Mauritanides 2025 : Protocole de suicide par négligence

jeu, 11/09/2025 - 20:27

« Le plus grand salon international de la région (sic) consacré aux mines, au pétrole et au gaz et aux énergies propres »

En ces termes chargés d’imprudence s’affichait l’ambition de l’évènement, le 7ème du genre, prévu, à Nouakchott, du 8 au 10 septembre 2025. Or, il y a loin de la coupe aux lèvres. Tandis que l’agenda annonçait l’inauguration dès 9h15 mn, le chef de l’Etat arriva, à l’approche de midi. 

A Nouakchott, la capitale, après son ouverture officielle en présence du Président de la République, la manifestation tournait au fiasco. Des invités, non des moindres, ont frôlé l’apoplexie. Enfermés dans une salle de conférence du nouveau Palais des congrès sis à proximité de l’aéroport international Oum Tounsi, ils enduraient, au-delà de deux heures, une pénible privation, en l’occurrence la faculté d’aller aux toilettes, pourtant le plus élémentaire des droits du mammifère. 

Il y avait, là, parmi la foule des victimes, entre autres constitutions délicates, des personnalités d’un âge respectable et quelques malades du diabète. Comble de la goujaterie, plusieurs dames à l’abord pudique et d’une certaine autorité n’échappèrent à l’outrage. Comment en est-on arrivé à tant d’inhabileté ?

Organisée par Spire Event, une société indienne de communication - sans doute d’un coût de service substantiel - la rencontre rassemblait d’éminents convives, dont des industriels, des financiers, des ministres venus de leurs pays respectifs, la quasi-totalité des diplomates accrédités, le gouvernement, le commandement militaire, des parlementaires, des journalistes, des notables de tout poil et, bien entendu, tropiques obligent, une pléthore de prétoriens, armés jusqu’aux dents, comme si le moins clivant des dirigeants de la Mauritanie, courait le risque d’une extermination imminente.  

A peine s’achevaient l’échange d’allocutions, le film documentaire et la succession des panels, que l’illustre parrain se retira, en compagnie du Premier ministre, du ministre de tutelle et d’une poignée de collaborateurs, afin de visiter les stands. Le tour du périmètre, d’ailleurs modeste, n’allait excéder, à peine, dix minutes de trotte au pas de tortue. 

Habituée à l’usage en cours à l’époque de Mohamed Ould Abdel Aziz, l’assistance s’ébroua, à la suite de son successeur, vers la sortie latérale près de l’estrade, pour découvrir la publicité des vendeurs de richesses encore enfouies. La multitude trouva porte close. Se rabattant aux issues de secours, mêmement condamnées, le public, stupéfait, apprit sa prise en otage. Il fallait rester bien sage et attendre une délivrance, cependant exempte de délai. Et, ô miracle en Afrique, une forme de démocratie, certes a minima, fonctionna, l’instant d’une panique équitablement répartie.

A l’exception du président du Conseil constitutionnel qu’une main charitable extirpa de la mêlée, grâce à l’entremise d’un Général quelconque - lui aussi séquestré - le reste des convives mijotait, in situ, partagé de murmures de réprobation en conciliabules anxieux. Un ambassadeur, asservi à l’impérium de la vessie, se mit à devenir mauvais et le fit entendre, en vain. Des organisateurs, eux-mêmes soumis aux rigueurs du cadenas, purent le calmer. Il préféra se défouler sur le clavier de son téléphone, avant de mimer un somme, tête avachie par-dessus le pupitre, les bras ballants de passivité. Il tentait de se faire oublier ou de tromper l’urgence, alternative qui relevait d’une identique bravoure. 

 

La ministre marocaine de la Transition énergétique et du développement durable dut se draper de dignité royale et continuer à donner le change, sourire aux lèvres, avec l’élégance des vieilles cours. Ses trois collègues de l’Alliance des Etats du Sahel (Aes), quoique résignés en apparence, devaient se réjouir, in petto, « il existe donc pire qu’à la maison ». Quant aux autres, le tout-venant des sponsors et des cadres de multinationales intéressées à investir en Mauritanie, ils se regardaient, incrédules, hochaient la tête et arpentaient les allées, prospectant, ici et là, une bribe de rationalité à leur tribulation. Le découragement empreint d’une sourde colère laissait transparaître, chez eux, la résolution de ne jamais revenir.  Pour juguler l’ennui ou le diktat de la prostate, d’aucuns trépignaient et donnaient, parfois, l’impression d’esquisser un entrechat. 

Des groupes se formaient autour des rares bouteilles d’eau, vestiges de la solennité antérieure. A cause de la sensation de l’enfermement, des amis de longue date se regardaient en chiens de faïence, non sans se lancer d’urticantes piques. Des secrets, sertis de ressentiment et de reproche, firent surface, au fil des conversations. Partout, le grief affleurait, sous une poussée de fiel. La patience manquait et l’air vicié d’une climatisation exposée à rude épreuve accélérait la déconfiture des courtoisies. Le miasme montait en puissance. Généralement, l’humain, ainsi confiné, faisande et ce n’est pas toujours la promesse d’un fumet ragoûtant. 

Et puis, enfin, l’on entendit poindre la rumeur du soulagement, lorsque l'huisserie de l’émancipation grinça. Il y eut précipitation et bousculade, en direction des latrines où se formait un rang d’une longueur soviétique. Les dames passèrent, d’emblée, suivies des rescapés septuagénaires, tandis qu’une volée de plus jeunes se précipitaient, dehors, en quête d’un exutoire de fortune à l’encombrement des commodités. Le déjeuner apporta un réconfort, néanmoins pollué d’une épaisseur de malaise. Les visages déconfits, trahissaient la honte d’avoir été, fort à regret, témoin et figurant d’une si sotte détresse. 

Quelques-uns redécouvraient, à table, le fin mot de l’histoire, au détour d’une visite sur le site électronique de Mauritanides.  Cruauté du sort, la page principale osait l’interrogation : « À quoi s’attendre ? »

 https://www.mauritanidesmr.com

 

 

Etudes Mauritaniennes, septembre 2025