L'Eveil Hebdo - Dans l’une des ses sorties dont il a le secret, le Ministre des Finances, Moctar Ould Diaye commentant la Loi rectificative des finances 2015, adoptée la semaine dernière par le gouvernement, a déclaré que «l’augmentation de la pression fiscale sur l’importation du riz s’inscrit dans le cadre de la politique gouvernementale visant à soutenir la production locale, et à accélérer le processus d’atteinte de l’objectif de l’autosuffisance dans ce domaine, au moment ou les statistiques avancent un taux de couverture de 75% des besoins».
On ne sait pas si le Ministre a fait preuve d’incompétence ou de mauvaise foi, mais dans les deux cas, il n’a pas dit toute la vérité. En effet, cette nouvelle loi de finances est marquée par la hausse de la taxe sur plusieurs produits à l’importation et pas seulement sur le riz. En tout état de cause, même si le ministre a choisi de se focaliser sur le riz, pour trouver une excuse acceptable à ce qui ressemble plutôt à une recherche de solution pour les énormes difficultés financières de l’Etat, son argumentaire ne tient pas.
Le riz mauritanien ? Pourquoi pas ? Encore faut-il le trouver
En effet, comme le dit un adage bien de chez nous «had cheguer chi, y’dir chi vi bellou» ; grosso modo, si on critique quelque chose, il faudrait bien mettre quelque chose à sa place.
En d’autres termes, on veut bien substituer le riz mauritanien au riz importé, encore faudrait-il que celui-ci soit compétitif ; à commencer par sa commercialisation. Aujourd’hui, des centaines de famille aimeraient bien s’approvisionner en riz mauritanien mais elles ont du mal à le trouver.
Il y a certes des points de ventes ça et là, mais on est loin du circuit de distribution classique qui fait qu’on pourrait le retrouver dans toutes les boutiques. C’est pourquoi on a du mal à croire le ministre des finances quand il dit que la Mauritanie couvre 75% de ses besoins en riz !
L’arnaque des hydrocarbures
Ce «rééquilibrage budgétaire» est aussi marqué par le relèvement des taxes sur les hydrocarbures. Pourtant, d’après des sources journalistiques, l’Etat mauritanien aurait gagné près de 21 Milliards d’UM sur le dos du consommateur mauritanien, depuis la chute du prix du baril de pétrole sur les marchés mondiaux et le maintien du prix du litre de carburant à la pompe !
Une chute du prix du baril de pétrole qui avait permis à plusieurs pays, dont des voisins comme le Sénégal, le Maroc et le Mali, entre autres, de revoir à la baisse le prix de vente du carburant au niveau local. Mais les autorités mauritaniennes, par la voix du président Mohamed Abdel Aziz, ont catégoriquement refusé de suivre la tendance, sous prétexte que l’Etat doit récupérer ses années de subvention du produit, malgré les retombées socioéconomiques qu’une telle mesure aurait eu sur les conditions de vie des consommateurs.
Une position réitérée par le ministre des finances lors de son point de presse qui nous a servi une rhétorique en service depuis le régime de Maouya Ould Sid’Ahmed Taya, à savoir que «tout va bien sous les cieux de notre République Islamique bénie», qui apparaît comme l’un des rares États au monde ne faisant face à aucune difficulté.
Les ménages à bout de souffle
En tout état de cause, ces nouvelles mesures ne manqueront pas d’exercer une pression supplémentaire sur des ménages déjà à bout de souffle. A peine sorties du ramadan et de l’Aid El Fitr, les familles songent déjà à la prochaine étape, en l’occurrence l’Aid El Kébir et surtout la prochaine rentrée scolaire qui se prépare dès maintenant.
Ces décisions font donc que la majorité des citoyens, notamment les chefs de ménage, sont de plus en plus inquiets du fait de la précarité accrue de leur situation financière. Les nombreuses dépenses qui les attendent durant cette période de l’année réputée par l’accumulation des besoins, accroissent leurs soucis quant à la nécessité de satisfaire aux attentes de leurs familles.
Conscients de ces difficultés, les consommateurs mauritaniens sont nombreux à revoir aujourd’hui leurs consommations à la baisse. D’autant qu’ils ont l’impression d’être laissés à eux-mêmes et que nul n’est en mesure d’atténuer les angoisses qui les tenaillent en cette période difficile tant sur le plan économique que social.
La dégradation accélérée du pouvoir d’achat des mauritaniens qui n’arrivent plus, sinon difficilement, à satisfaire les besoins les plus élémentaires pour une vie paisible et décente, dans un pays qui regorge de fabuleuses ressources naturelles, ne cesse d’inquiéter.
Les conditions de vie sont telles que les ménages ne peuvent même plus satisfaire le minimum. Du fait surtout que le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) fixé à 30 000 UM, dont le relèvement se fait toujours attendre, est loin de répondre aux attentes des travailleurs de basses catégories.
Avec ces maigres revenus, les travailleurs et, par extension, les ménages, sont confrontés à la cherté du coût de la vie. Outre la dégradation du pouvoir d’achat, les ménages mauritaniens sont exposés, également, à une montée vertigineuse des prix. Actuellement, sur les différents marchés de la capitale, les prix de tous les produits connaissent une forte hausse et certains imputent cela à l’importation d’une grande partie de ces produits.
La Flambée des prix, remarquée ces derniers jours, touchant certains produits alimentaires, notamment les fruits, les légumes et la viande, illustre le malaise profond des ménages. Devant cette situation, on ne peut que constater le fossé de plus en plus grandissant entre les discours et la réalité sur le terrain.
Sikhousso