Le Calame - «Si les rescapés ou victimes harratines ont été oubliés ou ignorés, c’est parce qu’ils considérés par l’Etat et ses tortionnaires comme des descendants d’esclaves »
Abderrahamne Ould Ahmed, l’un des rescapés civils harratines des massacres d’Inal, des années 1990/91 a tenu le vendredi 3 juillet au siège de la CLTM, un point de presse au cours duquel il est revenu largement sur les horreurs qui se sont produites sous ses yeux, les tortures et les massacres perpétrés par la soldatesque d’Ould Taya, contre les militaires négro-mauritaniens, dans la garnison d’ Inal, au nord du pays.
Arrêté par la police, en 1990 à Nouadhibou alors qu’il dirigeait la société de représentation et de nettoyage industriel, Abderrahamane Ould Ahmed, 55 ans passés, est conduit avec d’autres compagnons d’infortune à la garnison d’Inal.
« Là, on nous a parqués comme du bétail dans des hangars et autres cellules; nous avons subi toutes sortes de tortures de la part de nos geôliers qui rivalisaient en zèle, j’ai vu poignarder des hommes, les écraser et les écarteler entre des voitures… c’était horrible, même les israéliens n’ont pas fait pire.»
Le rescapé rappelle les crimes commis contre les négro-mauritaniens, entre 86 et 91. 3000 arrêtés, torturés. Sur les 256 conduits à Inal, seuls 96 en sortiront vivants avant de mourir pour certains des suites de sévices, affirme Ould Ahmed entre deux sanglots.
Et parmi les victimes et survivants, il y a quelques harratines dont des survivants civils comme Brahim Ould Vilkarka et Maouloud Ould Nouhoum et moi-même qui sont des oubliés, dont personne ne parle. Si les rescapés harratines ont été oubliés ou ignorés, c’est parce qu’ils sont considérés comme des descendants d’esclaves.
Pour leur mémoire et contre l’injustice, j’ai décidé de me battre. Mais mon combat est global, il concerne l’ensemble des victimes de « cette période noire du pays ». « Je suis prêt à y laisser ma vie ». Et ce ne sont pas les menaces de la DGSN et des autres tortionnaires qui se promènent encore impunément en Mauritanie qui m'en empêcheront, avertit Ould Ahmed.
Après sa sortie de l’enfer d’Inal, après 150 jours de calvaire, le rescapé civil plonge dans un long silence. Ses parents l’avaient considéré comme mort, son épouse se remarie, ses biens hérités. Un silence qu’il mettra à profit pour se soigner : « Je porte toujours les séquelles physiques de la torture».
Et d’engager le combat pour la justice. Un combat mené désormais, depuis 2015 sur le front africain et international. « Face au refus des autorités mauritaniennes d’ouvrir une enquête sur ce qui s'est véritablement passé dans les casernes à cette époque, de recevoir les plaintes des ayants droits des victimes , des rescapés, j’ai décidé de saisir la Cour africaine des droits d l’homme et des Peuples, l’office des nations unies à Genève et d’autres institutions de droits, et nous sommes convaincus qu’avec l’appui des organisations de défense des droits de l’homme , la Mauritanie finira par céder, par accepter la justice soit dite ».
C’est dans ce sens qu’il a lancé un appel à l’ensemble de ceux qui luttent pour qu’enfin la vérité éclate sur cette épisode sombre de l’histoire du pays à joindre leurs efforts face à un « pouvoir qui protège les bourreaux. » L'homme a déjà reçu quelques appuis des institutions internationales.
A la question de savoir s’il a pu bénéficier de dédommagements comme certaines victimes civiles et militaires, Abderrahmane Ould Ahmed explique qu’il est contre toute forme de dédommagements, appui ou aide de la part de l’Etat qui ne passe pas la justice. J’ai tout perdu, mais pour autant je ne cours pas derrière des miettes ou aumônes de l’Etat, je ne veux pas que de tels actes ignobles restent impunis.
Au cours de ce point de presse, Ould Ahmed a annoncé qu’il tiendra un sit-in devant le siège des nations unies à Nouakchott pour dévoiler son action et faire connaître le combat qu’il mène avec l’appui de quelques amis comme Samory Ould Beye, président du Mouvement El Hor, présent au point de presse, le président du parti Arc-En-Ciel, M. Balas et quelques cadres de son parti.