Probable entente tacite entre Israël et certains dirigeants arabes : Vers une deuxième Nakba ? Par Moussa Hormat-Allah, professeur d'université, lauréat du Prix Chinguitt

mar, 04/03/2025 - 19:34

L'évocation du bilan de la guerre d'Israël sur Gaza fait froid dans le dos : Plus de 2% de la population décimée, en majorité des femmes et des enfants, cent mille blessés, dix mille disparus sous les décombres, une ville rasée à 80%, toutes les infrastructures détruites, des massacres effroyables avec des scènes insoutenables. Un territoire vitrifié. Des experts occidentaux ont calculé que les israéliens ont, notamment, avec les armes américaines, déversé sur la petite enclave de Gaza, l'équivalent de deux bombes atomiques.

Cette entreprise macabre terminée, Trump, Netanyahou et la juiverie mondiale, avec probable entente tacite de certains régimes arabes, sont à l'œuvre pour essayer de débarrasser le territoire de Gaza des gravats et des palestiniens ; un peu comme on donne un coup de balai pour enlever la poussière.

Dans la foulée, le président américain trouve que le territoire israélien est trop petit et qu’une annexion de la Cisjordanie par l'État hébreu est dans l’ordre des choses.

Un vaudeville qui aurait pu faire rire, n’eut été sa dimension gravissime en rupture totale avec les notions les plus élémentaires du droit et de la morale. Car, in fine, l’objectif recherché est la kurdistanisation du peuple palestinien qui se trouverait alors disséminé entre divers pays : Egypte, Jordanie, Liban, Syrie…

 

Mise en garde du procureur de la CPI contre Trump ?

 

Ce projet de Trump devrait lui valoir une mise en garde par le procureur de la CPI. Le droit international public est on ne peut plus clair dans le cas d'espèce : Le déplacement forcé des populations hors de leur territoire est considéré comme un crime de guerre ou un crime contre l'humanité. Plus grave encore, si ce déplacement fait partie d’un plan systématique visant à détruire un groupe ethnique, racial ou national, il peut constituer un génocide. C’est exactement le cas du peuple palestinien si la démarche du président américain venait à prendre réellement forme.

Pour se donner bonne conscience, les européens, à de rares exceptions, évoquent, ici ou là, la nécessité de la création de deux États (palestinien et israélien) pour arriver à une paix durable. Mais, au fond, ils sont conscients qu’il ne s’agit, ni plus ni moins, que d’un vœu pieux. La preuve: Ni la Grande Bretagne, à l’origine de la Nakba en 1948 et de tous les maux passés et présents du peuple palestinien martyr, ni la France qui, après avoir fait subir à des peuples meurtris les affres de la colonisation est devenue aujourd’hui l’un des foyers les plus actifs de la Sionie en soutenant la politique génocidaire de l’Etat hébreu, ni l’Allemagne qui connait l’effroyable histoire de l’holocauste, ni l’Italie qui a vécu les horreurs du fascisme ne veulent reconnaitre l’Etat palestinien.

A l’ONU, malgré les multiples résolutions de l'Assemblée générale, toujours votées par une écrasante majorité, les Etats-Unis ont, à chaque fois, usé de leur droit de véto pour faire obstacle à cette reconnaissance par le Conseil de sécurité.

Pour leur part, beaucoup de gouvernants arabes déclarent, du bout des lèvres, qu’ils sont contre le projet de Trump. Mais, en réalité, ce qu’ils craignent par-dessus tout, c’est la rue arabe et un soulèvement populaire qui pourrait faire tache d’huile.

Après cette série de constats alarmants, que faire pour sauver la Palestine ? Dans cette épreuve existentielle, les Palestiniens ne peuvent compter que sur eux-mêmes et, accessoirement, sur les pays arabes. A cette fin, ils doivent d’abord resserrer leurs rangs en mettant fin aux querelles stériles de leadership et autres divergences entre le Fatah et le Hamas qui ne profitent qu’aux ennemis de la cause nationale.

 

 

 

 

Le Hamas toujours debout

 

On aura beau soutenir, comme l’affirme Israël, que le Hamas a été défait et qu’il ne constitue plus un danger existentiel pour l’Etat hébreu, les faits sont là pour démentir ces assertions : Aucun des objectifs de la guerre de Netanyahu n’a été atteint. En effet, le Hamas est toujours dans Gaza, qu’il continue d’administrer, les otages n’ont pas été libérés par la force. Par ailleurs, malgré les pertes subies, les effectifs des combattants du Hamas ont été reconstitués, les tunnels, de l'avis d’experts occidentaux, sont à plus de 60% toujours intacts. Les pertes, parfois très lourdes, de l'armée israélienne sont quasi quotidiennes. Cette armée a fait preuve d’une férocité, d’une cruauté et d’une barbarie sans égale dans l’histoire des guerres.

Détruire Gaza, éliminer physiquement des chefs du Hamas, n'obère en rien les capacités de résistance des Palestiniens.

On ne peut tuer une idée, une idéologie. Le flambeau sera toujours repris, génération après génération.

Israël livre à Gaza une guerre asymétrique avec, par définition, des moyens disproportionnés. D’un côté, les israéliens avec des avions de combat ultra modernes : F-35, hélicoptères Apache, armés de bombes et de missiles, des navires de guerre avec une impressionnante puissance de feu, des chars d’assaut, une artillerie destructrice et, d’un autre côté, des combattants du Hamas, sans aucune défense anti-aérienne, armés seulement de fusils et de charges de plastique mais avec un esprit de combativité et un courage qui force l’admiration.

Malgré ce flagrant déséquilibre dans les rapports de force, Israël n’a pas vaincu le Hamas. Plusieurs experts occidentaux font le même constat. Un exemple : Dans l'émission télévisée Face à Darius Rochebin sur LCI du 5 février 2025 à 20 heures, à la question : ‘’Le projet de Trump est-il réalisable sur le terrain ? Le colonel Michel Goya, consultant militaire de LCI et ancien conseiller au ministère français de la défense a répondu : ‘’Il faut d’abord vaincre le Hamas, ce qu'Israël n’est pas arrivé à faire jusqu'à ce jour’’.

Soutenir qu'Israël a vaincu le Hamas est une affabulation. Les responsables israéliens sont habitués à de telles contre-vérités. Il en est ainsi du prétendu lien historique entre l’Etat hébreu et la Palestine.

 

Gaza est palestinienne depuis des millénaires(1)

 

Gaza n’a jamais été une terra nullius, un territoire sans maître. Elle appartient depuis des millénaires à un peuple : les palestiniens. On y a greffé en 1948 Israël, une excroissance maligne dont les métastases n’ont cessé depuis de se développer. Un foyer juif, créé de toutes pièces par l’Occident pour se donner bonne conscience après les atrocités commises contre les juifs lors de la deuxième guerre mondiale.

L’Etat hébreu occupe actuellement 78% de la Palestine. Ce pourcentage inclut Israël et les colonies israéliennes en Cisjordanie. Pour leur part, les Palestiniens n’occupent que 22% de leur propre territoire. Plus scandaleux encore, Israël, avec le soutien militaire américain, cherche maintenant à annexer par la force la totalité des terres palestiniennes.

 

La rue arabe fait partie de l'équation

 

Le président américain ne semble pas avoir pris en considération les implications et les incidences futures de son acte. En effet, pour peu qu’on se place dans une optique prospective, l’initiative de Trump au sujet de Gaza si elle venait à se concrétiser menacerait à coup sur la présence et l’influence des Etats-Unis au Proche-Orient et mettrait en péril l’existence même d'Israël. Comment ? La stabilité apparente qui prévaut, actuellement, dans la sous-région pourrait être remise en cause par la rue arabe. La poussée subite d’un nationalisme exacerbé est un réel facteur de déstabilisation de certains régimes locaux.

Ce constat est d’autant plus vrai qu'après les effroyables boucheries perpétrées par Israël à Gaza, la quasi-totalité des gouvernants arabes assistent, les bras croisés, à ce pogrom sans réagir de peur de provoquer le courroux des occidentaux.

Comment taire une attitude aussi avilissante qui consiste à ne pas venir au secours de musulmans sauvagement agressés alors qu’on a les moyens de le faire ?

 

Des gouvernants arabes face à Allah

 

Comment oublier Allah, Mohammed, Son prophète, la mort et le jugement dernier ?

Comment oublier qu’une fois dans la tombe, il n’y a plus de garde du corps, ni de tapis rouge, ni d’attention particulière ? A l’exception des prophètes et d’un nombre limité de justes, la ‘’cérémonie d'accueil’’ est la même pour tous. Aussi bien pour ceux qui furent les grands de ce monde que pour les plus modestes : le corps commence à se décomposer. Le festin macabre débute. Les vers grouillent dévorant au passage les viscères, puis perforant les muscles autour des orbites et des mâchoires pour s’attaquer aux yeux, à la langue…

En quelques jours, il ne subsiste que de petits tas d’immondices nauséabonds et des ossements désarticulés qui, avec le temps et les intempéries, affleurent, par endroit, à la surface du sol. Que reste-il alors de celui qui se prenait pour le nombril du monde ? Rien.

La santé, les honneurs, le pouvoir, l’argent, tout cela s’est évanoui comme un mirage dans le désert.

Désormais, chacun sera rétribué en fonction de ses actions ici-bas. Devant le Souverain Juge auquel rien n'échappe, tous les actes de la vie terrestre seront passés au crible. Une sentence sans appel sera alors prononcée : Le Paradis ou l’Enfer. Pour l'éternité.

Pas de méprise. Si les Palestiniens sont, naturellement, en première ligne pour défendre leur cause, les pays arabes, en revanche, brillent par leur absence. Par leur démission et leur subordination à l'Occident.

Le problème de la plupart de ces gouvernants arabes, c’est leur valeur intrinsèque et leur manque de foi en l’avenir et le devenir de leur nation. Ils se complaisent dans un statut d'usufruitier. Ainsi, pendant que certains dirigeants arabes sont obnubilés par l’argent, le pouvoir, les honneurs, le luxe et le farniente, les israéliens, en revanche, sont constamment sur le qui-vive pour veiller sur la sécurité et le bien-être de leur population.

L’explication de ce phénomène de soumission et de faiblesse des arabes, aussi bien envers Israël que, naguère, face aux agressions des puissances occidentales en Irak, en Syrie, en Libye… a été donnée par le Messager d’Allah, dans l’une de ses prophéties.

Thawban rapporte que le Prophète (PSL) a dit : ‘’Bientôt les nations vont se rassembler contre vous comme se rassemblent les gourmands autour d’un festin’’. Un de ses Compagnons lui demanda : ‘’Serions-nous si peu nombreux ce jour-là ?’’ Le Prophète lui répondit : ‘’Non, en ce jour vous serez très nombreux, mais vous serez semblables à de l’écume ; Dieu ôtera des cœurs de vos ennemis la crainte qu’ils avaient de vous et placera dans vos cœurs la faiblesse’’. Le Compagnon renchérit alors en s’interrogeant sur la nature de cette faiblesse. Et le Prophète explicita son propos sur cette faiblesse : ‘’L’amour de la vie terrestre et la crainte de mourir’’.

 

Jadis redoutés et redoutables, les arabes sont devenus comme le dit si justement le hadith ‘’semblables à de l’écume’’ à cause de ‘’l’amour de la vie terrestre et la peur de mourir’’.

 

                                                                        

 

Sources académiques : 

 

Les Palestiniens habitent la région de la Palestine depuis des millénaires, avec des racines remontant à l'Antiquité environ 3000 ans avant J-C.

 

  1. - Études archéologiques et génétiques
  • Des études génétiques, comme celles publiées dans ‘’Scientific Reports’’ (2017), montrent une continuité génétique entre les populations anciennes de la région et les Palestiniens modernes.
  1. - Période islamique et moderne
  • History of Palestine : From the Ottoman Conquest to the Founding of the State of Israel (2008) par Gudrun Kramer.
  • The Palestinians : The Making of a people (1994) par Baruch Kimmerling et Joel S. Migdal
  1. - Histoire ancienne
  • The Archaeology of Palestine (1949) par W.F. Albright
  • Canaanites and Their Land. The tradition of the Canaanites (1991) par Niels Peter Lemche.