Ancien commandant de l’Armée et journaliste, Brahim Ould Bakar Ould Sneiba est l’auteur d’un livre sur l’armée mauritanienne intitulé « La Mauritanie : entre les Chars et les Urnes, 1978-2008 » publié en 2012 aux Editions Maarif.
Il est également l’auteur d’un roman qui porte le titre de « Soufi: le mystique qui faisait peur ». Dans cet entretien exclusif, Brahim Ould Bakar Ould Sneiba analyse pour Cridem les importantes nominations au sein de l’armée procédées le 8 Juin 2020 par le président Ghazouani.
Dans un article sur les dernières nominations au sein de l’armée mauritanienne, Jeune Afrique fait le titre suivant, je cite : « Ghazouani reprend la main sur l’armée ». Est-ce que vous avez la même impression ?
Cela ne doit pas surprendre. Comment ne pas tenir en main l’Armée, l’institution régalienne par excellence, l’outil de la défense et de la sécurité de tout état qui se veut détenteur de la violence légitime indispensable. Tout homme qui dirige, commence par sécuriser et stabiliser son entourage. Prendre son armée en main, est d’autant plus légitime que c’est vital. Tout chef a « ses » hommes de confiance, une confiance obligatoirement basée sur des critères de choix, alliant l’objectif au subjectif, pourvu qu’il ressente la sérénité nécessaire pour mener à bien les projets qui sous-tendent son ambition.
Quels seraient les mobiles d’un tel mouvement ?
Il n’ ya pas d’acte gratuit dans la vie. Si une responsable de ménage déplaçait son frigo, il y a une raison à cela. Comme vous l’avez certainement ouï-dire, ce remaniement n’est pas consécutif à un bruit de bottes et, remarquez qu’il se déroule à une année de la prise du pouvoir par Mohamed Cheikh Ghazouani, qui n’était pas apparemment stressé outre mesure par la situation de la nomenclature dans la grande muette.
Est-ce qu’il est désormais le véritable chef….
Qui d’autre serait le chef ? Depuis le 22 aout légalement et légitimement le Président de la République Islamique de Mauritanie, à l’issue d’un scrutin serein et transparent. Depuis la nuit des temps, jamais deux prêtres ne se sont partagé une mitre ou un sceptre ; jamais deux chevaliers n’ont manipulé un seul sabre. Les Beni Hassanes disent que le Pouvoir est la poignée d’un sabre, qui en a toujours qu’une seule et unique exclue du partage. Mohamed Cheikh Ghazouini détient les attributs du pouvoir et il saura les employer efficacement, ayant toutes les qualités dues à un chef. Sans doute.
Ces importantes nominations ont touché tous les états-majors, sauf celui de la gendarmerie nationale. Quelle explication pouvez-vous donner à ce fait un peu particulier ?
Mais on n’est pas toujours obligé de faire tout bougé. C’est peut être un bon signe prouvant que le Commandant suprême des Forces armées, a opéré ce mouvement pour une meilleure efficacité et non pour s’adonner à un jeu d’échec puéril. D’ailleurs il ne serait pas sympathique de muter un collaborateur convalescent et en dernière ligne droite pour une retraite clôturant une très brillante carrière.
Finalement, le président Ghazouani a nommé Ould Meguet comme le nouveau patron des armées. Qu’est-ce qui a véritablement pesé sur la balance pour que ce dernier se voie confier cette fonction ?
On semble oublier que les nominations dans l’Armée sont essentiellement guidées par le sacro-saint critère de l’ancienneté. Je crois savoir que Ould Meguett est le général le plus ancien au grade le plus élevé. Donc c’est légal et légitime. Mais il faut ajouter que ce général qui ne se pique pas d’intellectualisme est un homme discipliné, intelligent qui a rendu, pendant près de quarante ans, de bons et loyaux services, qui méritent d’être couronnés par une récompense. De toute façon, pour parler littéralement de poids, l’homme est aimé et respecté dans presque tous les milieux.
Pourquoi le Géneral Mesgharou à la Police ?
Vous feriez mieux de poser la question au Président Ghazouani. Au demeurant, rien d’extraordinaire à mon sens. S’il ya un soldat qui allie intelligence, culture générale et proximité de ses subordonnés, c’est bien lui. Ceci lui permettra, sans nul de doute, d’améliorer les performances de la Police et lui faire mener sa mission centrale dans l’appareil étatique. On dit que la police est une patate chaude ; personnellement, ce n’est pas mon avis ; la Police mauritanienne s’est toujours distinguée par sa loyauté et son efficacité, contribuant à la sureté et à la préservation de l’unité nationale.
Autre fait non des moindres lors de ces nominations, c’est le recalage de Mohamed Cheikh Ould Mohamed Lemine, au poste de chef d’état-major de la Garde nationale. Qu’est-ce qu’il faut comprendre par-là ?
Ce n’est pas un recalage. Dans l’armée, il n’ ya pas un poste détenu par un locataire pour un bail perpétuel. Les hommes sont affectés aux emplois suivant la situation. On se rappelle que le Général Negri est passé de l’EMGA à la Garde, sans coup férir. Le Général M. Cheikh a couronné une excellente carrière par le plus grand poste de l’Armée. Je suis sûr qu’il ne se plaint pas là où il est. La différence entre l’Armée nationale et la Garde est tout simplement une question de volume, sinon la garde est un corps ancré dans l’histoire du pays et faisant preuve d’efficacité et de loyalisme sans pareil. En plus, le poste de CEMGA est un poste aussi compliqué et difficile qu’on ne peut y rester plus de deux ans. Regarder la France et les autres armées.
Propos recueillis par Babacar BAYE NDIAYE, pour Cridem