« On avait raison de se révolter », disait à l’époque une sommité révolutionnaire.
« On nous appelait les Fallaghas », disait un certain Sy Ezzedine de la révolution algérienne.
On nous appelait les Kadihounes, disons-nous aujourd’hui.
Il y a cinq décennies sous la pression d’un mouvement patriotique sans précédent dans le pays, la Mauritanie dénonça les accords dits de coopération liant notre pays à la France depuis 1961. Le même genre d’accords furent également conclus entre la France et l’ensemble de ces ex-colonies en Afrique. Ces accords garantissaient pour une durée indéterminée tous les intérêts français dans ces pays nouvellement « forcés » à l’indépendance sous l’égide d’équipes de fonctionnaires supposés fidèles à l’ancienne puissance coloniale.
Conformément à ces accords, la France demeurait comme à l’époque coloniale seul maître à bord dans ces pays. Elle avait la haute main sur les divers secteurs de leur économie nationale. Le Franc CFA (anciennement Colonies Françaises d’Afrique, puis Communauté Française d’Afrique…), patronné par la Banque Centrale de France, contrôlait au quotidien les rouages des économies des pays concernés.
Le système d’enseignement français s’imposait à tous. Les langues et cultures africaines étaient appelées à disparaître à l’aide d’une pernicieuse politique d’assimilation qui peine jusqu’à aujourd’hui à atteindre ses objectifs.
La dénonciation des accords de coopération en Mauritanie eut lieu en 1972. Elle sera suivie en 1973 par la création de la monnaie nationale l’Ouguiya, puis la nationalisation en 1974 de la Société de Fer de Mauritanie (MIFERMA) pour être remplacée par la Société Nationale Industrielle et Minière (SNIM), créée pour l’occasion.
La dénonciation des accords de coopération avait aussi libéré notre système d’enseignement ouvrant ainsi la voie à de nombreuses réformes, malheureusement pas toujours fiables.
De grandes réalisations économiques comme la construction de la route de l’Espoir et celle d’un port en eau profonde dit Port de l’Amitié, purement aussitôt voir le jour.
En dépit de la guerre du Sahara qui a failli nous ramener deux décennies en arrière, en plein de nouveau dans le giron français, notre pays, en se libérant de cette aventure militaire destructrice, a pu préserver l’essentiel des acquis conquis après la dénonciation des accords de coopération.
Deux décennies de sécheresse en plus des conséquences de la guerre du Sahara ont beaucoup terni l’image des réformes réalisées auparavant. Des commentaires malveillants se faisaient entendre regrettant des fois les grandes réformes du milieu des années 1970. Certains se demandaient s’il ne fallait pas revenir au CFA en matière monétaire. D’autres regrettaient à juste titre d’ailleurs le retrait de la Mauritanie de la CEDEAO au profit d’une Union Maghrébine qui n’arrive pas à se concrétiser sur le terrain jusqu’à nos jours. La nature a placé la Mauritanie dans une position intermédiaire et il fallait tâcher de continuer à maintenir cet équilibre plutôt avantageux.
Aujourd’hui le baraquement France-Afrique s’écroule comme un château de cartes donnant raison à notre pays sur toute la ligne. Le système monétaire CFA est décrié dans tout l’espace francophone africain. Les accords de coopération dénoncés depuis un demi-siècle par la Mauritanie sont aujourd’hui à la fois dénoncés et décriés avec vigueur et souvent rompus unilatéralement par les pays africains concernés. Le dernier en date est le Niger qui est entrain de se débarrasser de l’emprise française sur le pays et son économie. Le retour éventuel au pouvoir de Bazoum ou son lynchage définitif, ne pourrait plus endiguer une dynamique qui balaie en large l’ensemble de la zone.
Le tsunami politique ouvertement anti-Français, mené souvent par des jeunes officiers, avec des références Sankaristes à peine voilées, demeure très incertain dans sa démarche mais absolument déterminé dans ses ambitions. Malheureusement le projet démocratique, handicapé dans son application par des intérêts neo-coloniaux tenaces, n’a pas répondu aux attentes des populations. Leurs enfants, en détresse, sillonnent les continents en quête du moindre espoir de survie. Ils perdent la vie par milliers sans le moindre intérêt de leurs gouvernements pour leur sort. L’Europe démocratique complote pour se débarrasser d’eux en cours de route.
La jeunesse africaine prend conscience de plus en plus de ces amères réalités. L’agissement des jeunes officiers n’est certes pas étranger à cette prise de conscience. Un agissement peu rassurant pour le moment mais susceptible de créer un nouvel espoir et impulser une nouvelle dynamique pour des lendemains plus souriants.
A S Elmoctar- Cheddad