lemonde.fr A Abidjan, le 9 avril 2020. ISSOUF SANOGO / AFP
La décision est grave. Sur le continent le plus pauvre du monde, fermer une école, même quelques mois, c’est parfois condamner l’avenir des enfants. Alors que le coronavirus oblige les établissements scolaires de plus de 180 pays dans le monde à suspendre leurs activités et à renvoyer chez eux 1,4 milliard d’élèves – dont 600 millions en Afrique –, ce risque pèse lourd. D’autant que les leçons de la crise Ebola en Sierra Leone (2014-2015) résonnent aux oreilles des décideurs comme un avertissement du drame qui peut se jouer en silence.
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Au sortir de cette crise sanitaire, en effet, ce petit Etat d’Afrique de l’Ouest avait enregistré un surcroît de 11 000 grossesses adolescentes. Les analyses sociologiques ont vite montré que les filles, qui ne bénéficiaient plus de la protection de leur statut d’écolière ou d’une vie en internat, ont été renvoyées à la condition séculaire qui échoit aux femmes dans les zones les plus pauvres de la planète. Elles sont redevenues petites ménagères, bonnes ou très jeunes épouses se soumettant à des rôles que seule l’éducation peut remettre durablement en cause.
Même s’ils sont moins souvent victimes que les filles, les garçons aussi courent des risques. Hors de l’école, ils sont plus facilement recrutés dans des groupes armés. Là encore, de précédentes crises l’ont démontré. Et encore aujourd’hui, dans la zone Sahel, les écoles sont les premières cibles des djihadistes. Tout comme au Cameroun anglophone, engagé dans une vraie guerre, même si la communauté internationale répugne à utiliser ce terme.
Reconstruire une routine scolaire
Or la planète scolaire est actuellement à l’arrêt. Ou presque. En Afrique, où l’accès à la scolarisation de masse est plus récent et moins achevé que sur les autres continents, cette situation, même temporaire est plus dangereuse qu’ailleurs. Trop d’enfants risquent de ne pas y revenir. Pas encore assez profondément inscrite dans l’ADN des groupes les plus vulnérables, l’école pourrait n’être plus vraiment une priorité quand il s’agira de survie au sens propre du terme. Car c’est bien l’enjeu qui se profile pour une partie de la zone subsaharienne avec la crise économique déclenchée par le coronavirus.
Pis, comme le remarquait récemment l’Unicef, ces fermetures empêchent non seulement l’accès au savoir, mais elles mettent déjà directement en péril l’équilibre alimentaire des populations puisque de nombreux programmes de nutrition sont justement délivrés aux enfants au sein des écoles.
Pour aider les gouvernements à trouver des solutions de remplacement, une aide financière a été dégagée par le Partenariat mondial pour l’éducation (PME), qui aide les pays en développement à assurer à chaque enfant une éducation de base. Cours en ligne lorsque la connexion le permet, programmes scolaires diffusés à la radio ou sur une chaîne de télévision spécifique, les systèmes scolaires du continent tente de se réinventer comme ils peuvent pour assurer un peu de continuité, et reconstruire une routine scolaire, salvatrice en ces temps de confinement pour les jeunesses africaines. Car il s’agit déjà, en offrant un succédané d’école, d’éviter que le coronavirus n’entame pas plus encore les perspectives de développement des régions les plus fragiles de la planète.
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