InfoMigrants - En un an, les arrivées de migrants sur les îles espagnoles des Canaries ont été multipliées par 18, selon le ministère de l'Intérieur espagnol. Pour atteindre l'archipel européen, les migrants contournent le Maroc en transitant par la Mauritanie, un pays vers lequel ils prennent le risque d'être renvoyés.
Les arrivées de migrants clandestins aux îles Canaries ont été multipliées par 18 depuis un an, d’après les autorités espagnoles. En cherchant à aller aux Canaries, les migrants contournent le Maroc, où les contrôles aux frontières ont été renforcés, et passent par la Mauritanie, un pays vers lequel de nombreux migrants, sont renvoyés.
Situées dans l’océan Atlantique, près des côtes marocaines, les îles espagnoles des Canaries ont enregistré l'arrivée de 708 migrants en janvier contre 40 lors de ce même mois, l’année précédente, peut-on lire dans un rapport du ministère de l’Intérieur espagnol, publié en ligne mardi.
Cette hausse des arrivées aux Canaries s’explique notamment par le durcissement des contrôles aux frontières marocaines. Les migrants - venus du Maghreb mais aussi du Mali, de Côte d’Ivoire, du Sénégal, de Mauritanie ou encore de Gambie - contournent ainsi le Maroc, en suivant “la route des Canaries”, une voie très empruntée à la fin des années 2000.
"Nous assistons à la réactivation de cette route en raison de l’intensification des patrouilles sur les autres axes empruntés par les migrants sur le continent africain", explique à InfoMigrants, Nieves Alonso, coordinatrice en charge du rétablissement des liens familiaux entre migrants auprès de la Croix Rouge espagnole. Selon elle, des arrivées quasi-quotidiennes sont observées depuis l’été dernier. "Nous voyons surtout de plus en plus de Marocains."
La plupart des arrivants viennent du Maghreb mais aussi du Mali, de Côte d’Ivoire, du Sénégal, de Mauritanie ou encore de Gambie. Contournant le Maroc, nombre d’entre eux passent par la Mauritanie.
Au Maroc, une surveillance accrue des frontières
Malgré nombre d'obstacles, les migrants continuent d'emprunter "la route des Canaries", provoquant une baisse des arrivées sur la péninsule espagnole. Au total, le nombre d’arrivées de migrants par voie maritime, en Espagne, a chuté de 54,5%, passant de 57 498 à 26 168 en 2019, d’après les chiffres du ministère de l’Intérieur espagnol.
Ce changement de route illustre les difficultés auxquelles les migrants africains, qui passent par le Maroc pour rejoindre l’Espagne, sont confrontés. L’an dernier, le Maroc a par exemple bloqué le départ d’embarcations de fortune depuis ses côtes, en particulier au Nord du pays. Le pays a ainsi fait échouer "74 000 tentatives d'immigration irrégulière vers l'Espagne" en 2019, a affirmé à l'AFP, le gouverneur chargé de la migration au ministère marocain de l'Intérieur, Khalid Zerouali.
L’Union européenne et Madrid encouragent financièrement le contrôle des autorités marocaines. En 2019, l’Union européenne a ainsi accordé une enveloppe de 140 millions d’euros au pays.
Joint par Infomigrants, le Service jésuite des migrants (SJM), une association espagnole, avance également d'autres explications au développement de "la route des Canaries". L'organisation cite notamment "le conflit au Mali qui oblige les populations à se déplacer à l'Ouest" et "la fermeture progressive des routes qui relient la Libye et l'Italie et la Grèce et la Turquie".
D'après le SJM, l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) a aussi "commencé à intervenir plus fréquemment dans le contrôle et l'expulsion des migrants en situation irrégulière".
Des rapatriements vers la Mauritanie
Par ailleurs, selon un accord passé en 2003, la Mauritanie s’est engagée à reprendre tous les migrants clandestins qui ont transité par son pays avant d’entrer en Espagne. Depuis juin 2019, plus d’une centaine de migrants venus d’Afrique de l’ouest (Mauritanie, Mali, Sénégal et Côte d'Ivoire) ont ainsi été rapatriés en Mauritanie, indique le Défenseur des droits espagnols, mardi.
"Au cours des huit derniers mois, selon des sources proches du dossier, sept vols de rapatriement vers la Mauritanie sont partis [des Canaries, NDLR], soit presque deux fois plus qu'en 2018", peut-on lire sur le site internet du quotidien espagnol, El Pais. Selon l'agence de presse espagnole Europa Presse, depuis le mois de janvier, deux vols de rapatriement de migrants africains ont eu lieu, le 20 et le 27 janvier. Organisés par Frontex, ces procédures concernent en particulier des Maliens, nombreux à se rendre aux Canaries.
Lors du vol du 27 janvier, le Défenseur des droits espagnol indique que parmi les 42 personnes présentes dans l'avion, une seule possédait la nationalité mauritanienne. 38 d'entre eux étaient Maliens et trois Sénégalais.
Ces retours sont fermement dénoncés par des associations espagnoles, comme l'Association Marocains-Espagne, la Commission espagnole d'aide aux réfugiés (CEAR) et le Service jésuite des migrants (SJM).
Par Tiffany Fillon, pour InfoMigrants