En instituant par la loi N°2013-001 du 02 Janvier 2013, une zone franche (ZFN) dans la Wilaya de Dakhlet Nouadhibou, le régime de Mohamed Ould Abdel Aziz avait clamé avoir pour objectif « de faire de la capitale économique du pays, un pôle d’excellence et un hub régional de classe internationale, en capitalisant les nombreux atouts et potentialités de la zone et en créant un cadre juridique attractif et propice à l’investissement. » selon les termes du communiqué du Conseil des ministres.
Mais au vu des événements qui s’y sont déroulés par la suite, il s’avère qu’il ne s’agissait ni plus ni moins, que d’un accaparement (un de plus) d’un foncier à la valeur inestimable par l’ancien président et ses proches.
Rass Nouadhibou ou cap Blanc est une bande de terre d’une cinquantaine de kilomètres et dont la Mauritanie ne possède que la moitié Est de la ligne médiane qui la divise en deux. La ville de Nouadhibou ne pouvant s’étendre indéfiniment est la force des choses un lieu propice à la spéculation foncière.
Les compétences de la ZFN, taillées sur mesure, ui permettent de tout brader en catimini, sans en référer à personne et sans avoir de compte à rendre qu’au président de la République en personne. L’article 38.1 de la loi N°2013-001 stipule que « La propriété des terrains relevant du domaine privé de l’Etat et situés à l’intérieur de la zone franche est transférée à l’Autorité. L’Autorité peut en concéder l’usage, les donner en bail commercial ou emphytéotique ou en transférer la propriété, selon des procédures fixées par Décret. »
Par ce tour de passe-passe, le patrimoine foncier de l’Etat est transféré à la ZFN qui peut en disposer à sa guise pour le céder à « qui de droit ».
Ainsi, dans le cadre de la « revalorisation du patrimoine foncier de l’Etat à Nouadhibou pour en faire un levier de développement et un facteur d’attractivité, l’Autorité de la Zone Franche de Nouadhibou (AN-ZF) » avait annoncé l’organisation d’une séance de vente aux enchères publiques, portant sur 20 parcelles à Nouadhibou du patrimoine foncier de l’Etat, à l’amphithéâtre de l’Institut Mauritanien des Recherches Océanographiques et des Pêches (IMROP) de Nouadhibou (situé à Cansado), le Mercredi 07 Octobre 2015 à 10h00 GMT. Aucun opérateur économique connu n’a acheté l’un de ces lots.
Les lots dont les acquéreurs ont été identifiés sont un terrain de 1232 m2 situé, côté de la NBM, acquéreur Cheikh Ould Baya ; l’ancien Institut Mamadou Touré d’une superficie de 6098m2 dont l’acquéreur n’est autre que l’ex président Mohamed Ould Abdel Aziz lui-même qui dans la lancée achètera aussi les villas appartenant à des privés et qui lui sont attenants.(voir photo satellite) ; un lot de 3214m2 situé à coté de IMAPEC acheté par un proche de l’ancien président ; un dernier lot n’a curieusement pas été vendu . Il s’agit d’un terrain de 14506 m2 situé à moins de 500m de l’aéroport et provenant des trois terrains ( deux à Nouakchott et un à Nouadhibou) qui avaient été repris de ce que la Mauritel croyait être son patrimoine foncier transmis avec la cession de l’entreprise. La ZFN l’a récupéré, l’a viabilisé et l’a donné gracieusement à une nouvelle société pour y construire le plus grand centre commercial du pays promis par l’ancien président de la République.
Mais à regarder de prés l’actionnariat de cette nouvelle société, on comprend pourquoi tant de diligence, pourquoi tant de mansuétude et de compréhension ont été déployées par la ZFN.
En effet les actionnaires choisis au volet sont l’ex-Colonel et actuel président de l’Assemblée Nationale, Cheikh Ould Baya avec 20% des actions; le cousin germain du président Aziz et prête nom dans la plupart de ses affaires, Mohamed Lemine Ould Bobatt 20% ; Ould Abdel Ghader, un nouveau courtier très actif dans le domaine de la farine de poisson et que d’aucuns présentent comme l’homme luge de l’ex colonel, 20% ; le Port de Nouadhibou, 20% ; 10% à l’homme d’affaire Yahivdhou Ould Brahim, 5% à Ahmedou Ould Taleb Ahmed, un proche de l’homme d’affaire Zein El Abidine et enfin 5% à Mohamed Ould Kerkoub, ceci en guise de compensation après qu’il ait perdu un autre terrain de 3403m2, situé sur le boulevard Maritime presque en face du centre Mamadou Touré cédé à la fille de l’ancien président qui y a fait édifier l’une des plus grandes usines de traitement de poisson de la ville récemment épinglée dans le scandale de fraude à l’électricité.
Il est très aisé de savoir sur quels critères a été choisi ce tour de table qui bénéficie ipso facto de cet apport estimé à plusieurs milliards d’ouguiya. Mais ce n’est pas tout.
Par ailleurs le ZFN avait lancé en juillet 2016 un appel à manifestation pour la vente de 27 lots viabilisés situés entre les deux principales avenues de la ville, à proximité de grandes sociétés de la place. Personne ne sait ce qu’il est advenu de ces lots et la ZFN de M. THIAM Ahmedou Tijani que nous avons sollicité à plusieurs reprises, reste muette comme une carpe. Evidemment que peut on attendre d’un président nommé dans les conditions que l’on sait ?
Après avoir épuisé le foncier du centre ville, dont il ne reste que l’ancienne base Marine dont personne ne connait le sort, la ZFN se tourne vers l’habitat de villégiature. Les célèbres cabanons de la Baie de l’Etoile.
La baie de l’Etoile est une zone du plus grand intérêt écologique. La Direction des Aires Protégées et du Littoral (DAPL) et l’UICN ont initié depuis 2007 un processus de concertation sur l’aménagement de la baie de l’Etoile et dont les recommandations ont abouties à la création d’une Commission d’Orientation et de Suivi de la Directive d’Aménagement du Littoral de la baie de l’Etoile (COS-DAL).
La baie de l’Etoile présente des potentialités touristiques énormes due à son environnement attractif. Elle est connue dans le monde entier grâce à son centre de pêche sportive. Elle a même accueillie le championnat du monde en surf-casting de 1984, c’est dire son importance et son potentiel de développement. Tout cela a été jeté aux orties par une ZFN qui n’avait pour objectif que de permettre à des proches de Ould Abdel Aziz de mettre la main sur ces terrains. En Avril 2016, la ZFN commence les « ventes » de ces « résidence secondaire ou de vacances ».
Le cabanon 1 à l’extrémité sud de l’anse à été octroyé à un proche du président qui la déposé à la CDD pour obtenir un prêt de un milliard trois cent millions de la fameuse ligne de crédit Fades afin d’y édifier les bungalows d’une auberge. Une route bitumée par les soins de la ZFN y abouti. Sur la cabanon2 la fille de l’ancien président construit trois superbes villas au bord de l’eau et posséderait des dizaines d’autres lots qu’elle met en vente. On y retrouve aussi une villa pour l’ancien ADG de la SNIM Mohamed Abdallahi Ould Oudaa, une pour l’actuel ministre des Peches Nanni Chrougha et une pour le directeur général de la SMCP Ould Jelvoune. Seuls deux opérateurs connus sont venus côtoyer ces nouvelles «fortunes».
Face à cette gabegie à ciel ouvert, les habitants de Nouadhibou ne peuvent que rester spectateur de cet immense jeu de Monopoly qui a fait de leur ville son terrain de prédilection.
Le Quotidien de Nouakchott