Hassane Boubou Demba, mémoire vivante du musée national

mar, 09/11/2021 - 23:11

AHCOM - Il est né vers 1955 à Timbédra dans le bassin du Hodh El Chargui. Timbedra dont le cœur bat entre les deux Hodh, se trouve à cheval entre Aioun et Néma.

Deux villes de référence dans l’histoire de notre pays et capitales de Wilaya, qui ont vu naitre et grandir l’enfant de Timbedra. À l’âge de sept ans, son père l’inscrit dans une école traditionnelle coranique, avant de rallier à l’âge de huit ans, l’école primaire de Timbedra.

Après une année dans une Mahadra suivant l’enseignement de son Cheikh, pour avaler le coran, sans en comprendre encore la portée, ni le sens littéraire de la parole sainte.

Le jeune écolier n’a pas eu du mal à franchir sans encombre les paliers de l’école primaire, jusqu’en CM2. Malheureusement, il échoue au concours d’entrée en 6ème. Son directeur d’école surpris par l’échec de son meilleur élève, décide de l’envoyer à l’école fondamentale d’Aioun, pour l’éloigner du foyer familial et de son environnement naturel de distraction dans les méandres du football, son sport de prédilection.

En 1970, il rentre avec brio au Collège d’Aioun, pour réparer le faux pas de son échec au concours. Passionné de sport, il intègre l’équipe de football de son collège, qui le conduit à deux reprises dans la capitale pour le championnat scolaire national.

En 1972, il perd son père, alors qu’il rentre dans ses 17 ans. Le bel âge de l’innocence et de l’insouciance, l’horizon familial s’assombrit avec une mère désemparée. C’est à cette époque, que le jeune orphelin a pris conscience, que sa vie ne sera pas de tout repos.

Après ses cours au collège, il poursuit les leçons de sa tablette coranique avec son maitre de mahadras. Il me confie : « Le coran m’a sauvé, car très jeune, je me suis réfugié sous le manteau coranique. »

En 1974, il s’installe à Nouakchott, pour suivre ses études dans le mythique Lycée National, vivier de pépinières de cadres du pays. En 1978, il décroche son Bac dans la filière scientifique. Le destin le conduit en Algérie, pour une formation de technicien supérieur de laboratoire.

En 1982, c’est le retour au pays avec son parchemin de laborantin en poche, il est embauché dans l’usine du sucre, comme technicien de laboratoire. Après deux ans d’assiduité, et du sérieux dans son travail, il est promu chef labo de la société, jusqu’à la faillite de cette dernière en 1990.

L’horizon s’assombrit de nouveau, pour le jeune chef de famille de 35 ans et le décès de sa mère en 1991, vient alourdir le deuil d’un homme en chômage. Il rend grâce à Allah, car ce choc au lieu d’entamer sa foi, n’a fait que raffermir sa croyance en Allah le tout puissant.

De cet attachement à la foi et au mektoub, l’homme de Dieu a su traverser le temps du deuil et la précarité du chômage, pour se reconvertir dans la sphère de la conservation du patrimoine socio-culturel. Ainsi, il intègre le Musée National comme technicien bénévole du patrimoine à l’IMRS, auprès de son énigmatique professeur Robert Vernet.

Une belle aventure vient de commencer, pour Hassan Boubou Demba, qui se voit illuminer par une nouvelle passion de la conservation et la valorisation du patrimoine national matériel et immatériel. Sous l’œil de son maitre Vernet, il participe au montage de la salle de l’archéologie du Musée National.

Et depuis cette date, il n’a jamais quitté le Musée, pour se confondre lui-même au patrimoine de son pays. Guide du Musée, technicien d’exposition, Hassan est la mémoire vivante de notre musée national. Tant sa présentation face aux visiteurs conquis, sa voix pédagogique face aux élèves de passage, ses références précises face aux chercheurs attentifs, et surtout sa disponibilité et son humilité, font de lui un monument incontournable dans la vie du Musée.

1991 – 2021, le chemin est long et escarpé d’obstacles, mais la passion, la foi au travail, et l’amour du métier ont su maintenir l’homme dans la constance de la fidélité au service de son pays.

De ces trente ans passés au sein du grenier de notre patrimoine national, l’icône Hassan a suivi la trajectoire d’un combattant culturel sans arme mais animé de bonne foi :

- 1991 – 1995, Bénévole à l’IMRS,

- 1995 – 1996, Guide de l’Expos Itinérante « Les Vallées du Niger »,

- 2001 – Intégration au Musée National comme Guide et Technicien d’Exposition.

De son parcours atypique, il s’est forgé des mains en or de l’artisan, avec l’expérience de ses multiples formations :

- Sur le Montage des Expositions Muséales à Assouan en Egypte (2009),

- Sur la Gestion des Musées ICOM (2010),

- Sur l’Approche Musée Ecole UNESCO (2011),

- Sur l’Archéologie Préventive et Inventaire sous la direction du Pr VERNET (2015).

Avec gaité du cœur, il a su partagé ce qu’il a appris, comme formateur :

- De trois techniciens de Musée au profit du Musée Tichitt (2007),

- Du Guide de Musée Bagodine des Arts et Traditions de Nouadhibou (2009),

- Du Suivi de stage d’une étudiante malienne du Conservatoire des Arts (2010),

- Du Suivi de stage d’un étudiant mauritanien sur le Marketing Culturel (2011).

Son attachement au patrimoine national et sa passion de la vie socioculturelle, l’ont fait beaucoup voyager :

- Zaragoza en Espagne, Expos Internationale sur l’Eau (2008),

- Sélibabi, la Semaine Culturelle (2009),

- Tlemcen en Algérie, Festival Culturel (2011),

- Nouadhibou, Festival Halieutique (2011),

- Boghé, Festival International Blouse du Fleuve (2012),

- Tintane, Festival Culturel (2012)

- Ould Yengé Semaine Culturelle (2013)

- Chinguitty – Wadane – Oualata, Tichitt, Festival des Villes Ancienne (2011 – 2012 – 2013 – 2014).

De cette vie riche et bien remplie, il a su rester modeste et généreux. Comble de paradoxe, à la question de reconnaissance nationale par une décoration, il répond : « Je n’ai jamais eu de décoration nationale, mais cela n’entame en rien ma volonté de servir loyalement mon pays, dans le cadre de mon travail. »

Il nous a rappelé ce que disait le Président Kennedy : « Au lieu de se demander de ce que ton pays doit faire pour toi. Il faut se demander, de ce que tu peux faire pour ton pays. »

L’enfant de Timbedra a grandi, aujourd’hui en père et grand-père comblé, il continue de se donner à ses heures de loisir, pour enseigner le coran à ses enfants et petits-enfants, sans oublier les enfants de son quartier d’une manière générale. Il est toujours resté le même, disponible, joyeux, serviable et généreux.

Contact d’Hassane : 46 59 00 83