- Après son « Prix Courage 2020 », Birame Dah Abeid de nouveau sur la sellette
L'Authentique - Comme après chaque distinction sur le plan international, le député Birame Dah Abeid, président de l’Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) ne reçoit de la part de certains cercles du pouvoir et quelques compatriotes qu’indignation, critiques et mise sur sellette.
Sa dernière distinction, « Prix Courage 2020 », décerné par le Sommet de Genève pour les droits de l’homme et de la démocratie, le 18 février 2020, n’a pas échappé à la règle. Il est ainsi reproché à Birame Dah Abeid d’avoir « lavé le linge sale » à l’extérieur qui plus est, sur une « tribune internationale », au lieu de le faire intramuros, au sein d’un hémicycle où le temps de parole est aussi restreint qu’une peau de chagrin.
D’autres prennent pour alibi un climat d’entente entre les autorités actuelles et les organisations des droits de l’homme, dont il serait le premier à saluer l’élan, pour fustiger son intervention à Genève. Et de souligner que le contenu de son discours rappelle une réalité de l’esclavage qui n’est plus, et que les organisations qui ont décerné ce prix à Birame, feraient mieux de faire un tour dans le coin, pour constater que sa description de l’esclavage en Mauritanie est bien révolue.
Comme si ces organisations, et d’autres comme les Rapporteurs spéciaux des Nations Unies, ne sont pas venues à plusieurs reprises et à plusieurs occasions.
En réalité qu’à dit Birame pour essuyer de telles salves d’attaques ? Dans le discours qu’il a prononcé devant les membres du jury du « Prix Courage 2020 » ainsi que le public et les experts du Geneva Summit For Human Human Rights and Democracy basé à Genève (Suisse), Birame n’a fait que répéter ce qu’il n’a cessé de dire depuis 2008, date de création de son mouvement IRA. Rien de nouveau qui puise entraîner de telles réactions, comme si de tels propos sont nés hier.
Il a rappelé ses origines serviles, les durs enfantements du mouvement IRA et les persécutions dont ses militants continuent de faire l’objet, avant de décrire la difficile condition des classes serviles en Mauritanie, cette manne laborieuse, dont certains encore esclaves dans des coins reculés du pays, garder les troupeaux, creuser les puits, préparer la couche et la nourriture des maîtres, servir de maîtresses dociles et de procréatrices de futurs esclaves. Et quand des cas sont découverts, comme les plus récents, celui de la jeune Ghaya Maïga et du jeune Beibbeu, l’appareil d’Etat se charge de blanchir leurs cas pour les évacuer extrajudiciairement.
Sur ce plan, aucun changement entre le régime de Ghazwani et celui d’Aziz. Le même déni de l’esclavage, la même manipulation des faits de servitude, le même refus d’appliquer la Loi 2015-031 criminalisant l’esclavage, la même logique de l’uni-ethnicité dans les recrutements et les nominations. Jusqu’à ce que de nouvelles preuves viennent démentir les faits actuels. En fait, dans le domaine des droits de l’homme, rien n’a changé, même si beaucoup d’eau est passé sous le pont d’une amitié Ghazwan-Aziz qui aurait duré plus de quarante ans et que les intrigues du pouvoir politique ont transformé en inimitié.
Certes, beaucoup avait salué l’arrivée de Ghazwani au pouvoir comme une opportunité, tant les dix ans de grisaille du régime Aziz avait émoussé les espoirs, desséché les espérances. Si Ghazwani a entamé son mandat sous de bons auspices, telles ces prises de contact avec les opposants, l’élan s’est brisé depuis, comme si les Mauritaniens sont condamnés à vivre la malédiction de ces nouveaux présidents-arrivages qui miroitent des lendemains meilleurs avant que le mirage ne recouvre leurs belles promesses d’un linceul gris.
Certes, Birame a toujours magnifié l’ouverture des nouvelles autorités, dont les engagements pour une Mauritanie juste et égalitaire, respectueuse de son pacte républicain, tardent à se concrétiser.
D’ailleurs, l’attente se fait longue et peu de perspectives heureuses s’ouvrent à l’horizon, tant les jeux sont flous. Quel gage donner à un président qui n’a jamais d’ailleurs reconnu être venu pour opérer un changement mais qui a toujours eu l’honnêteté de déclarer qu’il est venu pour continuer l’œuvre de son prédécesseur, avec quelques saupoudrages. Sinon, qu’est-ce qui a changé réellement dans le dispositif actuel ? Le système est resté le même. Ghazawani n’a fait qu’ajouter quelques petites briques.
Cheikh Aïdara