Boxe: Junior Makabu, un Congolais aux portes de la gloire
Le Congolais Junior Ilunga Makabu, le 24 août 2019 à Tcheliabinsk. Valery Sharifulin\TASS via Getty Images
Texte par : David Kalfa
Junior Ilunga Makabu affronte le Polonais Michal Cieslak le 31 janvier 2020 pour la ceinture WBC des lourds-légers (cruiserweight). Celui qui détient l’équivalent du titre de vice-champion du monde (« Silver ») peut devenir le tout premier congolais sacré au sein d’une des quatre grandes organisations de boxe anglaise (WBA, WBC, WBO, IBF). Ce sera à l’occasion du premier championnat du monde organisé à Kinshasa depuis le combat entre Mohamed Ali et George Foreman en 1974.
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« Je suis très concentré sur ce combat. Souvent, dans mes habitudes, je ne regarde pas mes téléphones durant les cinq jours qui précèdent un combat. » Junior Ilunga Makabu préfère rester dans sa bulle et se tenir le plus possible à l’écart des médias, alors que se profile le plus grand rendez-vous de sa carrière de boxeur professionnel.
Une première historique ?
Le natif de Kananga (centre de la RDC) s’apprête à vivre un moment exceptionnel, ce 31 janvier 2020 à Kinshasa. Il va y disputer le premier Championnat du monde de boxe organisé dans son pays depuis le mythique « Rumble in the jungle » entre Mohamed Ali et George Foreman en 1974. Surtout, à la clé, il y a une ceinture de champion du monde au sein d’une des quatre grandes fédérations de boxe (WBA, WBC, WBO, IBF) qu’aucun Congolais de Kinshasa, représentant la RDC, n’a jamais gagné.
Certes, certains « Léopards » ont déjà été sacrés, comme Doudou Ngumbu ou Sumbu Kalambay. Mais le premier était devenu roi (des mi-lourds) au sein d’une fédération dite « mineure » (WBF) en 2011. Quant au deuxième, originaire de Lubumbashi, il défendait les couleurs italiennes lorsqu’il est devenu le patron des poids moyens au sein de la WBA en 1987. Junior Ilunga Makabu, 26 victoires (dont 24 par KO) et 2 défaites chez les pros, est donc bel et bien aux portes de la légende.
Un titre vacant
Pour l’heure, il détient déjà la ceinture de champion du monde silver, l’équivalent du titre de vice-champion au sein du WBC. Un statut acquis le 16 juin 2019 à Ekaterinbourg face au Russe Dimitry Kudryashov (victoire par arrêt de l’arbitre au 5e round) et qu’il a défendu avec succès face à un autre Russe, Alexei Papin, le 24 août 2019 à Tcheliabinsk (victoire par décision des juges). Des succès qui lui ont d’ailleurs valu l’honneur d’une audience auprès du président de RDC, Félix Tshisekedi.
Le 24 août 2019, le Congolais Junior Ilunga Makabu a conservé sa ceinture silver de patron des poids lourds-légers du WBC, face au Russe Alexei Papin. Valery Sharifulin\TASS via Getty Images
Cette fois, c’est bel et bien pour le titre incontesté que Junior Ilunga Makabu va monter sur le ring. En 2019, Oleksandr Usyk, champion olympique 2012, a abandonné ses quatre titres (WBA, WBC, WBO, IBF) chez les cruiserweight, après leur unification. L’Ukrainien a décidé de passer dans la catégorie de poids supérieure. La place est alors devenue vacante. Le World Boxing Council pouvait donc organiser un combat entre le prétendant numéro un, Makabu, et le redoutable polonais Krzysztof Głowacki, champion du monde WBO en 2015. Ce dernier étant indisponible, c’est son compatriote Michal Cieslak qui s’y colle.
Une deuxième tentative
Combattre à Kinshasa ne l’emballe pas, comme il l’a confié au magazine Ring. « Le combat est au Congo, donc je dois aller gagner au Congo, lance celui qui présente un bilan de 19 victoires. Mais je ne veux pas me plaindre par rapport à des choses que je ne peux pas changer ». Michal Cieslak fait notamment référence au fait que le duel ait été repoussé deux fois. Initialement prévu le 18 janvier, il a été reporté au 25 puis au 31 janvier.
L'affiche du combat entre Junior Ilunga MaKabu et Michal Cieslak. WBC
Junior Ilunga Makabu, lui aussi, sait en tout cas ce que cela fait de se battre à « l’extérieur » lors d’un « title shot ». Le 29 mai 2016 à Liverpool, il avait déjà eu le droit à une première chance. C’était face au Britannique Tony Bellew. Mais, devant 15.000 spectateurs, massés dans le stade du club de football d’Everton, il avait craqué au 3e round. C’est le seul revers du Congolais, si l’on excepte un échec dès sa première sortie chez les pros, face au Sud-Africain Khayeni Hlungwane, en juin 2008.
La perte de son coach
Cet échec de 2016, Junior Ilunga Makabu a dû le digérer pour rebondir. Et ça n’a pas été simple. Car celui qui est né dans la même ville que le légendaire footballeur Pierre Ndaye Mulamba a vécu un drame l’année suivante. Une semaine avant sa rentrée (face au Sud-Africain Chamunorwa Gonorenda), il a perdu son entraîneur, la référence continentale Nick Durandt, décédé suite à un accident de moto. Junior Ilunga Makabu a surmonté l’épreuve et s’entraîne désormais avec le fils de Nick Durandt, Damien Durandt.
Pour réaliser son rêve et celui de son ex-mentor, le Congolais a décidé de travailler avec des pointures du milieu. Ces dernières années, il est par exemple allé se préparer dans une structure appartenant à la légende américaine Floyd Mayweather. Il a également signé en septembre un contrat avec le fameux promoteur Don King.
Junior Makabu avec l'Américain Floyd Mayweather, en 2016.
La boxe, une histoire de famille
Tout semble désormais en place pour que Makabu consacre un destin familial. Son père, Makabu Foreman, a été champion de RDC. Et son frère, Martin Bakole Ilunga, est une référence chez les lourds. « Mon père et le reste de la famille, tout le monde était boxeur, racontait Junior Ilunga au magazine Ring, en 2014. J’ai commencé ce sport à l’âge de 9 ans et ai appris autant que je le pouvais. Au milieu des années 2000, j’ai entendu dire que la boxe était une discipline prospère en Afrique du Sud. J’y suis donc allé en 2006 pour rejoindre l’équipe de Nick Durandt. C’était un bon choix ».
Treize ans plus tard, le « Léopard » est de retour au Congo. Désormais, seul un éventuel problème d’organisation du combat face à Michal Cieslak pourrait empêcher la tenue de ce choc tant attendu. Don King avait notamment réclamé son annulation. Mais Mauricio Sulaiman, le puissant patron du World Boxing Council, a assuré que tout était rentré dans l’ordre et que le match aurait bien lieu… L’association basée à Mexico y tient fermement : Junior Ilunga Makabu est devenue une valeur sûre. Il fait d’ailleurs partie des nommés pour le titre de révélation de l’année chez le WBC.