Le Parc National du Diawling : l’importance des Zones Humides en Mauritanie

sam, 29/02/2020 - 02:27

Le Parc National du Diawling : l’importance des Zones Humides en Mauritanie

Horizons - Voir la fantastique parade nuptiale des flamants roses, au petit matin, ou le joli ballet des canards noirs et blancs, glisser sur une eau aux reflets de diamant, avant de s’envoler vers les belles mangroves prisonnières d’un collier de dunes côtières…

Fermer les yeux et respirer à pleins poumons cette brise fraîche vivifiante, tout en savourant un silence infini, ponctué par les seuls cris des flamants ou le cancan des canards… Vivre ce moment privilégié est bien possible, aujourd’hui, en visitant l’estuaire du Parc National du Diawling, situé à 12km du poste de frontière de Diama qui sépare la Mauritanie et le Sénégal.

Une biodiversité exceptionnelle préservée : Chaque hiver, le Parc National du Diwaling offre, grâce à la restauration de ses écosystèmes et de sa biodiversité, un refuge aux centaines de milliers d’oiseaux migrateurs en provenance d’Europe et d’Afrique de l’Ouest, répartis en plus de 250 espèces d’oiseaux d’eau et terrestre, dont 18 sont classées espèces rares et protégées au niveau international.

Les meilleurs postes d’observation de ses oiseaux se trouvent au niveau des ouvrages hydrauliques du bassin de Bell : Bell 1 et Bell 2, véritables régulateurs artificiels de la mise en eau des bassins du Parc, mais, aussi, au niveau du mirador d’observation au bord du bassin Diawling Tichilitt.

Les ouvrages construits par le Parc du Diawling, avec pour fonction de réguler et de contrôler les crues saisonnières, ont favorisé la régénération des écosystèmes fortement dégradés par les effets de la sècheresse des années 1970 et par les impacts de la construction des barrages de Diama et de Manantali sur le fleuve Sénégal.

Les plaines, les dunes côtières et l’estuaire, ainsi régénérés, ont retrouvé une grande partie de leurs fonctions écologiques d’avant barrage, en devenant des sites majeurs de ponte pour les tortues marines, de nidification des oiseaux, mais aussi zones de frayère (reproduction) extrêmement riche pour une centaine d’espèces de poissons.

L’alose, le bar et le mulet viennent ainsi se reproduire dans les eaux rendues saumâtres par les marées avant de repartir en mer, tandis que les crevettes évoluent dans les eaux douces du bassin de Bell avant de redescendre vers le lit du fleuve et son estuaire.

Cité comme un modèle de développement durable, grâce à ses efforts de conservation et de gestion, le Parc National du Diawling a été récompensé par la FAO en 2005 pour son rôle fondamental dans la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté.

Les menaces qui pèsent sur le Parc :

Selon les communautés riveraines du Parc, les mauvaises pratiques d’agriculture et de pêche, surtout chez les nouvelles générations, augmentent la pression sur les ressources déjà fortement dégradées par la surexploitation et la prolifération des plantes invasives, accentuée par la montée des océans. En effet, l’utilisation de pesticides interdits car dangereux, comme le DTT, et l’usage de filets mono-filaments sont des pratiques régulièrement dénoncées par les autorités.

Les gestionnaires du Parc sont fortement inquiets du développement du secteur minier et de celui des hydrocarbures en offshore qui risquent d’avoir un impact très négatif sur la biodiversité, les écosystèmes et déplorent la construction du Port à proximité du Parc sur un important site de ponte des tortues marines et de nidification d’oiseaux rares.

Déjà, les nombreux camions qui traversent la zone protégée du Parc, depuis plus d’une année, et qui transportent les matériaux de construction du Port de N’Diago, ont fortement dégradé la digue principale et détérioré la qualité de vie de la faune et de la flore.

Par ailleurs, les autorités mauritaniennes sont conscientes que le programme d’actions menées au Parc du Diawling, en faveur de la biodiversité, s’est avéré insuffisant, face à l’augmentation des pressions subies, surtout celles liées à l’activité des hommes.

Dans son discours de commémoration de la journée mondiale des Zones Humides, le 03 février dernier, Madame Mariem Bekaye, Ministre de l’environnement et du développement durable, plaidait pour l’amélioration de la prise en compte de la biodiversité dans les politiques publiques et les programmes sectoriels ; et, aussi, pour le renforcement des synergies entre la préservation de la biodiversité, l’adaptation au changement climatique et l’atteinte des objectifs du développement durable.

Un plaidoyer largement partagé par tous les acteurs de la société civile et les partenaires au développement.

Le Défi : réduire l’impact environnemental du Port de Ndiago

Le port du Delta, communément appelé port de Ndiago, en construction, est destiné à remplir plusieurs fonctions dont celle d’un port militaire, d'un port de pêche, d'un atelier de réparation de navires, d'un quai d'accostage commercial de 80 mètres et d'un autre point d'accostage pour la pêche artisanale à l'extérieur du port.

Sa proximité du site offshore d’exploitation du gisement gazier Grand Tortue/Ahmeyim, le prédispose aujourd’hui à devenir le futur grand hub offshore de la sous-région. En effet, le gisement gazier d’une superficie de 33 000 km2 fera l’objet d’une exploitation, estimée à 30 années, pendant laquelle on prévoit la construction d’un brise-lames en haute mer, le forage de 12 puits à 3.000 m de profondeur et l’installation de 110 000 tonnes de pipe pour relier 80 à 100 km de conduites sous-marines. Et l’essentiel des services logistiques lié à ces chantiers serait abrité dans le port de Ndiago.

Cependant, la construction de cette importante infrastructure, sans étude préalable de son impact social et environnemental - à proximité d’une aire marine protégée, d’importance internationale, au cœur de la Réserve de Biosphère Transfrontalière du Delta - suscite de vives inquiétudes dans les milieux de la conservation.

Or, la Mauritanie a développé d’importants outils de planification et de gestion qui ont inspiré toute la côte ouest africaine en matière de législation, de planification et de gestion intégrée du littoral. Parmi ces outils, le Plan d’investissement multisectoriel du littoral mauritanien pour la période 2018 – 2022 (annexe du Plan Directeur d’Aménagement du Littoral), qui recommande comme mesure prioritaire au paragraphe 6.2. C11, l’étude environnementale stratégique du port du Delta.

Une recommandation qui revêt aujourd’hui un caractère d’urgence, pour engager les mesures adéquates d’atténuation des impacts environnementaux négatifs du Port, qui pourraient replonger cette région sensible dans la situation catastrophique qui avait conduit à la création du Parc du Diawling en 1991.

Le saviez-vous ?

Créé en 1991, le Parc National du Diawling (PND) est une aire protégée de 16.000 ha, classée comme site RAMSAR, en 1994, pour l’importance de ses Zones Humides. Il devient, après le Banc d’Arguin en Mauritanie et le Djoudj au Sénégal, troisième site d’importance internationale pour l’accueil des oiseaux migrateurs d’Europe du Nord et d’oiseaux afro-tropicaux.

La région, caractérisée par un climat subsaharien, est soumise aux effets conjugués des crues du fleuve et des marées salines, ce qui explique sa richesse et son potentiel tant agricole qu’halieutique.

L’objectif derrière la création du PND, c’est la restauration, la conservation et l’utilisation durable des ressources naturelles du littoral côtier et des terres inondables de la région du bas Delta, fortement affectées par les effets d’une sècheresse des années 1970 et par les impacts de la construction des barrages de Diama et de Manantali sur le fleuve Sénégal.

Lesquels barrages ont engendré une importante perturbation des écosystèmes avec, notamment, une forte dégradation de la faune et de la flore, la réduction puis la quasi-disparition des oiseaux, la salinisation des plaines et l’endiguement d’une partie du Delta.

Un dysfonctionnement qui s’est également traduit par la disparition des activités traditionnelles de pêche, de cueillette et d’artisanat, conduisant à un exode rural massif des populations vers les grandes villes.

Une richesse inestimable ….

La République Islamique de Mauritanie a adhéré à la Convention Ramsar le 22 février 1983. C’est une convention sur les zones humides d’importance internationale qui prône la conservation et l’utilisation rationnelle des zones humides.

Les zones humides, fortes de leur richesse écologique, contribuent à la lutte contre les inondations, à la recharge des nappes d’eau souterraines et à la régulation du climat. Elles permettent aussi de développer les économies locales et d’améliorer la sécurité alimentaire et le bien-être social des populations grâce à une multitude d’activités liées à la pêche, l’élevage et l’exploitation des produits ligneux et non ligneux.

La préservation de ces milieux humides et leur utilisation durable, constituent donc un enjeu majeur de développement.

Actuellement, 4 sites mauritaniens sont inscrits sur la Liste des zones humides d’importance internationale, soit une superficie totale de 1.240.600 hectares : 1) le Parc National du Banc d’Arguin, 2) le Parc National du Diawling, 3) le Chott Boul, 4) le Lac Ghabbou avec le réseau hydrographique du plateau du Tagant.

La Mauritanie dispose, par ailleurs, d’un littoral qui va de l'embouchure du fleuve Sénégal à la pointe du Cap Blanc de 720 km de long, faisant face à l’Océan Atlantique et d’une Zone Economique Exclusive (ZEE) dont la superficie est d’environ 200 000 km2.

Les récents inventaires faunistiques dénombrent en Mauritanie 703 espèces de poissons (pélagiques, démersales et benthiques), dont 49 figurent sur la liste rouge de l’Union Internationale de Conservation de la Nature (UICN) en danger critique d’extinction. Les inventaires révèlent aussi l’existence de 30 espèces de mammifères marins dont six menacées d’extinction, dont le phoque moine.

Il y a, également, six espèces de tortues marines et 269 espèces d’oiseaux côtiers, séjournant dans les parcs nationaux sur le littoral (Parc National du Banc d’Arguin et du Diawling), ainsi que 47 espèces d’oiseaux du large, localisées au niveau des eaux profondes de la zone du talus.

Par Maimouna SALECK