Station Météo d’Aïoun, le Conseil Régional et le Ministre de l’Intérieur cherchent à déloger leur logeur
L'Authentique - Le sort de la station météorologique d’Aïoun, vieille de 75 ans et pointée sur la carte de l’Organisation Internationale de l’Aviation Civile sous le code 61499 GQNA, n’est pas encore scellé.
Le président du Conseil Régional d’Aïoun, avec l’appui du Ministre de l’Intérieur et d’un haut gradé de l’armée, cherche à la déloger, malgré un contrat d’hébergement dûment signé en date du 15 août 2020.
Le siège du Conseil Régional d’Aïoun est presque fin prêt, avec une ouverture de six mètres donnant sur la route de l’Espoir qui traverse la ville, conformément aux termes du contrat qui liait le conseil et la Station Météorologique, propriétaire légitime des lieux depuis 1946.
Aujourd’hui, le président du Conseil Régional veut renier les termes du contrat et détruire 75 années de données météorologiques et un bâtiment historique.
Rappel des faits
Selon le contrat signé le 15 août 2020, le Directeur général de l’Office National de la Météorologie, M. Mohamed Abdatt Cheikh Mohamed El Mamy, avait au nom du Ministre de l’Equipement et des Transports, concédé au président du Conseil Régional d’Aïoun, M. Khattar Ould Cheikh Ahmed, une partie du terrain de la station météo d’Aïoun. C’était en présence du Wali du Hodh El Gharbi, du Hakem d’Aïoun et du Délégué régional du Ministère de l’Habitat.
Le contrat stipule que le Conseil Régional d’Aïoun est autorisé, par l’Office National de la Météorologie, à construire son siège dans la partie Nord du terrain de la station météo, cette dernière conservant la partie Sud, au bord de la Route de l’Espoir sur une longueur de 35 mètres sur 30 mètres côté sud-ouest, et 30 mètres côté Nord. Une ouverture de 6 mètres sera aménagée pour l’entrée et la sortie des véhicules.
Le Conseil Régional s’engage aussi à prendre en charge, à hauteur de 70.000 MRU, le déplacement du matériel et des installations de la station se trouvant sur la partie qui lui est dévolue, pour les placer sur le reste du terrain revenant à la station.
Non seulement, le Conseil Régional n’a pas jusqu’ici honoré ce dernier engagement de 70.000 MRU, mais il cherche aujourd’hui tout simplement à s’accaparer de tout l’espace en rasant la station météo.
Le personnel météorologique s’indigne auprès du Président Ghazouani
Dans une lettre adressée il y a quelques jours au Président de la République, Mohamed Cheikh Ghazouani, le personnel de l’Office National de la Météorologie s’indigne face aux menaces d’accaparement visant les terrains occupés par les stations météo dans plusieurs Wilayas du pays et dont certaines sont antérieures à la naissance de la Mauritanie.
Le cas de la Station d’Aïoun est emblématique, car elle renferme 75 années de données météorologiques que certains cherchent aujourd’hui à détruire, menaçant ainsi l’existence d’un vestige historique largement ancré dans la mémoire collective au Hodh El Gharbi et à Aïoun en particulier.
Le personnel a mis en exergue le rôle important que jouent les stations météorologiques dans la préservation des vies des citoyens et de leurs biens, mais aussi leur rôle dans le développement économique et social, notamment dans le domaine des transports, de l’agriculture, de l’élevage, de la santé, de l’environnement, du tourisme, entre autres.
Les Bulletins météorologiques quotidiens et les prévisions climatologiques fournissent des données qui permettent aux décideurs de prendre les bonnes décisions à temps et aux acteurs économiques de prévenir les aléas, surtout dans un contexte mondial marqué par les changements climatiques.
La Station d’Aïoun joue dans ce cadre un rôle primordial dans la fourniture de données comparatives sur le plan régional et international.
Cette surveillance permanente et continue de l’évolution climatologique est assurée par un personnel qualifié dont la plupart consent des efforts depuis plusieurs années, voire plusieurs décennies, malgré des conditions de vie et de travail difficile, pour fournir des données vitales pour la sécurité aéronautique et maritime, entre autres.
En même temps, ces données fournies par les stations régionales participent aux échanges dans le domaine météorologique sur le plan régional et international, sous les auspices de l’Organisation mondiale de la météorologie et l’organisation internationale de l’aviation civile.
Le Ministre de l’Intérieur s’implique dans la forfaiture
Faisant fi des termes du contrat par lequel le Conseil Régional a consenti n’être qu’un simple occupant dans la propriété exclusive de la Station Météo d’Aïoun, le Ministre de l’Intérieur a adressé il y a quelques jours au Ministre de l’Equipement, une lettre dans laquelle il lui demande de déplacer la Station dans un autre terrain que le Ministère de l’Habitat se chargera de construire.
« Si le Ministère de l’Habitat a été incapable de construire un magasin qui coûte 70.000 MRU, comment va-t-il construire tout un bâtiment ? » s’indigne un agent de la station d’Aïoun.
Selon le personnel, cette affaire sent un règlement de compte et soupçonne l’appui d’un puissant gradé de l’armée dans ce bras de fer où ce dernier pèse de tout son poids en faveur d’un allié politique, le président du Conseil Régional d’Aïoun.
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« Ils avancent comme prétexte qu’il existe une station météo à l’aéroport d’Aïoun, ignorant qu’il s’agit d’une station automatique destiné uniquement à l’aéronautique, ce qui est totalement différent d’une station météorologique. C’est ce que le Directeur général de l’Office National de la Météorologie n’a cessé de leur expliquer » soutient-on au sein du personnel.
L’exemple du déménagement de l’ancien aéroport de Nouakchott, sans que la station Météo, l’ASECNA et l’Office National de la Météorologie n’aient bougé de leur emplacement initial, est significatif selon les agents.
Aujourd’hui, le sort de la Station Météo d’Aïoun est entre les mains des décideurs. Après le retour du Directeur Général de l’Office National de la Météorologie de la Cop qui vient de s’achever, une rencontre devrait se ternir, entre les départements de l’Intérieur, de l’Equipement et de l’Habitat.
Cheikh Aïdara