Des bouquets de fleurs en hommage à Li Wenliang devant l'Hôpital central de Wuhan,
le 7 février 2020. STR / AFP
La mort du docteur Li Wenliang, un jeune médecin victime du coronavirus, a été confirmée ce vendredi 7 février par l'hôpital central de Wuhan. Elle a suscité une tempête de réactions en Chine. Arrêté, puis réhabilité, il a été parmi les premiers à révéler l’existence d’une épidémie de pneumonie virale sur le marché aux fruits de mer de Wuhan, fin décembre.Avec notre correspondant à Pékin, Stéphane Lagarde
« N’oublions jamais Docteur Li, ce médecin qui a parlé d’une maladie appelée "rumeur" », ou encore les hashtags « Nous voulons la liberté d’expression »... Jamais peut-être les réseaux sociaux n’avaient été aussi peu harmonieux, et en tous cas aussi peu « harmonisés » en Chine. Les censeursont été littéralement débordés par la colère des internautes.
Li Wenliang, one of the doctors who raised alarm on the coronavirus: 'I think there should be more than one voice in a healthy society[.]'
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Les autorités locales n’ont toujours pas formulé d’excuses ce vendredi, préférant en rester aux « condoléances » adressées à ses proches. Les parents du docteur Li Wenliang, également infectés par le virus, sont toujours à l’hôpital mais son épouse a pu sortir.
Le jeune médecin affirmait vouloir reprendre son poste à l’hôpital une fois guéri, en première ligne face à la maladie. Il avait également défendu la nécessaire liberté d’expression dans une bataille de cette ampleur : « Dans une société en bonne santé, il ne peut y avoir qu’une seule voix », confiait-il aux journalistes du magazine d’investigation Caixin il y a quelques jours. Le dessin de son visage, qui a envahi les réseaux sociaux cette nuit, porte un masque de chirurgien devenu bâillon.
Itinéraire du lanceur d'alerte :
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30 décembre : En fin d’après-midi, Li Wenliang poste un message sur WeChat à l’attention de ses camarades médecins pour les prévenir que sept patients sont en quarantaine à l’hôpital. Les malades ont été infectés, écrit-il, par un coronavirus ressemblant au Sras (Syndrome respiratoire aigu sévère) sur le marché aux fruits de mer de Wuhan. Sept autres médecins partagent alors l’information, et sont convoqués par la police avec le docteur.
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1er janvier : Les huit lanceurs d’alertes sont accusés d’avoir propagé des rumeurs. Ils doivent s’engager par écrit à ne plus recommencer. « Nous vous avertissons solennellement que si vous continuez, vous serez punis par la loi », stipule le document montré par le médecin sur son lit d’hôpital. La télévision centrale de Chine évoque l’arrestation de personnes accusées de « partager de fausses informations » à Wuhan.
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7 janvier : Li Wenliang accorde une interview au magazine d’investigation Caixin : « Une société en bonne santé ne devrait pas avoir une seule voix ».
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11 janvier : Le médecin tousse, il est fiévreux et hospitalisé le lendemain : « À ce moment j’étais confus,explique-t-il, car le gouvernement continuait de répéter qu’il n’y avait pas de transmission interhumaine et qu’aucun membre du corps médical n’avait été contaminé ».
- 28 janvier : La Cour suprême de justice à Pékin estime que le peuple aurait été mieux défendu face à l’épidémie si la « rumeur » propagée par le docteur Li Wenliang avait été prise au sérieux. Le lendemain, le gouvernement de Wuhan tente de se dédouaner en affirmant que les huit lanceurs d’alerte n’ont pas été arrêtés mais simplement « repris » pour avoir fait une erreur en employant le terme « Sras ». Ces excuses, qui n’en sont pas, déclenchent une avalanche de critiques sur les réseaux sociaux.
- 7 février: L’hôpital central de Wuhan annonce le décès de Li Wenliang. Le médecin a été testé positif au coronavirus depuis déjà six jours. Le docteur Li « a malheureusement été infecté dans la lutte contre la nouvelle épidémie de pneumonie à coronavirus, et tous les efforts pour le sauver ont échoué, dit le communiqué publié sur le compte Weibo de l’hôpital. Nous exprimons nos profonds regrets et nos condoléances »