RÉSERVÉ AUX ABONNÉS | 15 avril 2021 à 15h58 | Par Justine Spiegel - à Nouakchott
Mis à jour le 15 avril 2021 à 16h07
Mis en cause pour la gestion des deniers publics durant ses deux mandats (2009-2019), l’ex-président mauritanien se défend pied à pied et nie en bloc. Première partie de l’entretien exclusif qu’il a accordé à « Jeune Afrique ».
On dit de l’amitié qu’elle ne résiste pas à l’exercice du pouvoir. Celle qui unissait depuis plus de trente ans l’ancien président Mohamed Ould Abdelaziz et son successeur Mohamed Ould Ghazouani n’a pas tardé à voler en éclats. Peu après son investiture, en août 2019, ce dernier s’est très vite affirmé comme le véritable chef, faisant taire ceux qui l’imaginaient sous la tutelle de son ami.
À l’Assemblée nationale, les députés ont mis en place une commission d’enquête parlementaire, dont le rapport, remis en juillet 2020, a révélé des irrégularités liées à dix marchés passés durant les deux mandats d’ »Aziz ». Mohamed Ould Ghazouani l’a dit et répété : il n’est jamais intervenu directement dans ce dossier.
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En août 2020, Mohamed Ould Abdelaziz, 64 ans, a été placé en résidence surveillée dans sa villa du quartier des Bourses, à Nouakchott. Il ne peut plus quitter la capitale. Ses proches disent de lui qu’il est « comme un lion en cage », lui qui s’échappait chaque week-end dans son campement de Benichab, dans l’Inchiri – ses récentes demandes pour s’y rendre ont toutes été refusées.
En mars 2021, la procédure s’est accélérée : il a été inculpé pour, entre autres, corruption, blanchiment d’argent, enrichissement illicite, dilapidation de biens publics, octroi d’avantages indus et obstruction au déroulement de la justice. L’ancien puissant chef d’État et treize de ses ex-collaborateurs ont l’obligation de se présenter trois fois par semaine au commissariat, sous peine d’être incarcérés. Ses avocats s’apprêtent à saisir l’Union africaine, la Ligue arabe et la Ligue internationale des droits de l’homme.
Aziz a toujours refusé de répondre aux questions des enquêteurs. Dans le premier volet de cet entretien qu’il a accordé mi-avril à Nouakchott à Jeune Afrique, il revient pour la première fois, en détails et sans détour, sur les accusations qui le visent, mais aussi sur son récent retour sur la scène politique. Et dans le second volet, à paraître le 16 avril, il livre en exclusivité sa version du conflit qui l’oppose à Mohamed Ould Ghazouani.
Jeune Afrique : Le 7 avril, vous avez publié une lettre ouverte aux Mauritaniens, très virulente à l’égard du pouvoir, dans laquelle vous les appelez à vous rejoindre au sein du parti Ribat Al Watani, de Saad Ould Louleid. Êtes-vous devenu un opposant ?
Mohamed Ould Abdelaziz : Oui, car je suis totalement en contradiction par rapport à ce qu’il se passe dans mon pays. Par ailleurs, je n’avais jamais pris l’engagement d’arrêter la politique, après tous les efforts que j’ai faits pour tenter d’améliorer les conditions de vie de la population et de sécuriser le pays.
À CHAQUE FOIS QUE J’AI APPROCHÉ UN PARTI, IL A SUBI DES PRESSIONS OU IL A CRAINT D’ÊTRE INTERDIT
J’avais un parti que j’avais créé moi-même en 2009, mais le gouvernement en place s’en est saisi et me l’a confisqué. J’ai dû l’abandonner et en chercher un autre. J’en avais trouvé un [en août 2020, il s’était rapproché du Parti unioniste démocrate socialiste de Mahfoudh Ould Azizi, ndlr], mais il a été interdit.
Pourquoi avoir choisi cette formation, Ribat Al Watani ?
Car elle était la seule disponible. Chaque fois que j’ai approché un parti, il a subi des pressions ou il a craint d’être interdit. Le président de Ribat Al Watani a eu le courage d’accepter. Je vais en devenir membre et nous allons commencer à travailler dans les jours et semaines à venir pour y faire adhérer l’ensemble de nos soutiens. Nous allons également organiser un congrès, beaucoup de choses vont changer en son sein.