La découverte d'importants gisements de gaz au large du Sénégal et de la Mauritanie a déchaîné les passions, et même les accusations de corruption, sur fond de craintes de voir surgir la « malédiction des matières premières ». Jonathan Evas, vice-président de BP Exploration, qui a notamment participé aux discussions avec Kosmos Energy, expose les enjeux de ce projet pour son groupe et les deux pays.
Le mégaprojet de Grand-Tortue, qui doit faire du Sénégal et de la Mauritanie des producteurs de gaz dans trois ans, est actuellement en plein développement. Le géant BP, qui le pilote, entend s’appuyer sur cette nouvelle base africaine pour rattraper ses grands concurrents Shell et Total, qui parient comme lui sur une explosion du marché du gaz naturel liquéfié (GNL).
Après avoir racheté la majorité des parts du projet à l’américain Kosmos Energy en décembre 2016, le découvreur du gisement, la major britannique prévoit d’investir plus de 1 milliard de dollars pour la première phase du projet et « plusieurs autres milliards de dollars » pour les suivantes, sur une durée d’exploitation de trente ans.
Des sommes énormes en jeu qui alimentent espoirs – et fantasmes – à Dakar et à Nouakchott, où les gouvernements entendent profiter du boom gazier, mais aussi éviter la « malédiction des matières premières » qui affecte souvent les nouveaux pays producteurs et dont les symptômes sont la dépendance au secteur extractif et la mauvaise gouvernance.
Le Britannique Jonathan Evans, ingénieur géologue formé à Cambridge et vice-président pour l’Afrique de la branche exploration de BP, est impliqué dans ce projet depuis les origines car il a participé aux premières discussions avec Kosmos Energy, au début de la décennie 2010.
Il revient pour JA sur les enjeux de ce projet pour les deux pays ouest-africains francophones et pour son groupe, actuellement le quatrième producteur d’hydrocarbures au monde – 3,7 millions de barils par jour en 2018 –, qui a réalisé l’an passé 9, 4 milliards de dollars de bénéfices, soit 2,8 fois plus qu’en 2017.
Jeune Afrique : Que représentent pour BP les projets gaziers menés au Sénégal et en Mauritanie ?
Jonathan Evans : Cette région est amenée à devenir une nouvelle base pour BP. D’ici à une dizaine d’années, sa production dépassera celles de nos deux bases africaines historiques : l’Égypte, où nous avons une production importante depuis cinquante-cinq ans, essentiellement gazière aujourd’hui ; et l’Angola, où nous nous sommes installés voici trente ans, mais dont la production d’huiles décline, car issue de champs vieillissants.
Quelles sont les raisons qui ont emporté l’adhésion de l’état-major de BP pour investir plusieurs milliards de dollars dans deux nouveaux pays novices de l’industrie pétrolière ?
Quand nous avons repris le projet de Grand-Tortue, en décembre 2016, nous étions à la recherche de nouveaux réservoirs de gaz. BP a pour objectif de parvenir d’ici à cinq ans à une répartition de sa production à 60 % gazière et à 40 % pétrolière. Nous sommes actuellement au milieu du chemin, avec une production à peu près équivalente en gaz et en pétrole.
L’acquisition de l’américain Amoco, au début des années 1990, avait apporté à BP d’importants actifs gaziers, notamment aux États-Unis et en Indonésie, mais il nous fallait mettre au jour d’autres gisements.
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