Le Calame - Le rapport 2015 du Département d’Etat américain, sur le trafic des personnes en Mauritanie, ne semble tresser aucun laurier, ni à l’application des lois répressives ni aux enquêtes liées aux trafics, exploitations ou esclavage d’hommes, de femmes et d’enfants, essentiellement issus de milieux ayant traditionnellement souffert des crimes aussi abominables que l’asservissement, dans ses formes les plus abjectes et les plus rétrogrades, ou qui continuent à en souffrir.
Aucune statistique ne permet de mesurer l’ampleur de ces pratiques. Néanmoins, des experts nationaux et internationaux, variablement compétents certes, estiment que de larges couches sociales nationales sont touchées, aussi bien en milieu rural qu’en milieu urbain par l’esclavage, le trafic sexuel et l’exploitation sous toutes ses formes :
domestiques qui travaillent dans des conditions incertaines ou opaques, talibés (élèves coraniques) qui mendient dans les rues, pour s’acquitter d’un « impôt » quotidien que leur maître exige, et s’adonnent, occasionnellement, à toutes sortes de petites « indélicatesses » qui leur permettent d’arrondir leur fin de journée.
Selon le rapport, en Mauritanie, au Mali, en Gambie et dans beaucoup d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, des réseaux de trafiquants s’activent à faire prospérer un intense trafic sexuel, jusqu’au Maghreb Arabe et au Moyen-Orient.
Les sempiternelles dénonciations de la Société civile et sa récurrente réclamation de l’application des lois semblent tomber dans l’oreille de sourds. Insuffisance des poursuites et insignifiance des peines. Pour tout cela, le rapport du Département américain adresse diverses recommandations au gouvernement. Pour commencer, redoubler d’efforts, en termes d’enquêtes sur les infractions liées au trafic des enfants et des adultes.
Puis prendre la peine de punir et condamner les contrevenants, sur la base des dispositions des lois de 2003 (trafic des personnes) et de 2007 (criminalisation de l’esclavage). Permettre, aux organisations de la Société civile, de se constituer partie civile.
Organiser des sessions de formation, au profit des responsables chargés de l’utilisation des arsenaux juridiques relatifs aux diverses formes d’exploitation (esclavage, trafic, travail non rétribué et de mineurs…). Assurer une plus grande coordination, entre les ONGs et les pouvoirs publics, afin de protéger davantage les victimes de ces violations.
Elaborer des mesures d’accompagnements (programmes, stratégies, attributions foncières systématiques au profit des victimes de l’esclavage). Enfin, lancer de vastes campagnes de sensibilisation, pour contribuer à l’éradication totale de l’esclavage, du trafic et de toutes les autres formes d’exploitation de l’homme par l’homme.
Le rapport déplore, aussi, que le gouvernement n’applique pas convenablement les lois, notant « une certaine réticence », pour ne pas dire « une réticence certaine », dans les poursuites judiciaires. Dans les rares cas de condamnation, les montants des amendes sont ordinairement dérisoires (40 000 UM) et les emprisonnements aussitôt suivis de libération.
Le rapport rappelle, également, l’adoption, en Mars 2014, d’une stratégie nationale, contenant certaines recommandations de la Rapporteuse Spéciale des Nations Unies sur les formes contemporaines de l’esclavage, qui est quasiment restée… sans lendemain.
Les passables débats de la Mauritanienne sur l’esclavage et les trois symposiums organisés, par le Département des Affaires islamiques, sur ce qu’il appelle « les séquelles de l’esclavage », sont loin de permettre de se débarrasser d’un phénomène profondément ancré, dans les crânes d’un grand nombre de conservateurs « cravatés », et que des traditions, invariablement rebelles, maintiennent, rageusement, dans les tréfonds des subconscients de larges franges populaires, manipulées par une « élite » divisée entre le complexe et le déni.
Synthèse de Sneïba