Le360 Afrique - La Mauritanie est rattrapée par le vieux débat d’une arabisation forcée et au rabais qui a historiquement nourri l’antagonisme entre les nationalismes, débouchant sur de graves dérives et l'exclusion des communautés négro-mauritaniennes, plutôt francophones.
Le président de l’Assemblée nationale, Cheikh ould Baya, colonel à la retraite, proche de l’ancien président, Mohamed ould Abdel Aziz, interdit désormais aux députés mauritaniens, de s’exprimer en français au cours des séances plénières de l’institution. La mesure a ét notifiée aux élus ce vendredi 31 janvier.
Du coup, les seules langues admises au sein de l’auguste hémicycle sont désormai l’arabe, le hassania (qui en est dérivé), le peul, le soninké et le wolof.
La constitution mauritanienne consacre l’arabe comme langue officielle de la République. Le hassania, le peul, le soninké et le wolof, absents du système éducatif, sont élevées au rang de langues nationales.
Zappé par la loi fondamentale, le français, héritage de la colonisation, est présent dans l’enseignement, une bonne partie de l’administration et dans la vie politique et le monde des affaires. Mieux, il sert d’ouverture vers l’Afrique de l’Ouest, voire le Maghreb et bien sûr le monde.
Première conséquence de la nouvelle orientation parlementaire, vendredi, le président Cheikh Baya, a refusé la parole à Coumba Dada Kane, députée de la coalition Sawab/RAG, qui voulait s’exprimer dans la langue de Molière, estimant «qu’un discours en français à l’Assemblée nationale de Mauritanie n’a pas de sens».
L’annonce de cette nouvelle est à l’origine d’un torrent de réactions dans la presse en ligne et sur les réseaux sociaux.
Un concert de dénonciation contre une démarche relevant d’un vulgaire populisme, véritable ennemi de toute forme rationnelle de gestion de l’Etat et des institutions.
Ainsi, Samba Thiam, leader des Forces progressistes pour le changement (FPC), fustige «le caractère léger, dilatoire et malsain, d’une mesure dont l’ambition inavouée est de perpétuer le même système qui opprime, depuis des décennies, les négro-africains de Mauritanie.
Une décision prise sans étude préalable, ni transition. Le français éjecté de l’hémicycle, remplacé par l’Arabe, le Peul, le Soninké et le Wolof, qui seraient traduits uniquement vers l'arabe, et inversement, au mépris de la connexion et de l’identité culturelle commune des populations négro-africaines, comme pour briser tous liens entre elles».
Pour sa part, le Pr Lô Gourmo Abdoul, vice-président de l’Union des Forces de Progrès (UFP-opposition), perçoit à travers la mesure «une volonté délibérée d’effacer les négro-africains du paysage politique et des autres activités de la vie du pays. Cela est cohérent avec le vieux projet chauvin, d’uniformisation ethnolinguiste du pays » par l’imposition d’une langue ».
Interpellant directement le président de l’assemblée nationale, le Pr Lö enfonce le clou «votre majorité mécanique» vous permet de poser immédiatement les jalons d’une réforme nécessaire, visant à officialiser les langues négro-africaines. Un défi dont l’objectif est de montrer que la nouvelle initiative ne vise nullement la promotion des langues négro-africaines.
Par ailleurs, de nombreux internautes dénoncent «l’attitude incohérente» de ces élites aux moyens immenses, qui envoient leur progéniture à l’école française pour échapper à la catastrophe d’un système éducatif détruit par une arabisation populiste et au rabais.
Par notre correspondant à Nouakchott
Cheikh Sidya