Enlèvement des déchets de Nouakchott : Le gouvernement entérine une mauvaise affaire

mer, 22/07/2015 - 10:30

Mauriweb - En 2007, en pleine transition politique, le gouvernement mauritanien après un appel d’offre international, signe avec la société française Dragui Transport (Pizzorno) un contrat pour le ramassage, le transport et le traitement des ordures ménagères de Nouakchott. Montant de la convention, 2.114.381.823 UM TTC. Auxquels il faudrait ajouter 1300 000 000 UM pour le CET (centre d’enfouissement technique).

Jusqu’au départ de l’ancien président de la CUN, Monsieur Ahmed Ould Hamza, tout alla très bien et Nouakchott malgré quelques couacs, commençait à ressembler en termes de propreté à des villes équivalentes.

Après son départ suite aux élections boycottées par l’opposition, les choses se gâtèrent. Face aux retards récurrents et cumulés de paiement, la société adresse un courrier à l’ADU (qui est le maitre d’ouvrage délégué) dans lequel elle annonce que : « ce cumul de retards de paiements engendre des difficultés énormes et paralysantes…..et place la société Dragui Transport dans l’impossibilité d’honorer correctement son contrat ….. »

Et qu’elle se voit « contrainte pour des raisons indépendantes de sa volonté d’observer une cessation d’activité temporaire et ce à compter du jeudi 23 Mai 2014 ». Voyant là une opportunité inattendue, la nouvelle présidente de la CUN, Maty Mint Hamady, qui venait de prendre fonction, décide de profiter de « l’aubaine » en résiliant sans autre forme de procès le contrat de Pizzorno et elle s’engage à ce que la CUN la remplace dans cette activité vitale pour la ville de Nouakchott qui produit quotidiennement 700 tonnes d’ordures ménagères.

En attendant de relancer un appel d’offre afin de sélectionner une ou plusieurs entreprises de remplacement. Pour ce faire la CUN avait divisé la ville en 5 lots et, sans surprise, aucune entreprise internationale n’a soumissionné à cause du traitement qui a été infligé à Pizzorno. Dix offres jugées conformes ont été reçues, une fut rejetée pour être arrivée après la date limite. Et elles furent ouvertes le 14/05/2015 à 12 heures.

Et par PV n°26 du 01/07/2015, les attributions proposées par la Commission Spéciale de Passation des Marchés Publics de la CUN se présentaient ainsi:

- Lot 1 (Communes Ksar et Teyarett) à MALICOD pour un montant de 1.895.000.000 UM TTC

-Lot 2(Communes Dar Naim et Toujounine) à LTPpour un montant de 1.925.000.000 UM TTC

- Lot 3 (Communes Arafat et Riyad) à EMATRAD pour un montant 2.940.000.000 UM TTC

-Lot 4 (Communes Sebkha et El Mina) à COTRAM pour un montant de 2.948.340.000 UM TTC

Soit un total global de : 9 708 340 000 UM dans lequel Tevragh Zeina, le morceau le plus important, n’est pas compris pas plus qu’il ne comprend le traitement et l’enfouissement des ordures !!!!

Évidemment il s’agit sans doute de la plus mauvaise affaire de la décennie, refuser de payer les trois ou quatre milliards réclamés par Pizzorno pour finir par payer 12 ou 13 milliards d’ouguiya, voilà un fardeau qui finira immanquablement par être supporté par les citoyens. En effet il y a fort à parier que l’État finira par imposer une taxe des ordures pour couvrir cette enveloppe qu’il ne pourra continuer à supporter par ces temps de vaches maigres. En attendant que les marchés soient notifiés la CUN continue avec son vieux système D que nous avons déjà évoqué.

La CUN a loué auprès de 35 sociétés dont certaines parfaitement inconnues, 13 chargeurs et 126 camions pour une durée de 120 jours à dater du 28/8/2014 pour une enveloppe globale de 2.070.741.600 UM soit 517.685.400 Ouguiya par mois en projection annuelle cette opération nous mène au chiffre astronomique de 6.212.224.400 Ouguiya auxquels il faut ajouter le carburant et surtout les salaires des travailleurs, ce sont ces deux derniers postes qui sont les plus importants. Ce qui devrait nous amener à plus de dix milliards d’ouguiya pour une année de nettoyage effectué par la CUN. Mais le plus incroyable est que les camions destinés au transport vers le Pk 23 sont facturés à plus de quinze millions l’un alors que pour la collecte ils sont facturés 9 millions l’un.

Rappelons que le contrat passé avec Pizzorno pour 10 ans signé le 25 janvier 2007 entre les deux parties ne parle que d’un montant de deux milliards 114 millions/an auxquels on pourrait ajouter 1,3 milliards pour le Centre d’enfouissement technique, soit 3,4 milliards d’ouguiya et comme prévu dans le contrat Pizzorno réclamait une revalorisation variant entre 10 et 20 % pour faire face à l’augmentation du SMIG qui est passé de 23000 à 31 000 UM, à l’augmentation des prix du gasoil et à la création de nouveaux quartiers et ce conformément à une disposition du contrat.

Malgré tout Pizzorno employait directement 1200 employés dont seulement une dizaine d’étrangers tous disposant d’un CDI et bénéficiant des prestations de la CNSS et de la CNAM. Elle faisait appel en même temps à une douzaine de fournisseurs et de sous traitants et cerise sur le gâteau, les déchets étaient enfouis suivant des normes internationales et les habitants de Tivérit n’avaient jamais eu à s’en plaindre.

Aujourd’hui cette localité est envahie par les mouches et les odeurs nauséabondes, d’autres quartiers souffrent eux aussi des dépôts sauvages à l’air libre et les centaines d’employés de Pizzorno sont abandonnés à leur triste sort. Même l’Etat, pour éviter un procès, a préféré payer en catimini Pizzorno sans prendre en compte les intérêts de ces travailleurs et même de certains fournisseurs nationaux qui ont des factures en souffrance.