Le Temps - L’accord entre les quatre ex-candidats à la présidence de la Confédération africaine de football est scellé: trois d’entre eux se rangent derrière le milliardaire sud-africain Patrice Motsepe, qui sera donc élu sans opposition samedi prochain.
Ce samedi à Nouakchott, le Ghana a remporté la finale de la Coupe d’Afrique des nations des moins de 20 ans en prenant le meilleur sur l’Ouganda (2-0). Mais le véritable événement de la soirée a eu lieu un peu auparavant au Palais des Congrès de la capitale de la Mauritanie.
Et à en croire tous les intervenants à la tribune, c’est le continent tout entier qui est sorti vainqueur de la solennellement intitulée «cérémonie de l’unité africaine».
Une semaine avant l’élection du prochain président de la Confédération africaine de football (CAF), qui se tiendra le 13 mars à Rabat (Maroc), la possibilité d’une alliance entre les quatre candidats est devenue officiellement réalité. L’Ivoirien Jacques Anouma, le Sénégalais Augustin Senghor et le Mauritanien Ahmed Yahya se sont rangés derrière le Sud-Africain Patrice Motsepe, dont ils deviendront respectivement conseiller, deuxième et premier vice-présidents.
Ahmad Ahmad dans l’attente
La dernière incertitude concerne le président sortant Ahmad Ahmad, qui a été suspendu de toutes les activités liées au football par la FIFA pour des soupçons de corruption, mais qui a fait recours devant le Tribunal arbitral du sport dans l’espoir de se présenter à sa propre succession. Le Malgache devrait être fixé sur son sort ce lundi.
En attendant, c’est sans lui que l’avenir a commencé à s’écrire, avec un homme promis au trône qui a prononcé, comme s’il y était déjà assis, un discours très rassembleur. «Le football africain, plus que celui de tous les autres continents, a besoin de collecter les compétences, les connaissances, les leaderships», a déclaré Patrice Motsepe après avoir remercié chacun de ses ex-concurrents pour leur contribution au programme établi en commun. «Quand je vois la passion de ces hommes, je me dis qu’un avenir brillant nous attend.»
Du quatuor, Patrice Motsepe se distingue par plusieurs aspects. Il est le seul anglophone. Le seul à ne pas diriger ou avoir dirigé la fédération de son pays donc, en quelque sorte, le seul «étranger» aux instances du football africain (même s’il a insisté sur «un engagement de vingt ans» et qu’il préside les Mamelodi Sundowns de Pretoria). C’est, en plus du talent en affaires qui lui a permis de devenir l’un des hommes les plus riches du continent, cette «fraîcheur» qui en aurait fait le favori de Gianni Infantino.
Aux prémices de «l’unité africaine», il y eut une rencontre à Rabat le week-end dernier, tenue à l’invitation de la Fédération royale marocaine avec la complicité de la fédération égyptienne et la bénédiction de la FIFA, dont plusieurs hauts fonctionnaires étaient présents. Depuis, l’opération a souvent été lue comme une ingérence de l’instance mondiale dans les affaires de l’une de ses six confédérations.
Jacques Anouma, dans le rang
Président de la Fédération mauritanienne de football, Ahmed Yahya s’est fermement distancé de cette interprétation samedi soir: «J’avais fait acte de candidature sous la devise de campagne «Ensemble pour le football africain». L’essentiel à mes yeux n’était pas de devenir président. Je n’ai aucun souci avec le fait de mettre mes compétences et mon dynamisme au service d’un programme commun. Personne ne nous a imposé de nous réunir. Organiser notre rencontre était une bonne initiative!»
Durant la semaine, l’ancien président de la fédération ivoirienne Jacques Anouma avait laissé planer le doute quant au maintien de sa candidature personnelle, ne jugeant «pas trop démocratique» l’accord qui avait été fomenté à Rabat. Finalement, il s’y est rallié vendredi par le biais d’une allocution à la télévision publique de son pays. Samedi, il a lui aussi prêché l’unité. «J’adhère complètement au projet en cours, a-t-il clamé. J’espère maintenant que nous n’allons pas nous déchirer le soir de l’élection, et montrer à la face du monde une Afrique divisée.»
Cela arrangerait bien Gianni Infantino, dont la réélection en 2023 pour un troisième mandat de président de la FIFA pourrait passer par un vote massif de l’Afrique en sa faveur. «Le signal lancé ce soir tient à l’essence du football, a-t-il lancé (en français) à la tribune ce samedi soir. Le football est un sport d’équipe. On perd ou on gagne en équipe. Dans la réunion de ces quatre hommes, il y a une preuve de maturité ultime, la sagesse de vouloir arrêter les divisions pour montrer que, unis, on gagne.»
Avec quelle tactique? Patrice Motsepe a jugé que ce n’était pas le moment d’entrer dans les détails, mais il a évoqué l’importance de rendre le football africain compétitif dans le monde globalisé, autosuffisant financièrement et attractif pour les investisseurs. Et il n’a pas hésité à brandir l’objectif ultime: «Il faut qu’un pays africain gagne la Coupe du monde. Et j’ai le sentiment que cela arrivera dans un avenir proche.»
Par Lionel Pittet