Le dialogue politique en vue...?

mar, 04/03/2025 - 23:00

Le dialogue politique en vue...?

 Depuis 2019, après chacune des sorties du Président MOHAMED CHEIKH GHAZOUANI, le milieu politique "lave ses calebasses et attend", comme disaient nos grand-mères. À chaque fois, les contradictions entre ses discours et la réalité de la gouvernance du pays suscitent des doutes, des incompréhensions et des déceptions. À l’entame de son premier quinquennat, il s’est ouvert à l’opposition pour instaurer un climat d'accalmie politique. Cette démarche a été largement acceptée, avec l'espoir de tourner la page d'une décennie d'étouffement politique et de mauvaise gouvernance, et d'ouvrir une nouvelle ère de promotion de notre démocratie. Cela a conduit à une démobilisation de l’opposition, qu’il a d’ailleurs réussi, comme par enchantement, à instrumentaliser. En effet, en contrepartie de cette accalmie qui lui a donné le temps de prendre en main les affaires de l'État, il a permis à une opposition chancelante de tirer profit du système, pour survivre politiquement et pour bien d’autres choses... Ainsi, par une baraka maraboutique ancestrale ou une stratégie militaire, il est parvenu à tailler sur mesure une opposition qui ménage son régime par intérêt et se radicalise au besoin. Il l'a rendue ainsi dépendante, pour lui reprendre l’initiative, la contenir et exacerber ses divisions. On a compris trop tard que l’objectif visé par l’accalmie politique était de compromettre et déstabiliser l’opposition.

Aujourd'hui, le président appelle encore, de tous ses vœux, à un dialogue politique, un vrai cette fois-ci, inclusif, où l’on aborderait toutes les questions sensibles et lancinantes. Malgré l'intérêt d'un tel dialogue politique, pour sortir le pays de sa dérive, il est légitime d’être sceptique sur son organisation actuellement, d’autant plus que le pouvoir avait arrêté un autre, au premier quinquennat, unilatéralement, sans crier gare et sine die. Quel serait alors, pour le pouvoir, l’intérêt de ce dialogue au début du second quinquennat ? C’est dans la réponse à cette question que l'on doit chercher l'enjeu de ce dialogue, que le pouvoir cherche à faire valoir comme une ouverture politique à l’opposition et qui risque d’être aussi minée que celle du premier quinquennat.

En réalité, même si l'on peut concéder au président MOHAMED CHEIKH GHAZOUANI la sincérité de ses engagements et de ses orientations progressistes, il n'en demeure pas moins vrai que sa présidence a été une succession d’échecs, d’incompréhensions et de déceptions. Aujourd'hui, la désillusion et le désespoir sont tels que, les citoyens incrédules ont le sentiment que le pays est présidé par une délégation de l’autorité présidentielle. Le fait qu'il n'ait pas su ou pu imposer son autorité présidentielle souveraine présage d'une fin de règne non assurée et d'une succession à hauts risques. Dès lors, la hantise de subir le même sort que le régime de MOHAMED ABDEL AZIZ pousse à l'organisation d'un dialogue politique, dans le but d’instaurer une autre accalmie politique, le temps de concocter un plan à même d’assurer une alternance du pouvoir plus salvatrice. Pour réussir cette manœuvre, le régime mise paradoxalement plus sur l'opposition que sur sa majorité présidentielle, connue pour son opportunisme et ses retournements de vestes à chaque changement de pouvoir. D’ailleurs, cette dernière continuera dans son alignement à la politique du pouvoir, avec la même connivence et le même opportunisme, en attendant que se précise le projet d'alternance que proposera le régime. Ce qui lui importe le plus, c’est surtout de bien se positionner dans la future majorité présidentielle, quelle qu'elle soit. Quant à l'opposition démocratique, elle ne manquera pas, à l'occasion de ce dialogue, de sortir au grand jour sa faillite et ses égoïsmes sordides. Elle y participera, comme d’habitude, en ordre dispersé, dans des postures revendicatives unilatérales. Chaque partie voulant faire cavalier seul pour profiter de la nécessité de parvenir à un consensus, pour donner signe de vie et se faire valoir. Son émiettement et son incapacité de constituer des coalitions fiables et conséquentes sont des faiblesses structurelles que le pouvoir sait instrumentaliser, pour la déstabiliser davantage face aux enjeux de fin de règne du président Ghazouani.

Quels peuvent être alors, les objectifs du pouvoir qui sous-tendent ce dialogue politique ?

• Camoufler l'objectif principal qui est la fidélisation de l'assemblée nationale, en miroitant à l'opposition des élections anticipées, organisées consensuellement avec une CENI reconstituée. Mal préparée, l’opposition serait ainsi entraînée à une défaite fatale.

• Avaliser le néo-monopartisme en cassant l'unanimité sur la controverse relative à la nouvelle loi sur les partis politiques en faisant montre de flexibilité dans la régularisation de ceux qui sont légalisés. Ici, l'objectif du pouvoir est l’effondrement du semblant de démocratie existant.

• S'accorder sur des résolutions consensuelles, vagues et formelles, relatives à la problématique de l'esclavage, au passif humanitaire, à la discrimination, à la gabegie et aux autres problèmes pendants dont les applications très incertaines seraient tout au mieux biaisées et taillées sur mesure. 

Ainsi, avec la faillite de la présidence de MOHAMED CHEIKH GHAZOUANI, caractérisée par l’accentuation de la mauvaise gouvernance, de la gabegie, de la discrimination, des replis identitaires, du recul des libertés et de la démocratie, on ne peut, objectivement, que douter de la fiabilité d’un tel dialogue, dont les protagonistes sont plus préoccupés par des calculs politiques égoïstes, qu’à s’accorder sur l’instauration d’un état de droit viable. L’expérience et la prévoyance politiques exigent de l'opposition plus de vigilance et de lucidité. Elle doit se démarquer résolument du système et oser une refondation basée sur un dialogue inter-opposition. Son objectif prioritaire absolu devant être le changement du système presque quarantenaire qui devient un véritable cancer politique pour le pays. Ainsi le dialogue n'a d'intérêt pour l'opposition que s'il aboutit à soulager les mauritaniens du joug de ce système qui les prend en otage ou de faire bouger les lignes dans le sens du changement. 

En allant au dialogue sans se ressaisir, l’opposition risque d’avaliser son coup de grâce, car, quelles que soient ses conclusions, elles ne seront pas appliquées par le régime actuel, ni par la future version du système.

MOHAMED DAOUD IMIGINE
La 3 mars 2025