L'Authentique - La guéguerre que se livrent depuis près de deux ans le premier ministre et son prédécesseur est montée d’un cran avec la visite du président de la République au Hodh Echaghi d’où ils sont tous les deux originaires. Chacun des deux protagonistes, décidé à démontrer de sa force et de sa popularité, la scène publique s’ébranle.
Plus la date fatidique prévue pour la visite du président Mohamed Abdel Aziz à Néma s’approche, plus la fièvre monte d’un cran. Aujourd’hui, la ville est saturée par le flot de monde venu des quatre coins de la Mauritanie qui s’ajoutent aux populations du Hodh Charghi.
La crise du logement s’est installée. Certains ont déployé des tentes pour s’abriter de la chaleur torride qui assomme hommes et bêtes. A la température de surchauffe qui règne, vient s’ajouter la flamme des empoignades entre courants rivaux. Deux hommes s’affrontent dans cette fournaise.
Deux hommes qui n’ont cessé par leur rituelle adversité à alimenter depuis quelques années le papotage des Mauritaniens. Il s’agit de l’actuel Premier ministre, Yahya Ould Hademine et de son prédécesseur Moulaye Ould Mohamed Laghdaf. Originaires tous les deux de ce mythique, leur guerre d’influence pour le contrôle de la région n’a cessé de servir les potins.
A coups de réunions dinatoires, de ratissages larges au-delà même du Hodh Charghi, chacun des deux camps tient à démontrer qu’il détient la clé du réservoir électoral de la région.
C’est ainsi que Moulaye Ould Mohamed Laghdaf a pratiquement transformé sa maison à Tevragh-Zeina en état-major opérationnel d’où partent les messagers et les rabatteurs. Un mouvement mobilisateur qui n’a pas manqué de susciter l’ire des partisans du Premier ministre Yahya Ould Hademine.
Ces derniers font circuler à tout bout de champ que les cadres ressortissants du Hodh ont tous boycotté les soirées folkloriques et que sur les 15 députéset autres élus que compte la Wilaya, seuls deux députés, un maire et trois sénateurs sur sept, ont répondu présent à ses appels du pied. Selon eux, l’ensemble des notables et des cadres qui comptent réellement sont avec Ould Hademine.
Ils vont même jusqu’à accuser Moulaye Ould Mohamed Laghdaf de se servir du téléphone de la présidence de la République pour intimider et menacer tous ceux qui oseront le boycotter.
A l’échelle de toutes les visites présidentielles qui ont eu lieu à Néma depuis la naissance de la Mauritanie, celle que s’apprête à effectuer Mohamed Abdel Aziz à partir du 3 mai prochain, ne dérogerait pas à la règle selon les observateurs. Elle ne serait qu’une énième visitation comme toutes celles qui l’ont précédé et où les mobilisations ont chaque fois été qualifiées d’historique.
Dans ce cadre, quelqu’un a rappelé une anecdote qui a eu lieu lors d’une des visites « historiques » de l’ancien président Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya à Néma. Une auguste dame, très respectée au niveau de la région, aurait quitté son lointain patelin à bord d’une charrette poussée par un âne.
Arrivée à Néma, personne n’osa lui barrer la route alors qu’elle se dirigeait vers la résidence du Wali où le président avait pris ses quartiers. On la laissa entrer dans le salon où Ould Taya se reposait en présence du Wali, du Hakem, des membres ministériels de sa délégation et de plusieurs hauts responsables.
Il se pencha vers le Wali pour lui demander qui était cette dame. Et le Wali de lui souffler qu’elle est l’une des plus grandes figures féminines de la région. Alors elle s’adressa au président en lui disant qu’elle est venue pour le remercier pour l’attention qu’il accorde aux « réfugiés ».
Ould Taya avait le visage rayonnant de satisfaction. Alors, elle lui lança « Monsieur le président, vous ne me demandez pas qui sont ces réfugiés ? » Désarçonné, Ould Taya se tourna vers le Wali. Puis demanda « qui sont-ils ? » Elle balaya sa main sur l’assistance. « Tous ces gens sont des réfugiés sur qui vous avez étendu vos bienfaits en leur donnant une partie du budget de l’Etat, des postes de responsabilité, des privilèges. Et ils ont encore plus besoin de vous ».
Elle se tut puis enchaina « quant aux gens de Néma, ils sont opulents ; les femmes préparent le couscous et le commercialisent, les hommes gagnent leur vie de la sueur de leur front, en exploitant les richesses de leur terre ». Puis, elle devait ajouter : « je possède un âne.
Il est bien nourri, non pas par les aliments de bétail que donne votre gouvernement, mais par notre récolte et nos herbes ». Le président et son assistance sont restés médusés par le discours de la vieille dame, aujourd’hui disparue.
D’après les faits de l’époque, beaucoup de cadres de Néma ont perdu leur poste à la suite de cette diatribe.
Et pourtant, l’accueil accordé à Ould Taya fut fastueux et grandiose. « Y a-t-il quelqu’un à Néma, capable de faire entendre au président Mohamed Abdel Aziz un tel discours ? »
Cheikh Aïdara