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Les participants se sont engagés à mettre fin aux «interférences» étrangères dans ce conflit.
Le président russe, Vladimir Poutine, et la chancelière allemande, Angela Merkel, lors de discussions avec d’autres participants au sommet sur la Libye, dimanche à Berlin. SPUTNIK/VIA REUTERS
Berlin
La paix ou un fiasco… Lors de l’ouverture de la conférence de Berlin sur la Libye, dimanche à 14 h 30, l’issue des négociations semblait des plus incertaines. Au terme de la réunion, Angela Merkel a voulu saluer «une nouvelle impulsion». Les participants, a-t-elle indiqué, sont tombés d’accord pour réclamer «un cessez-le-feu permanent» et renforcer l’embargo sur les armes. Selon le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, ils ont promis de renoncer à toute «interférence» étrangère dans le conflit.«Tous les participants souhaitent une solution politique au conflit», a conclu la chancelière. Mais le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a souligné qu’«il n’y a toujours pas de dialogue sérieux entre les belligérants».
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Plus tôt dans la journée, onze chefs d’État et de gouvernement ainsi que les représentants de quatre institutions internationales dont l’ONU et l’Union européenne, avaient pris place autour de l’immense table ronde en bois clair de la chancellerie. Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan, directement impliqués dans le conflit, sont venus à Berlin, de même qu’Emmanuel Macron, Boris Johnson et Giuseppe Conte. Les États-Unis sont représentés par Mike Pompeo. Seuls les belligérants manquaient autour de la table.
Le général Haftar, dont les troupes contrôlent 80 % du pays, et le chef du Gouvernement d’union nationale (GNA), Fayez al-Sarraj, reconnu par la communauté internationale, ne se sont pas croisés à Berlin. C’est par Angela Merkel qu’ils ont été informés du résultat des discussions qui se sont tenues à la chancellerie. Angela Merkel et son ministre des Affaires étrangères, Heiko Maas (SPD), ont rencontré les belligérants dans la matinée déjà et séparément. Emmanuel Macron et la plupart des participants n’étaient pas même arrivés à Berlin. Vladimir Poutine, soutien de Haftar, s’entretenait en parallèle avec Recep Tayyip Erdogan, soutien du GNA. Le sort de la conférence s’est en partie joué en amont entre les quatre hommes clés du conflit.
Pendant tout l’après-midi et une partie de la soirée, Angela Merkel et ses hôtes ont débattu les 55 points du communiqué final. Le projet de texte prévoyait de réclamer l’arrêt total et durable de toutes les hostilités, alors que le conflit a fait plus de 2000 morts et 146.000 déplacés. Il demandait la dissolution des milices, la fin des opérations aériennes, la démilitarisation et le retour dans les casernes des armes et des soldats, ainsi que la fin des mobilisations militaires directes et indirectes. Le point 28 évoquait «une répartition transparente, responsable et équitable de la richesse publique et des ressources» du pays. Ce dernier point est, de l’avis des spécialistes, décisif. «L’économie libyenne repose entièrement sur le principe de l’arrosoir pour répartir les richesses ou les emplois, comme du temps de Kadhafi, explique Mirco Keilberth, spécialiste de la Libye et auteur de la revue Zenith. Il n’y aura pas de paix durable tant qu’on ne réussira pas à instaurer un système de répartition des richesses tirées du pétrole plus juste pour les populations.»
Tout l’enjeu de la conférence était de savoir si le général Haftar signerait ou non à Berlin le cessez-le-feu qu’il a refusé d’endosser la semaine dernière à Moscou, dans un contexte de trêve fragile sur le terrain.
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Selon Mirco Keilberth, des tirs sporadiques ont lieu chaque nuit dans certaines parties du pays. La seconde question est de savoir si le général tiendra ses engagements en cas de signature. Le cessez-le-feu est considéré par les participants comme le préalable indispensable à l’éventuel envoi de troupes internationales de maintien de la paix, une option qui semble s’être concrétisée au cours de la rencontre de Berlin. L’hypothèse d’une présence internationale en Libye, relancée samedi par Fayez al-Sarraj, a fait son chemin chez les délégations en présence. Soutenue par le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, une telle mission devrait être placée selon lui «sous l’égide de l’ONU». L’Union européenne, l’Union africaine et la Ligue arabe pourraient participer à une telle force, dont le principe est soutenu par les Allemands, les Britanniques et les Italiens. «S’il y avait un cessez-le-feu, nous pourrions évidemment faire ce que nous faisons très bien, c’est-à-dire envoyer des gens, des experts pour surveiller ce cessez-le-feu», a estimé le premier ministre britannique, Boris Johnson, à son arrivée à Berlin.
Le président français, Emmanuel Macron, s’est de son côté inquiété de l’envoi, à Tripoli, de combattants syriens pro-turcs en soutien au gouvernement local soutenu par l’ONU. «Je dois vous dire la vive inquiétude que m’inspire l’arrivée de combattants syriens et étrangers dans la ville de Tripoli, il faut que cela cesse.» Ankara est accusé d’avoir dépêché quelques centaines de combattants syriens en soutien à Fayez al-Sarraj.