Kassataya - Qui est ce « petit bandit au pouvoir » ? Les oreilles d’un chef d’Etat africain ont dû violemment siffler ces dernières semaines. Dans une émission diffusée sur la chaine TV5Monde visionnée par Kassataya, l’avocat Georges-Henri Beauthier présentait en « grand angle » la toute nouvelle Fondation pour l’égalité des chances en Afrique créée par l’homme d’affaires mauritanien Mohamed Oud Bouamatou.
Selon cet avocat belge compagnon de Bouamatou dans cette nouvelle aventure, la fondation se donne pour mission de former les cadres africains (avocats, juristes, médecins…) pour mettre fin au cancer de la corruption qui gangrène le continent et éviter « les garnisons ne prennent pas le pouvoir pour ne donner de l’Afrique qu’une piètre image».
Pour y parvenir, l’avocat annonce un soutien aux journalistes qui seront protégés « parce que souvent, ceux qui dénoncent la corruption sont les premiers attaqués ». La fondation apportera également son appui aux Africains de la Diaspora qui souhaitent rentrer chez eux pour contribuer au développement de leurs pays respectifs à travers l’émergence d’un Etat de droits ; un Etat où la corruption et les prébendes ne sont pas la règle ».
L’avocat n’a pas manqué de rappeler que M. Bouamata a subi « quelques pressions dans son pays».
Bons sentiments
Mais pas seulement. Me Georges Henri Beautier confie aussi que M. Bouamatou a été spolié de ses biens et cherche à récupérer ce qui lui a été pris. Consulté par Kassataya, un chercheur français familier de Mauritanie confie que « Bouamatou se lance dans ce pari certainement aussi par calcul.
Acculé depuis trois avec une harassante tentative de démantèlement de son groupe et vivant mal un exil qui lui été imposé, il trouve là l’occasion d’investir dans la gouvernance et la lutte contre la corruption parce qu’il réalise que ces deux fléaux peuvent ruiner les affaires d’un homme en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.
Ce n’est un secret pour personne qu’il a profité un temps de la proximité du pouvoir. Aujourd’hui que la roue tourne, il vit sans doute ce que d’autres hommes d’affaires avaient vécu avant lui dans des régimes instables, avec une justice aux ordres… Il réalise donc que tout ça reste bien fragile et éphémère dans ce genre de configuration. ; La seule garantie reste donc la transparence, la bonne gouvernance, une justice indépendante. »
C’est ce qu’on pourrait donc appeler « faire d’une pierre deux coups ». Voire trois. Car l’avocat belge justifie le choix de Bruxelles comme siège (au lieu d’une ville du continent africain) par des mots sans ambigüité, repris par Kassataya en ouvrant grands les guillemets : « Faire une fondation exposée aux dangers d’un Etat dans lequel un petit bandit serait au pouvoir n’est pas vraiment la chose la plus intelligente » (sic). Voilà qui est dit.
Mais qui peut bien donc être ce « petit bandit » au pouvoir ? A défaut de le citer nommément, l’avocat belge dresse son anti portrait tout en laissant entrevoir ce qui pourrait être mené comme action contre lui : « A Bruxelles, il y a des autorités européennes, il y a une manière de se faire entendre, une manière de pouvoir, à l’abri de menées qui seraient assez dramatiques, faire en sorte que concrètement on puisse travailler. On a établi cette fondation sciemment à Bruxelles donc ».
Il est d’ores et déjà aisé de prédire que, confortablement installée à l’abri des « menées dramatiques », la Fondation pour l’égalité des chances en Afrique trustée par l’homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou va se livrer à une véritable guérilla contre les « pouvoirs corrompus », les « garnisons qui prennent le pouvoir » ou les « petits bandits au pouvoir ».
Outre l’avocat belge, M. Bouamatou pourra compter, pour atteindre ses objectifs, sur le redoutable et très médiatique avocat français Me William Bourdon, familier de la traque des biens mal acquis, membre fondateur de Sherpa (dont c’est la vocation).
Pour sa part, M. Mohamed Ould Bouamatou n’en est pas à sa première expérience en la matière. Il existe en Mauritanie une fondation portant son nom et qui vient en aide aux nécessiteux notamment à travers un hôpital ophtalmologique où les soins leur sont gratuitement prodigués.
Coïncidence ou pas, une autre fondation, Errahma, dirigée par un des fils du président mauritanien vient de lancer ses activités en offrant des ambulances médicalisées à certaines localités de Mauritanie. Kassataya avait diffusé son communiqué ici et là.
M. Bouamatou est à la tête d’une immense fortune et dispose entre autres d’une banque (la Générale de Banque de Mauritanie) et de nombreuses entreprises dont quelques unes (y compris la banque) avaient fait l’objet d’un redressement fiscal de la part des autorités mauritaniennes en 2013. Il s’en était suivie ce que d’aucuns avaient qualifié de « guerre totale » entre l’homme d’affaires et son cousin de président.
M. Bouamatou qui, selon l’avocat belge, a été spolié de ses biens n’est pas près de retrouver la terre mauritanienne avec son cousin M. Mohamed Ould Abdel Aziz au pouvoir. Lequel M. Ould Abdel Aziz que le même M. Bouamatou avait aidé à installer au pouvoir à coup de milliards pour faire passer son coup d’Etat militaire contre le pouvoir civil alors démocratiquement élu.
C’était avant la reconversion de l’homme d’affaires en champion de la bonne gouvernance. Il y a longtemps, quand « les garnisons qui prennent le pouvoir » pouvaient compter sur le soutien d’un homme d’affaires prospère, avant que ne survienne la brouille. Et l’exil.