le président français Emmanuel Macron en visioconférence avec le chef de l'OMS, à l'Élysée, le 8 avril 2020. Ludovic Marin/Pool via REUTERS
Texte par :Anthony Lattier
Presque un mois après le début des « restrictions de mouvement » pour lutter contre l'épidémie de coronavirus, Emmanuel Macron s'exprimera ce lundi soir à la télévision et à la radio depuis l’Élysée. Cette quatrième allocution du président vise d'abord à entériner la prolongation du confinement. Port de masque, politique de testage, traçage numérique... Le chef de l'État devra en outre apporter des réponses concrètes et précises pour convaincre.
La classe politique appelle Emmanuel Macron à un « discours de vérité » . « Le président ne doit pas communiquer, il doit parler vrai, estime le chef de file de la droite au Sénat Bruno Retailleau. J’attends de lui une communication utile et précise. » « L’opinion publique veut des réponses extrêmement concrètes et pratiques plutôt qu’un grand discours sur ce que l’on fera dans l’après-crise », renchérit Bruno Cautrès. Le chercheur au Cévipof, le Centre de recherches politiques de Sciences-Po, détaille : « Où en est-on des livraisons de masques et des stocks de masques disponibles ? Est-ce que le port du masque va être recommandé ? Que nous dit le président, qui a beaucoup consulté ces derniers jours, de l’état du dossier sur la question des tests ? Et puis aussi que nous dit-il des recherches du professeur Raoult qu’il a rencontré à Marseille jeudi dernier et dont les travaux font tellement débat dans notre pays. »
Tirer les leçons du début de la crise
De la « clarté » et de la « franchise », c’est aussi ce qu’attend l’eurodéputé écologiste David Cormand pour qui « jusqu’à présent, on a eu l’impression que le gouvernement faisait des manques une vertu ». Notamment sur le manque de masques : « Quand il n’y avait pas de masques, c’était pour les autorités une bonne raison de dire qu’on n’en avait pas besoin. Or, la réalité, c’était qu’on n’en avait pas et c’est pour ça qu’on disait qu’on n’en avait pas besoin ! Je ne demande pas un mea culpa de la part d’Emmanuel Macron. Il ne s’agit pas de faire une autocritique publique mais de dire la vérité parce que c’est ça qui crée la confiance. »
Bruno Retailleau est plus critique : « Le début de la crise a été mal anticipé. Sa gestion a été chaotique, et même cacophonique dans la communication gouvernement. Je ne fais pas la leçon parce que le moment est grave, mais le président doit tirer les conclusions de cette première phase pour qu’on ait le sentiment que, désormais, il va essayer d’avoir un coup d’avance. » Un procès en impréparation dont se défend l’exécutif, en rappelant les conditions inédites du surgissement de cette crise et surtout l’évolution heure par heure des informations connues sur le virus. Le Premier ministre Édouard Philippe répète régulièrement qu’il ne sait pas tout et qu’il n’a pas les réponses à toutes les questions que se posent les Français.
Un président moins présent aux avant-postes
Après plusieurs prises de paroles rapprochées, Emmanuel Macron a choisi de s’exprimer un peu moins, même s’il continue ses visites sur le terrain (hôpitaux, maisons de retraites, laboratoires, etc.) C’est d’ailleurs l’objet de critiques de la part de l’opposition qui juge que ces déplacements brouillent la communication du gouvernement sur le confinement. Ces critiques sont infondées, estime le député La République en marche Laurent Saint-Martin. Pour lui, Emmanuel Macron a trouvé le bon tempo dans ces interventions et ses déplacements : « Le président doit faire des points d’étape régulier, faute de quoi on aurait l’impression qu’il ne s’inquiète pas plus que ça de la crise et qu’il reste enfermé dans son bureau. Or, il consulte, il fait des déplacements, il voit des professionnels de santé, et il doit donc rendre compte aux Français. »
Le président en « père de la nation » et le Premier ministre « au charbon ». Pour Bruno Cautrès, on assiste à un retour d’une répartition classique des rôles sous la Ve République. « Depuis une dizaine de jours, il y a eu une modification dans la communication de l’exécutif avec un Premier ministre davantage aux avant-postes. Le fait que nous ayons une parole du chef de l’État aujourd’hui alors qu’il va annoncer une troisième période de confinement me semble une bonne chose. » Et que se passera-t-il après le déconfinement ? L’exécutif planche déjà sur les nouvelles priorités de la fin du quinquennat. Mais les « décisions de rupture » promises ne seront pas annoncées ce soir.
Olivier Faure✔@faureolivier