- A la Banque africaine de développement, le président Adesina disculpé par un rapport d’experts
Le Monde Afrique - Un nouveau chapitre vient de s’écrire dans le feuilleton à rebondissements qui dure depuis le mois d’avril sur la Banque africaine de développement (BAD) et son président, le Nigérian, Akinwumi Adesina.
Ce dernier était accusé de favoritisme, d’enrichissement personnel et de « violations du code de conduite » par des employés de l’institution, l’une des cinq principales banques multilatérales de développement au monde.
Sur pression des Etats-Unis, deuxième actionnaire de la BAD après le Nigeria, une enquête indépendante avait été confiée début juillet à un panel de trois experts mené par l’ancienne présidente irlandaise (1990-1997), Mary Robinson.
Son rapport, très attendu, a été transmis, lundi 27 juillet, à la banque.
Dans ce document de 31 pages que Le Monde Afrique a consulté, le panel d’experts disculpe M. Adesina et note que les accusations portées à son encontre par des employés devenus « lanceurs d’alerte » sont « sans fondement », trop souvent « générales », « manquent de précisions et ne sont pas étayées par des preuves ». Avant de préconiser qu’elles soient « rejetées », faute de « crédibilité ». Le panel confirme ainsi les conclusions du comité d’éthique de la banque qui, dans son enquête préliminaire rendue fin avril, avait balayé chacune des seize allégations. « Elles ont été correctement examinées et rejetées », tranche le panel d’experts dans son rapport.
Plus qu’une enquête à proprement parler, il s’agit d’un examen des méthodes et des conclusions du comité d’éthique de la banque pour qui la plainte « ne reposait sur aucun fait objectif et solide ». Se disant traqués et intimidés par des proches du président Adesina, les employés à l’origine de l’affaire avaient refusé de transmettre des preuves, « au motif qu’ils voulaient préserver leur anonymat ».
Fin mai, le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin avait exprimé de « sérieuses réserves » sur le travail produit par le comité d’éthique. Alors que le Nigérian est candidat à sa succession, prévue fin août, Washington a pris au sérieux cette affaire et souhaité que la lumière soit faite, notamment sur les accusations d’enrichissement personnel, de nominations à des postes stratégiques de proches de M. Adesina, pour certains soupçonnés de corruption.
Un mois pour convaincre
Aucun élément nouveau ne figure dans ce rapport du panel d’experts qui n’avait de toute façon pas mandat pour diligenter ses propres investigations. Ses conclusions sont un soulagement pour le président de la BAD qui ressort toutefois fragilisé de cette affaire, révélée par Le Monde Afrique et survenue en pleine pandémie de nouveau coronavirus. Malgré un bilan salué par les actionnaires et ses partenaires – M. Adesina a notamment réussi à boucler une augmentation de capital massive de 115 milliards de dollars en octobre 2019 –, le Nigérian de 60 ans, à la tête de la BAD depuis 2015, reste très contesté en interne pour sa gouvernance.
S’il a bénéficié du soutien d’une partie des présidents africains, à commencer par le Nigérian Muhammadu Buhari, soucieux de préserver ou de conquérir des postes stratégiques à l’Union africaine et aux Nations unies, M. Adesina en a agacé d’autres. Certains lui reprochent un tropisme ouest-africain, mais aussi de confier les postes les plus importants à des Nigérians.
Depuis le début du scandale, le président Adesina a toujours clamé son innocence. Pour se défendre, il n’a pas hésité à pointer un acharnement des Etats-Unis, puis à jouer sur la fibre de l’ingérence occidentale visant à déstabiliser l’institution panafricaine.
Au risque d’exacerber des tensions entre certains des 27 actionnaires non régionaux et les 54 pays membres africains. Sa gestion maladroite de cette crise a, selon plusieurs analystes, nui à la crédibilité de la BAD, un temps mise à l’écart des réflexions et de la riposte continentale au coronavirus. Ces dernières semaines, les agences de notation financière lui ont cependant confirmé son précieux triple A.
Désormais, il reste un mois à Akinwumi Adesina avant l’assemblée annuelle de la BAD, prévue fin août, pour convaincre les actionnaires de lui confier un second mandat. Il est le seul en lice.
Par Joan Tilouine