Le Sahara Occidental : entre la paix possible et la malédiction de l’intransigeance

mar, 23/09/2025 - 21:37

Staffan de Mistura, envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental, revient une fois de plus dans la région à un moment décisif. Armé de la patience de celui qui refuse de se rendre, il cherche la moindre ouverture susceptible de débloquer un processus de paix enlisé depuis plus de trois décennies. À la fin du mois d’octobre prochain, il devra présenter ses recommandations au Conseil de sécurité, avant que celui-ci ne décide de l’avenir de sa mission et de l’opération de paix dans l’ancienne colonie espagnole, la plus longue et la plus infructueuse que l’ONU maintienne en Afrique.
Le conflit du Sahara occidental reste l’une des grandes dettes en suspens des Nations unies : près de cinquante ans piégés dans un labyrinthe de positions irréconciliables, de rivalités géopolitiques et d’intérêts contradictoires. Pourtant, malgré la paralysie et le poids de l’inaction, subsiste encore une lueur d’espoir d’aboutir à une solution pacifique.

L’espoir d’une solution pacifique
Cet espoir exige un engagement ferme de la communauté internationale, et en particulier de pays influents comme les États-Unis, la France ou l’Espagne — l’ancienne puissance administrante — afin que les parties impliquées, directement ou indirectement, évitent de tomber dans la pire des malédictions : l’intransigeance qui conduit à l’abîme.
Face à ce panorama, le Mouvement sahraoui pour la paix (MSP) propose une alternative inédite. Contrairement aux positions maximalistes qui ont monopolisé le débat jusqu’à présent, ce nouveau mouvement politique sahraoui privilégie le dialogue comme unique voie de sortie du tunnel. Sa démarche découle d’une lecture réaliste de l’histoire récente, qui alerte sur le coût de la prolongation de la confrontation. Insister sur des solutions de force — y compris l’escalade — ne fait qu’alimenter un cycle de violence pouvant déboucher sur une tragédie plus grande pour un peuple qui vit depuis un demi-siècle dans l’incertitude et l’exil.
Le miroir d’autres conflits — malgré leurs différences — offre des leçons qu’il serait imprudent d’ignorer. La dévastation à Gaza montre avec brutalité ce qui se produit lorsque les extrémismes et la logique guerrière prennent le pas sur la diplomatie et la prudence : ce sont toujours les civils qui paient le prix le plus élevé. L’expérience prouve que le radicalisme, d’où qu’il vienne, mène rarement à la libération ou à la prospérité ; ses conséquences sont le plus souvent néfastes et imprévisibles.
C’est pourquoi il est urgent de donner de l’espace et du soutien aux voix qui, au sein même de la société sahraouie, ont choisi la modération et le rejet de la violence comme instrument politique. Il ne s’agit pas de renoncer à des droits légitimes, mais de faire preuve d’intelligence et de bon sens pour les défendre. La paix, même imparfaite et exigeante en concessions, sera toujours préférable à la perpétuation de la guerre et de la destruction. Dans une conjoncture d’extrême complexité, où des scénarios d’escalade imprévisibles peuvent surgir facilement, le principe élémentaire de précaution nous rappelle que tout ce qui peut mal tourner, finira par mal tourner. Sommes-nous prêts à risquer l’avenir de notre peuple ?

Une troisième voix
Dans ce contexte, la participation du MSP à la prochaine session de la Quatrième Commission de l’ONU constitue un pas significatif. Pour la première fois, une voix sahraouie différente, authentique et constructive pourrait s’élever dans les forums internationaux, capable de défier le monopole des récits intransigeants.
Pendant trop longtemps, les positions rigides ont fermé la porte à l’entente, confisqué le débat et perpétué le statu quo. Tant l’indépendantisme exacerbé que le nationalisme étatique inflexible se révèlent stériles et incompatibles avec la coexistence et le compromis.
Le MSP s’érige en expression d’un nationalisme sahraoui modéré, défendant une « troisième voie » qui privilégie la négociation et l’exploration de toute piste menant à un accord, plutôt que l’action violente. Son postulat est qu’à travers des concessions mutuelles et des garanties internationales, un compromis ou un traité de coexistence avec le Maroc n’est pas seulement atteignable, mais inévitable. Nous adressons nos vœux les plus sincères à M. de Mistura, ainsi qu’un vote de confiance renouvelé de la part du Conseil de sécurité. Mais il doit actualiser son agenda de contacts et inclure d’autres acteurs constructifs susceptibles de contribuer à relancer le processus politique, éviter de nouveaux échecs et — Dieu nous en préserve — un autre revers.
Le moment exige courage et clairvoyance. La voie du dialogue et de la compréhension mutuelle est difficile, mais elle est la seule à même de conduire à une solution réelle et durable d’un problème qui, en plus de son coût humain, perturbe depuis un demi-siècle la stabilité et l’intégration du Maghreb.
L’avenir du Sahara occidental et du nord-ouest africain dépend de la capacité de ses acteurs — et de la communauté internationale — à apprendre des erreurs du passé et à choisir d’écrire une issue différente, loin des pages de douleur qui marquent d’autres conflits interminables. La paix est possible, mais elle requiert de se libérer une fois pour toutes de la malédiction de l’intransigeance.

Hadj Ahmed
Premier Secrétaire du MSP