La grande tournée du Président Aziz qui a concerné les Hodh, le Tiris Zemmour, l’Assaba, le Gorgol, le Brakna, le Trarza et le Guidimakha continue toujours de faire couler l’encre. Certains estiment que c’est une campagne déguisée afin de préparer une éventuelle modification de la constitution, d’autres par contre jugent que ces visites sont tout à fait normales pour un Président qui veut s’enquérir des situations d’existence des populations, loin de périodes électorales. Quoi qu’il en soit, on est en droit de nous demander à quoi ont servi ces visites et si elles vont impacter sur les conditions d’existence des localités entrevues.
D’ores et déjà on aura remarqué que ces visites se sont faites sur fond de contestation comme on n’en avait jamais vu auparavant pour un président mauritanien en tournée. C’est d’abord à Zouerate que Ould Abdel Aziz a été hué et a du faire avec une contestation grandissante. Il faut dire qu’après une grève de 2 mois, la visite dans la cité minière paraissait risquée tant la population de Zouerate avait été excédée par l’attitude du pouvoir. Ensuite l’accueil fut plus ou moins mouvement à Kiffa avec des bidons vides pour montrer le problème récurent dont souffre cette grande cité. Mais c’est à Aleg que la surprise fut grande quand les militants d’IRA à Aleg ont pris à partie le Président, largement conspué et faisant face à des posters de Birane Dah Ould Abeid.
Boghé également ne fut pas de repos avec les jeunes ressortissants de la ville qui ont bravé à leur dépend les forces de sécurités et sifflé Ould Abdel Aziz. Même scénario à Dar EL Barka, ponctué par des arrestations. Puis
Ce fut le tour de femmes à Rosso, exprimant leur colère au rais.
Le Président et ses courtisans ne s’attendaient certainement à ces couacs qui ont certainement terni des visites pourtant savamment préparées à Nouakchott par la cohorte de soutiens du Président.
On peut affirmer sans ambages que jamais un président de la République n’a été autant hué et pris à partie que le président Ould Abdel Aziz, des dernières semaines.
Il semble qu’une ligne de fracture s’est dessinée entre le Président et une partie de la population. Le fait de diaboliser l’opposition et de l’accuser de chercher à perturber la paix sociale n’est pas la bonne réponse à la série de contestations enregistrées par-ci et par-là. Le Président aura remarqué de visu que la prétendue popularité dont il jouirait a été remise en cause à de nombreuses reprises et encore que sans un déploiement énergique da la garde présidentielle et des autres éléments de sécurité, ça aurait frisé l’infamie pour le Président.
Les problèmes de l’eau, des terres, de l’état civil, de l’éducation, de la santé…, sont les plus fréquemment abordés. A en croire que le premier mandant du Président n’a compté que comme du beurre pour ces régions qui se morfondent encore dans une profonde pauvreté. A ces gros problèmes s’ajoutent ceux inhérents aux problèmes de gouvernance, de hausse des prix, du chômage des jeunes, de l’insécurité et surtout de la politique.
Les réunions de cadres durant lesquels les problèmes des régions doivent être posés ne sont en fait que des leurres, masquant la réalité des terrains. En fait, les Walis chargés de sélectionner les « heureux orateurs » auront tout organisé d’avance, ayant fait une sélection d’individus connus et maitrisés car c’est la place du chef de l’administration locale qui pourrait être en jeu. Ainsi, les orateurs gaspilleront leur temps à rappeler au Président ses propres réalisations et les vrais problèmes seront alors occultés ou à peine abordés. Le Président repartira ainsi avec le sentiment que les populations sont satisfaites et qu’il n’y a rien à redire sur la gestion du pays.
Par ailleurs on aura remarqué que ces visites incitent les rivalités régionales, tribales et ethniques car chaque camp, chaque groupe cherchant à se faire voir et à éclipser l’autre.
D’ailleurs à ce propos le Forum National pour la Démocratie et l’Unité (FNDU), un collectif formé de partis politiques, organisations de la société civile, centrales syndicales et personnalités indépendantes, accuse le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz « d’attiser les antagonismes tribaux à travers ses visites carnavalesques à l’intérieur du pays ».
Ce Forum d’ajouter : « les voyages à l’intérieur sont une vaine tentative d’occulter la crise profonde et multiforme que vit le pays».
En tout état de cause il semble que les choses commencent à changer pour le Président et le pouvoir. La peur, qui jusque là enrayait tout mouvement de contestation, semble avoir été dépassée. Des gens osent désormais critiquer le Président en face. Aziz qui jusque là paraissait inébranlable, voit se pointer des épines un peu partout. Ouvrir les yeux, accepter de voir les vrais problèmes du pays et y apporter les réponses idoines ; voila comment le Président devrait se comporter plutôt que de s’enorgueillir de réalisations et autres créations accomplies sous son magistère.