Par Nadoun COULIBALY - à Ouagadougou
La dégradation de la situation dans la région affecte grandement les groupes extractifs. Les coûts explosent, la production baisse, et certains projets, notamment d’exploration, sont abandonnés.
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Au Mali comme au Burkina, les miniers sont confrontés à la prolifération des attaques perpétrées par les groupes terroristes, qui ont fait des milliers de victimes civiles et militaires. « La situation est sensible, nous ne pouvons pas en parler. Nous prenons très au sérieux la sécurité, la santé et le bien-être de nos employés », explique un dirigeant du canadien Iamgold sous le couvert de l’anonymat. La société cotée à la Bourse de Toronto, qui possède les mines de Sadiola (41 %) et de Yatela (40 %), au Mali, et celle d’Essakane (90 %), au Burkina Faso, a produit 882 000 onces d’or en 2018.
Alors que la production de Sadiola a chuté de 6 % en 2018, Iamgold et son associé AngloGold Ashanti ont entamé un processus de cession de leurs participations, estimées à 82 %.
L’embuscade, en novembre 2019, contre le convoi transportant les employés de la mine de Boungou, qui avait fait 40 morts et plus de 60 blessés, a ravivé l’inquiétude des compagnies opérant au Burkina. Si le canadien Semafo indique préparer la réouverture, dans le courant de cette année, du site aurifère – dans lequel il a investi 212 millions de dollars en vue de produire 226 000 onces d’or par an –, l’arrêt momentané de l’activité aura des répercussions sur la production du pays, jusque-là en pleine expansion (20 % par an). D’autant que cette fermeture suit celle du gisement de Youga, attaqué, lui, par les populations riveraines après le meurtre d’un orpailleur par un agent de sécurité.
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« La production a été affectée et s’établit à 50,3 tonnes, soit une baisse de 2,3 %. Cette année, nous anticipons une reprise avec l’entrée en production des gisements de Bomboré et de Sanbrado, détenus par la junior canadienne Orezone et l’australien West African Resources », confie Toussaint Bamouni, le directeur exécutif de la Chambre des mines du Burkina.
Les quatorze mines du pays ont réalisé en 2018 un chiffre d’affaires cumulé de 1 540 milliards de F CFA (2,347 milliards d’euros), alors que le secteur a drainé plus de 2 000 milliards de F CFA d’investissements au cours de la dernière décennie.
La sécurité représente entre 10 % et 25 % des coûts d’exploitation
Selon Toussaint Bamouni, les miniers sont obligés d’investir dans la sécurité : acquisition de moyens de surveillance (drones, etc.), déploiement d’agents armés sur les sites… « Les budgets ont explosé, mais ils ne communiquent pas sur le sujet. » L’effort représenterait, d’après nos informations, entre 10 % et 25 % des coûts d’exploitation. Reste que l’Office national de sécurisation des sites miniers (Onassim), fort d’un effectif prévisionnel d’environ 3 000 hommes, n’a déployé pour l’instant que 500 agents. Ce qui couvre à peine 13 % du besoin exprimé par les sociétés.
Au Mali, qui dispose d’une dizaine de mines à la production totale comprise entre 45 et 50 t, la situation est très contrastée. Dans le Sud, les sites fonctionnent normalement. Mais dans le Nord, le climat d’insécurité a mis l’activité en berne. « Avant le début de la crise de 2012, nous avions des projets miniers avancés. Ces projets sont à l’arrêt », détaille Abdoulaye Pona, le président de la Chambre des mines du Mali.
Pour s’adapter à la menace, les compagnies forment et équipent elles-mêmes des forces de défense et de sécurité. Mais elles font aussi appel à des sociétés privées. « Les miniers renforcent leurs capacités pour faire face aux attaques terroristes. Avant, nous expliquions comment réagir en cas d’incendie et préparions les évacuations. Aujourd’hui, nous nous organisons pour intervenir en cas d’attaque », souligne Arouna Nikiema, PDG et fondateur de la Brigade burkinabè de surveillance. Présente également au Mali, l’entreprise indique que 35 % de ses revenus proviennent de prestations réalisées auprès de clients miniers.
Moins d’explorations aussi
La généralisation d’un climat d’insécurité influe également sur les activités d’exploration, qui nécessitent de sécuriser de grands périmètres de recherche. « On assiste ainsi à un ralentissement dans ce domaine, notamment dans les zones burkinabè, où l’état d’urgence a été décrété comme les régions du nord, de l’est et du centre-nord », remarque Toussaint Bamouni. Le Burkina, pourtant classé en 2017 deuxième pays le plus dynamique dans l’exploration, semble avoir perdu la confiance des investisseurs. En janvier 2019, des hommes armés ont assassiné le géologue canadien Kirk Woodman à Tiabangou (Nord-Est), contraignant Progress Minerals à abandonner ses recherches. Et certaines sociétés, telle Roxgold, ont délocalisé leurs activités dans des pays voisins.
Dans une note de conjoncture adressée aux autorités burkinabè que JA a pu consulter, le syndicat minier alerte sur les conséquences de l’insécurité. « Les recherches ont été fortement ralenties, lorsqu’elles n’ont pas été purement et simplement arrêtées. La réduction des activités des sociétés de forage et des laboratoires d’analyse en est un bon indicateur. De même, dans les mines en production, la consigne est de réduire drastiquement les coûts et d’externaliser certaines fonctions », conclut le document. Signe que l’avenir du secteur est sur le fil du rasoir, une étude du cabinet australien PwC démontre qu’un taux de rentabilité inférieur à 25 % n’est pas suffisant pour motiver le financement d’un projet minier. Or, au Burkina, ce taux s’établit à 19,7 %, contre 25 % au Ghana et 26,7 % en Namibie.
Les affaires en or des agences de sécurité
L’insécurité dans le Sahel rend de plus en plus nécessaires les agences de sécurité privées telles que le leader burkinabè des services de sécurité globale, BBS Holding, ou Securicom, spécialiste de la sécurité aéroportuaire, des biens et des personnes, ou encore la société britannique G4S. Ces entités ont vu leur chiffre d’affaires croître en moyenne de 15 %, selon nos informations.