TV5 MONDE - Le président Patrice Talon a reçu mercredi au palais présidentiel de Cotonou l'ancien chef de l'Etat Thomas Boni Yayi, cinq ans après leur dernière rencontre, signe d'un possible apaisement entre le pouvoir et l'opposition au Bénin après plusieurs années de tension.
L'ex-président Boni Yayi, est arrivé détendu aux alentours de 10H50 locale (09H50 GMT) au palais où il a été reçu par le président Talon, qui lui avait succédé au pouvoir en 2016.
Ces deux rivaux politiques se sont salués chaleureusement et ont échangé quelques mots devant la presse avant de se retirer dans la salle d'audience où ils se sont entretenus durant une heure, a constaté un journaliste de l'AFP.
Au sortir de leur entrevue et face aux caméras, le président Talon est apparu souriant et a exprimé "son plaisir de revoir le président Boni Yayi en ces lieux qui gardent son action en mémoire". Il lui a ensuite laissé la parole.
"Beaucoup croient qu'il y a un problème profond entre Talon et Yayi, mais il n'y en a pas de profond", a d'abord tenu à déclarer M. Boni Yayi.
Au cours de cet entretien, "j'ai fait des propositions au président qui m'a écouté, notamment qu'il soit mis fin aux arrestations politiques pour permettre à tous nos compatriotes exilés (...) de rentrer chez eux", a-t-il souligné.
Thomas Boni Yayi - toujours considéré comme le véritable chef de file de l'opposition - et le président Talon ne s'étaient pas rencontrés depuis cinq ans, les tensions entre eux s'étant ravivées au moment des élections législatives de 2019 et de la présidentielle de 2021.
Le président Talon qui a succédé à M. Boni Yayi en 2016, est accusé d'avoir fait prendre un virage autoritaire au Bénin, où sous sa présidence les principales figures de l'opposition ont été poursuivies par la justice et/ou ont fui à l'étranger.
C'était notamment le cas de M. Boni Yayi, qui avait quitté le Bénin en 2019 après que son domicile de Cotonou eut été encerclé pendant près de deux mois par les forces de l'ordre, suite au scrutin législatif dont il contestait la légalité alors que l'opposition en avait été exclue.
La crise qui avait suivi avait débouché sur des manifestations et des violences avec une dizaine de morts par balles.
En novembre 2019, une rencontre entre les deux hommes avaient été annoncée, mais l'ancien chef de l'Etat Boni Yayi ne s'était finalement pas présenté au palais.
Les tensions avec l'opposition s'étaient encore accentuées en avril 2021, à l'occasion de l'élection présidentielle, où le président Talon a été réélu avec plus de 86% des voix.
La plupart des grandes figures de l'opposition n'avaient pas été autorisées à se présenter, et des violences avaient encore éclaté dans le centre du Bénin, région natale de M. Boni Yayi.
- "Libérer les détenus politiques" -
Peu avant le scrutin la candidate du parti Les Démocrates, dont Thomas Boni Yayi est le président d'honneur, Reckya Madougou, avait été arrêtée, accusée de "terrorisme" notamment. Un autre candidat de l'opposition, l'universitaire Joël Aïvo, avait également été arrêté après l'élection. Des dizaines de militants de l'opposition avaient aussi été arrêtés.
Mercredi, M. Boni Yayi a demandé au président Talon "de libérer les détenus politiques dont Reckya Madougou et Joel Aïvo".
"Je n'oublie pas le cas de nombreux jeunes en souffrance dans nos prisons. Le président m'a écouté, il a passé son temps à m'écouter religieusement", a-t-il assuré.
"Je lui ai également proposé (...) d'ouvrir des discussions avec la classe politique", a-t-il poursuivi.
Les tensions entre ces deux hommes, auparavant alliés, rythment la vie politique béninoise depuis près de dix ans.
Patrice Talon, richissime homme d'affaires, avait été l'artisan de la victoire de M. Boni Yayi à la présidentielle de 2006 et 2011, dont il avait largement financé les campagnes.
Mais les deux personnalités avaient fini par se brouiller en octobre 2012. Patrice Talon avait ainsi été forcé à l'exil entre 2012 et 2015, accusé de "tentative d'empoisonnement" contre le chef de l'Etat.
En mai 2014, Thomas Boni Yayi lui avait accordé finalement son pardon, lui permettant de rentrer au Bénin et de se présenter deux ans plus tard à l'élection présidentielle.
Par Josué MEHOUENOU