Procès en destitution de Trump: la délicate position du chef de la Cour suprême

mer, 15/01/2020 - 16:08

LE FIGARO

 

Plus haut magistrat des États-Unis, John Roberts Jr. s’apprête à présider le procès de Donald Trump, attendu la semaine prochaine devant le Sénat.

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Nous avons une obligation de juger sans peur ni faveur
», a rappelé le chef de la Cour suprême des États-Unis, John Roberts Jr., aux autres magistrats du pays pour la nouvelle année. Joshua Roberts/REUTERS

Main sur la Bible, il jurera de «rendre la justice de manière impartiale» avant de faire à son tour prêter serment les 100 sénateurs. À 64 ans, le chef de la Cour suprême des États-Unis, John Roberts Jr., s’apprête à présider le procès au Sénat de Donald Trump. Celui-ci doit débuter la semaine prochaine, la Chambre des représentants devant voter ce mardi 15 janvier la transmission de l’acte d’accusation au Sénat. L’événement, rare - le troisième dans l’histoire des États-Unis -, s’annonce comme l’une des batailles politiques les plus féroces de l’histoire du pays, le président n’ayant eu de cesse de crier à la «chasse aux sorcières». «Cela va le placer dans un rôle très, très désagréable, convient Philip Bobbit, constitutionnaliste et professeur de droit à l’université Columbia, dans le New York Times . Je suis sûr qu’il va avoir des ulcères.» Le juriste devra tout faire pour rester hors de la mêlée.

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Cette ligne de conduite, John Roberts se l’est lui-même édictée dès 2005, juste après avoir été désigné par le républicain George W. Bush. «Les juges sont comme des arbitres. Les arbitres ne font pas les règles, ils les appliquent», avait-il déclaré aux sénateurs chargés de confirmer sa nomination. Puis de conclure: «Personne ne va à un match pour voir l’arbitre.» Fidèle à cette logique, il s’est au cours des quinze années suivantes régulièrement rangé aux côtés des autres juges conservateurs, que ce soit contre le mariage homosexuel ou pour restreindre le droit à l’avortement. Mais il s’est parfois rallié à ses collègues progressistes. En 2012, sa voix avait été cruciale pour valider l’Obamacare, loi emblématique du président démocrate. «John Roberts s’est révélé un désastre absolu», avait plus tard fulminé Donald Trump pendant sa campagne. L’intéressé s’était abstenu de lui répondre.

 

Une passe d’armes inédite

Cela n’a pas empêché le «Chief Justice» d’officier en 2017 le jour de l’investiture du 45e président des États-Unis. La relation entre les deux hommes n’a pas toujours été simple. Le juge est notamment sorti de sa réserve un an plus tard pour recadrer Donald Trump. Celui-ci avait accusé d’être partisan un magistrat californien, coupable d’avoir bloqué son décret censé verrouiller le droit d’asile. «Il n’y a pas de juges pro-Obama, ou de juges pro-Trump, pro-Bush ou pro-Clinton, avait défendu le magistrat dans ce communiqué inédit. Nous avons un ensemble extraordinaire de juges dévoués qui font de leur mieux pour juger équitablement ceux qui comparaissent devant eux.» Donald Trump avait renchéri: «Je suis désolé, M. le président John Roberts, mais il existe effectivement des “juges pro-Obama”.» L’incident s’était arrêté là. Depuis cette querelle inédite, aucun nouvel éclat ne les a opposés.

«Nous avons une obligation de juger sans peur ni faveur, décidant de chaque sujet avec humilité, intégrité et célérité», a-t-il rappelé aux autres magistrats du pays pour la nouvelle année. Son rôle durant le procès sera de toute façon très encadré. John Roberts dirigera les débats, lira les questions des élus, fera si besoin régner l’ordre dans l’assistance. Il pourrait en théorie autoriser l’admission de preuves ou l’audition de témoins, comme John Bolton. Chacune de ses décisions pourra être annulée à la majorité simple des sénateurs. Dans la même position, lors du procès de Bill Clinton en 1999, son prédécesseur William Rehnquist avait lui-même joué une partition discrète. «La Constitution attribue à Roberts un rôle dans le procès en destitution, mais il serait préférable qu’il le joue d’une manière qui l’éloigne le plus possible du fond de la mise en accusation - et donc de la boue», juge le Washington Post .

Le moindre faux pas pourrait discréditer le devoir d’impartialité qu’il s’est imposé en tant que plus haut magistrat des États-Unis.

source.lefigaro.fr