Le Calame - Depuis quelques jours, l’opposition mauritanienne organise des réunions pour parvenir à une nouvelle plateforme politique. En effet, la présidentielle de 2019 avait fini de dissoudre la Coordination de l’opposition Politique (COD) dont les membres ont soutenu des candidats à la présidentielle.
Depuis lors, l’opposition s’est embourbée dans une sorte de léthargie. Du chacun pour soi jusqu’à la création en 2020, de la coordination des partis politiques représentés à l’Assemblée nationale, ceci, en faveur de la pandémie de la COVID 19. Le président de la République avait appelé à l’union contre la pandémie.
Tawassoul, premier parti de l’opposition, le RFD, l’UFP, APP, SAWAB et AJD/MR avaient répondu à l’appel, ce qui avait contribué à apaiser l’arène politique du pays. Les partis de la majorité et de l’opposition ont travaillé ensemble jusqu’au retrait de Tawassoul ; APP, quant à lui, se fait tirer difficilement l’oreille.
Le cadre tient jusqu’à la décision de Ghazwani d’appeler aux concertations politiques entre la majorité et l’opposition. C’est donc en faveur de ce cadre que l’opposition se retrouve pour parler d’une seule voix. Avouons-le, ce n’est pas facile. Trois réunions se sont tenues pour y parvenir.
Les partis de l’opposition ont tenté de parler et d’harmoniser leurs positions. Il s’agit d’échanger sur les thématiques, le format et de mettre en place une commission de pilotage, laquelle définira le format et ceux qui devront représenter l’opposition au comité de supervision du dialogue. Il est évident que tous les partis de l’opposition ne pourraient pas siéger à ce comité et par conséquent, il faudrait désigner ceux qui y seront envoyés.
Quels critères seront-ils édictés par l’opposition ? Ceux qui ne seront pas désignés rumineront-ils leur colère au sein du nouveau cadre qui sera mis en place ? Au sein de l’opposition, certains partis politiques travaillent à éviter des frictions et à unir celle-ci.
C’est d’ailleurs pourquoi, les organisateurs des différentes réunions ont ratissé large ne laissant personne en marge. Ils veulent un conclave inclusif pour débattre de l’ensemble des questions nationales. La feuille de route concoctée s’est efforcée à prendre en compté l’ensemble des préoccupations majeures du pays.
Au terme de cette première étape donc, l’opposition pourrait se trouver une nouvelle plateforme et partant parler d’une seule voie aussi bien lors des concertations que lors des prochaines échéances électorales. Elle pourrait désormais peser sur les débats nationaux et imposer, pourquoi pas, au pouvoir un rapport de force en sa faveur. Sa division lors des élections présidentielle de 2019 avait fini de l’affaiblir.
Des sujets qui fâchent toujours ?
Mêmes si toute l’opposition et même la majorité s’accordent sur l’urgence de débattre de l’unité nationale et la cohésion sociale, de la gouvernance et la lutte contre la gabegie, il n’en demeure pas moins que les uns et les autres n’y mettent certainement pas le même contenu.
Le passif humanitaire demeure toujours un sujet délicat. Dire la vérité sur ce qui s’est passé dans les casernes militaires, dans la vallée et dans certaines villes du pays, sur les déportations, reste difficile à réaliser car cela engage la responsabilité des forces de défense et de sécurité. Pour certains, l’armée doit être tenue hors de ces conclaves.
C’est d’ailleurs pourquoi le régime de Ould Taya avait rapidement fait voter une loi d’amnistie en 1993 pour protéger ceux que les victimes, les rescapés, les veuves et les orphelins qualifient de « bourreaux ».
C’est d’ailleurs pourquoi, croient savoir certains, des cercles du pouvoir et des extrémistes qui avaient été mouillées dans ces exactions travailleraient dans l’ombre à saborder les concertations que le président Ghazwani a accepté d’organiser.
Or, vider cet abcès ne signifie pas régler les comptes entre les composantes du pays. Si les ayants droit des victimes, les rescapés militaires, les veuves, les déportés ramenés au pays ou les rapatriés volontaires (MOYTO KOOTA) continuent à réclamer, depuis des dizaines d’années, la vérité sur ce qui s’est passé pendant les années dites de « braise » ; ce n’est évidemment pas par esprit de vengeance.
En effet, on n’a jamais vu une expédition punitive contre l’un des bourreaux que les uns et les autres suspectent avoir sévi contre leur papa, frères, mari et autre. Ils veulent que de telles exactions ne se répètent pas dans ce pays et qu’ils puissent enfin faire le deuil des leurs. Comment, dans un pays musulman, on prive les citoyens des sépultures des défunts ?
En effet, ces « évènements » de 1989/91 ont profondément ébranlé les fondements de l’unité nationale que tous les acteurs politiques, pouvoir et opposition voudraient consolider et renforcer. Cela passe par accepter un débat sans passion sur ces questions qui continuent de fâcher.
On ne peut résoudre les questions nationales et apporter des solutions idoines sans faire preuve de réalisme, de dépassement et de patriotisme.
Ceux qui continuent à réclamer la vérité prêchent pour une justice transitionnelle qui a fait ses preuves au Maroc, en Afrique du Sud et en Gambie ; ces pays n’en ont pas pâti, au contraire, ils ont réussi une réconciliation nationale sans accrocs.
En effet, les « évènements » ont créé, comme tout le monde le sait, une certaine méfiance entre les composantes nationales dont certains acteurs politiques, du côté du pouvoir et de l’opposition ne cessent de dénoncer leur marginalisation à tous les niveaux. Ils fustigent des écoles et des nominations monocolores, des médias publics presque exclusifs, le refus d’officialiser l’enseignement des langues nationales (Pulaar, Soninke et Wolof).
Ils y ajoutent depuis quelque temps cette espèce d’hypocrisie. Les négro-africains sont supposés être des suppôts du français, langue du colon alors que tous les fils à papas sont dans les filières françaises : Lycée Théodore Monod et autres.
La récente sortie médiatique de 8 partis de l’opposition qui réclamaient justement, un dialogue politique et non des « concertations » a mis le principal parti de la majorité dans tous ces états.
Ces sujets qui fâchent vont-ils favoriser un consensus entre les différents acteurs politiques ? En tout cas, tous les acteurs devant se retrouver autour de la table ont exprimé leur désir ou souhait de voir le dialogue être inclusif mais surtout de permettre de débattre de tous les sujets sans tabou.
Dalay Lam