Sénégal : un mort lors de manifestations contre l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko
L’arrestation de l’opposant, troisième de la présidentielle de 2019 et pressenti comme l’un des principaux candidats à celle de 2024, a provoqué les heurts parmi les plus sérieux qu’ait connus le Sénégal depuis des années.
Le Monde avec AFP et Reuters
Le ministre de l’intérieur, Antoine Félix Abdoulaye Diome, a justifié l’arrestation de M. Sonko par l’interdiction des rassemblements édictée à cause du Covid-19. ZOHRA BENSEMRA / REUTERS
Un jeune homme a été tué jeudi 4 mars, à Bignona, en Casamance dans le sud du Sénégal, lors de manifestations contre l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko,qui, selon son entourage, devrait être entendu vendredi par un juge sur des accusations de viols.
« Nous exigeons une enquête indépendante pour faire la lumière sur les circonstances du décès du jeune Cheikh Coly, 20 ans, lors d’une manifestation à Bignona. Les forces de défense et de sécurité doivent faire preuve d’un maximum de retenue face à des manifestants non armés », a dit sur Twitter le directeur d’Amnesty International Sénégal, Seydi Gassama.
Ousmane Sonko, 46 ans, le leader du principal parti d’opposition, Les Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (ou Pastef-Les Patriotes), a été arrêté mercredi alors que des centaines de ses sympathisants s’opposaient à la police dans les rues de Dakar. Une employée d’un salon de beauté a accusé M. Sonko de viol le mois dernier. Il a été convoqué pour comparaître après la levée de son immunité parlementaire la semaine dernière. Lors de sa garde à vue, l’opposant a gardé le silence pour « protester contre les violations » de ses droits.
Ousmane Sonko, qui a fini troisième à l’élection présidentielle de 2019 et est pressenti comme l’un des principaux candidats à celle de 2024, jouit d’un soutien assez important auprès de la jeunesse sénégalaise. Il a nié les accusations et a accusé à son tour le gouvernement du président, Macky Sall, d’être à l’origine de cette plainte afin de l’affaiblir.
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Manifestation dans plusieurs villes
Le ministre de l’intérieur, Antoine Félix Abdoulaye Diome, a justifié l’arrestation de M. Sonko par l’interdiction des rassemblements édictée à cause du Covid-19 et par un plan de circulation mis en place par les autorités.
Des troubles ont été rapportés dans plusieurs villes, y compris en Casamance. M. Sonko bénéficie d’un fort soutien dans cette région, d’où son père est originaire et où il a passé une partie de sa vie.
Des groupes de jeunes et les forces de l’ordre ont échangé mercredi des jets de pierres et des tirs de gaz lacrymogènes dans la capitale. Les médias et les réseaux sociaux ont rapporté le pillage de magasins. Des dizaines d’étudiants retranchés dans le Centre des œuvres universitaires de Dakar, sur le campus de l’université Cheikh-Anta-Diop, ont à nouveau lancé jeudi après-midi des morceaux de parpaings sur les dizaines de policiers déployés alentour. Les policiers ripostaientpar des jets de grenades lacrymogènes et assourdissantes et en renvoyant les cailloux.
Dans la soirée, le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA) a annoncé suspendre pour soixante-douze heures à partir de jeudi à 18 heures le signal de deux télévisions privées, Sen TV et Walf TV. Le CNRA avait mis en garde mercredi contre la diffusion de contenus faisant « explicitement ou implicitement l’apologie de la violence », incitant à des troubles à l’ordre public, ou « de nature à constituer une menace sur la stabilité nationale ou la cohésion sociale ».
Il avait cité Sen TV et Walf TV, ainsi qu’une troisième télévision. Sen TV et Walf TV ont « persisté dans [leur] logique de violation de la réglementation en diffusant en boucle des images de violence », a dit jeudi le CNRA