Adrar-Info - La page n’est pas blanche, mais les mots sont incolores. Ils sont diffus comme leur ombre qui plane, errant un peu dans tous les sens. Ils s’émeuvent en désordre, se rejoignent et se dispersent anarchiquement, se bousculant machinalement dans ma tête confuse. Ne trouvant pas de voie de sortie, ils ne s’affichent point clairement.
Leur mutisme est pesant pour la plume qui reste bouche cousue, peinant à cracher son encre. Pas agréable pour elle, cette sensation d’enfermement, d’incapacité de coucher des mots. - « Quelle solitude anxieuse, devait-elle vivre parfois ! », me dis-je.
Elle a certainement le sentiment par moment que je lui tourne effectivement le dos. Ce n’est pas du tout le cas. Certes, jouer à sa compagnie m’amuse souvent. Mais il est vrai également que je ne suis pas toujours bon joueur.
Cependant, ma piètre régularité aux rendez-vous avec l’inspiration, la plume la comprend très bien ; et elle ne s’en offusque pas outre mesure. Elle sait faire la différence entre ceux qu’elle épouse totalement et les autres, entre ceux qui écrivent et ceux qui s’amusent, entre les vrais passionnés et les simples amateurs.
Reconnaissant, je lui réponds :
- « Merci pour ton indulgence, plume. Elle m’a rarement fait défaut, même quand j’en abuse ».
Comme à son habitude, sa réaction était calme et humble : elle a continué tout doucement son mouvement, s’éloignant progressivement, emportée dans un beau nuage de silence lumineux.
Ô ! Si je pouvais m’y accrocher pour de bon, l’accompagner une fois pour toutes ! Je ne souhaite en effet qu’une chose : voyager loin, toujours plus loin, indéfiniment entouré de ce magnifique halo d’étoiles, de rêves, dans lequel baignent écrivains et artistes !