Mondafrique - La Mauritanie a connu une alternance en douceur, l’été dernier, lorsque l’ancien chef d’état major, Mohamed El-Ghazouani, a succédé à l’ancien président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz.
Le marabout galonné, Mohamed Ould Cheikh El-Ghazouani, a succédé à un impétueux militaire, Mohamed Ould Abdel Aziz, vite tombé dans les turpitudes politiques d’un autocrate. Même si les deux généraux étaient des frères d’armes et des « amis de trente ans », leur origine tribale et familiale, leur éducation et leur vision de la Mauritanie au sein du Maghreb et de son environnement ouest-africain les séparent chaque jour davantage. Des débuts prometteurs.
On pourrait croire que Mohamed Ould Cheikh El-Ghazouani est en fonction depuis bien longtemps. Pourtant, il n’exerce le pouvoir que depuis le 1er août 2019. En un peu plus de six mois, peu de chef d’État peuvent afficher un bilan aussi appréciable, tant au niveau interne qu’à l’international.
A la suite de son élection de juin 2019, de nombreux observateurs portaient des jugements qu’ils croyaient définitifs à son sujet. Ici et là, on évoquait le bicéphalisme interchangeable Poutine-Medvedev, voire un simple intérimaire. Comme souvent les observateurs de la Mauritanie ne voient que l’écume des vagues.
Une autre gouvernance
Au plan interne, le changement avec la décennie de l’ancien président Mohamed ould Abdel Aziz est éloquent. La gabegie, la prévarication, les marchés publics ne respectant pas les règles élémentaires, la corruption institutionnalisée, le népotisme aussi installé que celui de l’Angolais Eduardo dos Santos n’apparaissent plus aujourd’hui comme les marques de la nouvelle gouvernance.
La lutte contre ces pratiques contraires à l’intérêt général, dévitalisant dangereusement l’État voire mettant à mal une unité nationale, déjà fragile, est entreprise avec le concours des organes de contrôle, remis en selle, et d’une justice qui a cessé de ne connaître que les opposants au régime en place.
Tout naturellement, les malfaiteurs, les prédateurs, les courtisans affairistes, les politiciens corrompus et les dirigeants d’entreprises publiques redevables envers leurs parents commencent à fréquenter les palais de justice ou à être purement écartés de leurs fonctions.
Lorsqu’il s’agit de rétablir l’État de droit et de restaurer la primauté de l’intérêt général, on ne peut évoquer une quelconque « chasse aux sorcières ».
La rupture avec le passé
Sur le plan politique, la rupture entre le nouveau président et son prédécesseur est consommée. La commémoration de la fête nationale du 28 novembre 2019 a été l’événement symptomatique de cette rupture.
Comme de nombreux observateurs, l’ancien président s’est lourdement trompé sur la personnalité de son ancien ministre de la Défense et surtout chef d’état-major des Armées durant près de 10 ans. Mohamed Ould Cheikh El-Ghazouani a été loyal durant cette décennie. Il ne comprend probablement pas que l’on ne puisse ne pas l’être avec un chef d’État élu démocratiquement.
Même si les leaders de l’opposition conservent heureusement toute leur pugnacité, ils reconnaissent aussi que la concertation renaît et que les institutions reprennent une certaine vigueur, comme en atteste l’ installation officielle de Messaoud Ould Boulkheir à la présidence du conseil économique, social et environnemental. Le premier administrateur civil haratin, sorti de l’ENA en1979, attendait ce jour depuis 6 ans.
Conflits régionaux, un nouveau sage
Certes, Mohamed Ould Abdel Aziz ne fut pas inactif sur la scène internationale. Proche des dirigeants actuels de l’Union africaine, il a accueilli le 31 ème Sommet des chefs dEtat de l’Union africaine en juillet 2018 ainsi que celui de la Ligue arabe en juillet 2016.
Ces sommets ne furent pas des succès, surtout en raison des positions prises par Mohamed Ould Abdel Aziz, notamment sur la RASD et sur les conflits au Proche et Moyen-Orient.
Dans l’affaire du Sahara occidental, le nouveau chef de l’État mauritanien a engagé son pays dans une position beaucoup plus équidistante entre l’Algérie et le Maroc.
Ce recentrage pourrait apparaître comme pro-marocain, alors que précédemment la RASD avait toutes les faveurs de Mohamed Ould Abdel Aziz. Ce recentrage est piloté par le même ministre des affaires étrangères qui est l’un des purs produits de cette diplomatie mauritanienne, très appréciée par l’ONU et l’Union africaine.
Avec ces diplomates de qualité, le président Mohamed Ould Cheikh El-Ghazouani peut s’impliquer dans la recherche de solutions dans des conflits régionaux.
Un rôle clé pour le G5
Membre du G5 pour le Sahel, le président mauritanien s ‘est rendu, le 13 janvier 2020, à Pau pour un sommet réclamé par Emmanuel Macron. Ayant été chef d’état-major des Armées durant de longues année, puis ministre de la Défense, aucun autre chef d’Etat du G5 n’a son expertise pour ces théâtres de guerre hybride, mélangeant conflits ethniques ancestraux revitalisés par les trafics en tout genre et les divers mouvements, plus ou moins concurrents mais coalisés contre des Etats faillis, se réclamant du djihadisme.
Avec son ministre de la défense, Hanana Ould Sidi, originaire de la région frontalière avec le Mali et surtout ancien chef de la Force du G5, le président mauritanien devrait être désormais très écouté.
Le prochain sommet du G5 Sahel se tiendra à Nouakchott, le 25 février 2020, pour introniser Mohamed Ould Cheikh El-Ghazouani à sa tête. Le ministre français Jean-Yves Le Drian devrait faire le déplacement pour la circonstance, mais aussi en signe de reconnaissance, réparant ainsi l’absence d’un membre du gouvernement français à son investiture.
Le conflit libyen n’est pas très éloigné de la Mauritanie et certaines conséquences y sont aussi constatées. Invité par le président Denis Sassou Nguesso, médiateur du conflit libyen pour l’Union africaine, Mohamed Ould Cheikh El-Ghazouani a participé au Sommet de Brazzaville du 30 janvier 2020.
Nul doute que son profil tranchait avec ceux des diplomates chevronnés qui passent d’une crise à une autre avec toujours les mêmes remèdes, indifférenciés selon les crises. Le président mauritanien est appelé à jouer un rôle important dans cette tentative de paix, menée par l’Union africaine.
Les 2 et 3 février 2020, le président mauritanien s’est rendu aux Emirats Arabes Unis (EAU) pour conforter les excellentes relations avec cette confédération qui investit beaucoup en Mauritanie.
Alliée de la coalition menée par l’Arabie Seoudite et les EAU au Yemen, la Mauritanie vient d’en tirer les dividendes avec une aide financière de 2 milliards de dollars. Jamais le pays n’avait reçu une telle aide d’un pays du Golfe.
Le très important programme d’investissement de Mohamed Ould Cheikh El- Ghazouani vient de trouver son financement et le G5 Sahel pourrait également trouver prochainement son compte.
Par La rédaction de Mondafrique