RFI - Lomé accueille aujourd’hui et demain un sommet autour de la lutte contre le trafic des médicaments falsifiés et de qualité inférieure en Afrique. Si le premier impact négatif de ce trafic touche la santé publique, le second touche les économies des différents pays touchés par le phénomène.
C’est un trafic qui se nourrit de la faiblesse des systèmes de santé et de la pauvreté des acheteurs. Les faussaires chinois et indiens sont les plus gros fournisseurs de médicaments falsifiés, mais des Nigérians inondent aussi désormais le marché local et régional.
Falsifiés et de moindres qualités curatives et préventives, le prix des faux médicaments atteint rarement la moitié de celui des médicaments vendus sur le marché légal.
« Le Béninois malade préfère aller dans ces marchés [parallèles], parce que c’est moins cher, que d’aller dans les pharmacies. C’est un danger pour la santé publique, mais le villageois ne voit pas ce danger », déplore le colonel Théophile Soussia, ancien directeur des douanes du Bénin.
Un marché physique qui gangrène l’Afrique
Le trafic des médicaments est mondial et le commerce en ligne l’a amplifié dans les pays développés où il était moins important il y a quelques années. Pour le marché physique, les pays africains sont les plus affectés par ce phénomène.
« Ce trafic des faux médicaments représente plus de 200 milliards de dollars en termes de revenus pour les trafiquants au niveau mondial et au niveau de l’Afrique, il n’y a pas d’étude précise qui a été menée. Aujourd’hui, nous n’avons que des estimations », déclare le docteur Innocent Kpeto, président du Conseil de l’ordre national des pharmaciens du Togo.
Environ 500 000 morts par imputées aux faux médicaments
Le préjudice pour les pays africains est immense avec des gens mal soignés. La mortalité liée aux faux médicaments est de plusieurs centaines de milliers de personnes (environ 500 000, soit 80 % de la mortalité globale dans le monde) par an.
« Il y a les dépenses de l’État pour la prise en charge des malades qui augmentent ; il y a aussi la productivité qui diminue, parce que le taux de malades dans la population augmente. Donc, qui dit baisse de la productivité dit baisse du taux de croissance [de l’économie] », explique le docteur Oumar Toé, secrétaire de l’Union des pharmaciens privés de Côte d’Ivoire.
Un marché de 50 milliards de francs CFA en Côte d’Ivoire
Sur les 200 milliards de francs CFA générés annuellement par le marché des médicaments en Côte d’Ivoire, les faux médicaments représentent 50 milliards de francs CFA, soit le quart du chiffre global. C’est une importante perte pour les pharmaciens et pour l’État, qui voit 10 milliards de francs CFA lui échapper. Un trafic qui touche aussi parfois le circuit légal des médicaments.
« Les médicaments du circuit légal ne sont pas faux, mais il y a des petits malins dans le circuit légal qui vont s’approvisionner auprès des vendeurs des médicaments illicites, pour les introduire dans le circuit légal », prévient docteur Oumar Toé.
Au-delà des moyens humains et financiers nécessaires pour la lutte contre les faux médicaments en Afrique. Il faudrait aussi des moyens matériels, par exemple des incinérateurs, insiste le docteur Oumar Toé. Les faux médicaments saisis ces trois dernières années en Côte d’Ivoire (plus de 1 000 tonnes) ont été brûlés en plein air.
Par Stanislas Ndayishimiye