Des efforts de réforme louables dans le secteur des assurances : Mais beaucoup reste à faire

ven, 07/03/2025 - 14:39

 

 

Ces jours-ci, la famille de nos assurances nationales enregistre une démarche officielle du gouvernement visant à améliorer leur organisation, notamment dans le contrôle des ventes de polices ; en particulier celle, obligatoire, de la responsabilité civile des propriétaires de véhicules automobiles. Tout le monde a également noté, avec grande satisfaction, les efforts de l’État à contrôler le processus de souscription des contrats, en reliant les compagnies d’assurances à une plateforme sise à la Direction du Contrôle des Assurances, affiliée désormais à la Banque Centrale. Cela renforce la certitude quant à la taille réelle et à la valeur financière des contrats souscrits. Le résultat de cette mesure est d’une grande importance : il permet à l’État de contrôler la taxe sur les primes et de la percevoir de manière plus transparente et simple.

Tous ces efforts ne peuvent qu’être grandement salués. D’abord par les acteurs et les spécialistes du secteur puis par tous les citoyens en général. La régulation de ce secteur vital, un des piliers de l’économie des pays modernes indispensable au processus de développement économique global, aura, à n’en pas douter, un impact positif sur le secteur dans son ensemble. C’est bien connu : collecteur d’épargne, en sus de la préservation des biens et des vies, l’assurance stimule l’investissement. Il était donc nécessaire d’éclairer l’opinion publique nationale d’une part, et de souligner, d’autre part, les attentes des spécialistes, des intéressés et des chercheurs.

 

 

De sérieuses obligations

En ce qui concerne l'opinion publique, il est utile que le citoyen sache que toutes les compagnies d'assurances opérant dans notre pays ne peuvent ouvrir plus de neuf agences à Nouakchott et une seule en chaque région de l’intérieur du pays. Ceci tout en maintenant les bureaux des compagnies situés à nos frontières internationales. Il s’agit là d’un important contrôle contrecarrant la prolifération chaotique des « boutiques d’assurance dont notre capitale regorgeait, il y a quelque. Cette nouvelle organisation jouera un rôle important dans la réduction du chaos de l'offre.  Et, avec la diversification des méthodes de livraison et le développement des méthodes de communication numérique, il n’y aura certainement plus de problèmes majeurs pour que le client reçoive ses documents en temps voulu.

Afin de contribuer un tant soit peu à la diffusion de la culture de l'assurance, disons que le citoyen qui souscrit une assurance obligatoire pour sa voiture doit savoir qu’il s’agit d’un contrat important, impliquant de sérieuses obligations de part et d’autre. C’est en économisant toutes les dépenses sur ces « boutiques » auparavant chaotiques et dispersées, que les compagnies pourront se concentrer davantage sur la solidification de leur situation financière, en investissant les primes en de bons placements ; et, surtout, en veillant à payer les dommages matériels et corporels, en cas d’accidents de la circulation. C’est le rôle le plus important qu’elles sont censées jouer, qu’elles doivent s’engager à honorer et remplir ; de manière équitable, sans hésitation, ni rendez-vous multiples, ni lenteurs !

Du côté des spécialistes, le marché a grand besoin d’améliorer ses performances, de s’organiser, de se développer et de se moderniser toujours plus. On ne peut atteindre de tels objectifs que par la conjugaison des efforts de l’État et des compagnies d’assurance. Il convient donc de noter qu’après avoir consenti ces efforts très importants, la tutelle est plus que jamais appelée à entreprendre les réformes les plus urgentes. Comme nous l’avons maintes fois souligné, elles ne peuvent plus être retardées. Il convient de noter à cet égard que ce marché africain de tradition « française » ne s’étendra sur la scène complète de tous ses acteurs, de manière juste et contrôlée, techniquement et juridiquement – un peu à l’instar de ce que l'on trouve en France – que si nous travaillons à établir une distinction technique et juridique nette, entre tous ceux officiellement agréés par l’État ; comme c’est le cas d’ailleurs sur les marchés d’assurance similaires au nôtre.

 

 

Un objectif fondamental

 

Ces acteurs principaux, sont nommément les suivants : tout d’abord les compagnies d’assurance dont le travail doit être axé sur la bonne mutualisation des risques, à travers une gestion responsable et techniquement équilibrée de ce qu’elles souscrivent, en s’appuyant sur la réassurance, la coassurance et l’établissement de « pôles d’assurance » mutualisant, entre compagnies d’assurance, les risques les plus sensibles des différentes branches. Tout ceci afin d'atteindre l'objectif fondamental de l’assurance en tant que telle, à savoir la capacité de ces sociétés à remplir leurs engagements envers l'assuré, lorsque le risque, objet du contrat, se réalise.

Il n’est plus acceptable que tous les efforts des compagnies soient concentrés sur la collecte des primes, et que celles-là soient entièrement préoccupées par le processus de « souscription qui peut être dans une large mesure confié à des « courtiers ». Alors que ceux-ci peuvent prendre le temps d’expliquer les avantages, l’importance et la nécessité de l’assurance aux assurés ; écouter davantage leurs désirs, leurs aspirations, leurs espoirs et leurs attentes ; les compagnies d’assurances, elles, s’occupent de la bonne gestion des risques, de la réassurance, de la coassurance, de la fabrication de nouveaux produits innovants et efficaces. Les courtiers ont certes plus de temps pour expliquer à chaque assuré quel est le produit d'assurance le plus adapté à son cas. Quand la compagnie d'assurance se consacre à la bonne gestion des risques et que l'intermédiaire, qu'il soit agent général ou courtier, se concentre sur la commercialisation et à la vente du produit d'assurance, il en résulte une rationalisation des efforts et un gain de temps certain. Telle apparaît la répartition idéale des tâches.

Second partenaire, l’agent général. Spécialiste en assurance, il exerce une activité de commerçant indépendant, vendant des produits pour le compte d’une société donnée, dans les branches où celle-ci est agréée, en vertu d’un contrat signé entre lui et cette compagnie et les garanties financières qu’il   lui verse, disposant auprès d’elle de comptes réguliers. Concernant ce point précis, il serait bon de relever le niveau de ces agences, actuellement limitées, à Nouakchott, à neuf pour chaque société. Il serait bon qu’on puisse les élever toutes au niveau « d’agents généraux », afin que de nouvelles opportunités soient ouvertes aux jeunes mauritaniens désireux d’exercer ce métier. Et pour que les compagnies d’assurance de notre pays puissent, comme nous l’avons suggéré plus haut, concentrer leurs efforts sur l’opération d’assurance pure, à travers une bonne gestion des risques, l’encouragement et le développement de l’épargne, contribuant ainsi à l’économie nationale ; en achetant, par exemple, un pourcentage déterminé, avec un seuil minimum fixé par l’État, des « bons » du Trésor public. Ou, encore, en diversifiant les produits répondant réellement aux besoins du citoyen mauritanien et qui seraient plus en adéquation de ses principes, valeurs, idéaux et croyances.

 

 

Le rôle du courtier

 

Troisième intervenant enfin : le « courtier » ou « intermédiaire », un commerçant travaillant pour son propre compte et à ce titre tenu, comme « l’agent général », à déposer une garantie financière auprès de l’État. Contrairement à celui-là, le courtier commercialise des produits pour toutes ou quelques compagnies dans les branches où celles-ci sont agréées et/ou spécialisées. Si l’agent général représente une et une seule compagnie d’assurance, le courtier ou « broker » représente le client, défend ses intérêts et tient à choisir la compagnie qui offre à son client la plus grande couverture de garanties, au meilleur prix. Il lui expose les propositions des différentes compagnies, en lui laissant, bien évidemment, toute liberté de choix. La mission de cette catégorie d’acteurs – qui sont, du reste, des sociétés commerciales à part entière – se limite en quelque sorte à éduquer les citoyens, à leur fournir des informations de base sur l’assurance, ses principes et les fondements sur lesquels elle repose. Les courtiers contribuent à divulguer la culture assurantielle parmi les citoyens, en les y intéressant et en leur expliquant, en détails, les caractéristiques de chaque branche, ses principes techniques et juridiques ; afin que le désir de s’assurer augmente chez tous les citoyens. Ce qui facilitera sans doute la commercialisation des produits proposés à la vente par les compagnies d'assurance, par l'intermédiaire de ces sociétés de courtage.

Je note au passage que je n’aime personnellement pas cette appellation de « courtier », en raison des connotations d'exploitation, de fraude et de tromperie qui lui sont malheureusement désormais associées dans notre pays. Je préfère utiliser le mot « intermédiaire », même si je sais qu’il regroupe    d’autres acteurs, comme les commissaires aux avaries, les liquidateurs de sinistres, les spécialistes en règlement à l’amiable et bien d’autres. Pour conclure en ce qui concerne les bureaux de courtage d'assurances, maillons indispensables du marché et, au-delà, relativement à tout ce que nous venons de mentionner ci-haut, il est urgent de réévaluer ce qui existe ; en ouvrant le champ devant ceux qui sont à même de pratiquer le métier de courtage ; recenser ceux qui sont agréés dans notre pays, leur offrir assistance de l'État, jusqu'à ce qu'ils atteignent le niveau technique et financier approprié. Cela leur permettra de jouer le rôle qui leur est assigné ; tout en fermant complètement la porte aux courtiers de « rue » ou de « sacs-à-main » ; ces intrus taxés de purs « tey’vaye » qui nuisent réellement à la profession, y sèment le chaos, empêchent tout progrès, ternissent son image et entravent grandement le développement sain du secteur.

 

Mohamed Yeslem Yarba Beïhatt 

Consultant en assurance et chercheur dans le domaine de l'assurance islamique. 

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