80 et en font une shoah.
Dahane Taleb Ethmane
Je crois que la question identitaire est dépassée et que l'évoquer de nouveau va dans le sens des détracteurs des choix retenus: un pays riche de ses ethnies fondé sur une citoyenneté égale, avec l'arabe (langue maternelle de la grande majorité des citoyens) comme langue officielle et le pular, le soninké et le Wolof comme langues nationales qu'il faut préserver et développer. A cela s'ajoute le français comme langue secondaire. Tous les citoyens sont égaux devant la loi.
Mohamed Mohamed Lemine à Dahane : Contribution modérée à prendre comme référence loin des extrémismes.
Ely Ould Sneiba à Dahane : Donc, notre Constitution ne reconnaît pas les communautés et ne consacre pas le confessionnalisme ethnique. C’est bien normal, nos voisins ne le font pas.
Alain Assane-Aly : Tout cela me rappelle-en France- cette “ mode”,pour autant qu’elle en soit, des extrémistes de droite à crier au “ racisme anti-blanc” .
Ils ont oublié que ce qu’ils appellent un racisme anti-blanc n’est autre que la réaction, le contrecoup de ce qu’ils ont fait subir aux Noirs et Maghrébins de ce pays.
L’histoire a démontré que les nationalismes sont la source de nombreux conflits inter et intra-communautaires, de même qu’internationaux.
Or faire nation, c’est avant tout la volonté d’avoir un dessein commun. Dans le contexte mauritanien, il ne peut y avoir de dessein commun sans l’épuration du solde de tout compte de ce que l’on nomme pudiquement « le passif humanitaire ».
Réclamer justice et réparation ne peut et ne doit pas être considéré comme un nationalisme revendicatif, mais la condition sine qua non d’un possible vivre ensemble.
Il y a trop de « passifs humanitaires» qui sont passés au compte pertes et profits exceptionnels : la question des esclavages que moult lois n’a toujours pas solutionnée, La confiscation du pouvoir par le même groupe ethnique et ce de l’indépendance à nos jours.
Et s’accuser mutuellement de nationalisme exacerbé ne fait pas avancer la chose commune. Pour vivre ensemble de nombreux compromis seront nécessaires, notamment un partage du pouvoir équitable et une meilleure répartition des richesses.
Est-ce que les Arabo- berbères sont prêts à y souscrire ? Vu de loin, cela me parait improbable. Mais qui sait ?
Finalement tout est possible : le meilleur comme le pire. Seul l’avenir nous le dira.
Imam Cheikh : Un débat très intéressant et instructif qui pour une fois est mené exclusivement par des intellectuels maures, ce qui en lui-même est louable et prometteur. Le problème de l'unité nationale comme celui de l'esclavage doit être un débat inclusif et non pas circonscrit à telle ou telle communauté. Voyez-vous chers amis rien qu'à travers nos mots, nos phrases, nous prouvons par l'usage des termes, nationaliste, communautaire et ethnique pour qualifier les problèmes que nous reconnaissons que notre pays est divisé et loin d'être homogène. Cet état de fait implique forcément un impératif de reconnaître également que les mauritaniens ont échoué depuis 1960 à créer un Etat-nation qui dispose de certains dénominateurs communs autour desquels s’est bâti un Etat-nation à savoir une langue ciment, une culture commune et reconnue par tous, sève nourricière de fierté et d'ambitions, une religion sinon unique du moins majoritaire, un territoire commun et sans velléités sécessionnistes... Il suffit qu'il y ait discorde sur l'un de ces aspects pour que l'on soit en droit de considérer que nous sommes dans une situation d'absence d'un pays et d'un Etat unitaires.
Nous avons la chance d'être tous des musulmans et c'est le seul fondement qui a sauvé jusqu’ici notre pays de l'éclatement. La solution ne sera nullement dans des politiques de repli identitaire, de haine, de diatribes, de querelles et polémiques sempiternelles et stériles, de fonds de commerce pour les uns et les autres, de toile de fond et de levier pour les détracteurs de la Mauritanie et pour ces puissances qui ont des visées sur notre pays. La solution sera dans la prise de conscience d'abord de la nomenklatura beydane au pouvoir pour engager le grand virage vers des décisions drastiques et révolutionnaires qui impliqueront un prix fort à payer, celui du partage du pouvoir et des richesses. La solution passera aussi par l'acceptation des éternels pourfendeurs et ennemis de l'arabe et de l'arabité à s'inscrire dans une optique de rapprochement, de réconciliation, et d'acceptation des réalités dont celle de l'arabisation qui a atteint un seuil presque irréversible. La sagesse veut que les uns et les autres franchissent la première étape qui est celle d'une reconnaissance mutuelle des droits inaliénables consacrés par la constitution, ensuite l'acceptation de s'assoir autour d'une même table, celle de la réconciliation définitive et de faire des concessions et des sacrifices de part et d'autre. La politique de l'autruche des dirigeants successifs de la Mauritanie depuis 1966, qui refusent de résoudre ce passif, les options et velléités de vengeance et les discours va-t’en guerre des activistes de la diaspora et des exilés négro-africains à travers le monde, et je ne remets pas en cause leur justesse et leur légitimité, continueront d'alimenter les réseaux sociaux mais laisseront s'approfondir les fractures sociales, déracineront des milliers d'enfants mauritaniens nés à l'étranger et ainsi la Mauritanie perdra toute une génération de ses fils et filles dont elle a tellement besoin...
Tout intellectuel digne de ce nom qui aime son pays doit s'engager dans toute œuvre qui peut rapprocher les cœurs, apaiser les esprits et consacrer une issue définitive à cette douloureuse plaie qui n’arrive pas à guérir faute du traitement adéquat.
Amadou Bâ : A chacun son avis. Mais mon ami je suis toujours stupéfait de constater que M. Mdmdlemine que je classe parmi l'un des intellectuels de ce pays au-dessus de la mêlée, continue à prendre ce Ely Sneiba comme référence. M. Mdmdlemine, seuls les lecteurs des forums peuvent apprécier l'intérêt sinon le niveau d'importance des contributions de chacun . Entre les Mustapha Ely et Ely Sneiba, je préférerais ignorer pour de bon ce Sneiba pour des milliers de raisons.