Le Quotidien de Nouakchott - A Madame la Secrétaire Générale de l’union des travailleurs de Mauritanie (UTM)
A Monsieur le Président de la confédération Nationale du Patronat (CNP)
Aux différentes confédérations des travailleurs de Mauritanie
La fête du 1er Mai doit interpeller chaque année nos consciences quant à la révision de notre code travail qui fut institué par la loi 63023 du 23 Janvier 1963 et ne fut modifié que légèrement par la loi 2004/017 du 06 Juillet 2004, cela veut dire que nous sommes en retard de 53 ans car de 1963 à 2016 beaucoup de choses se sont passées et beaucoup d’injustices commises au détriment du travailleur Mauritanien.
Permettez-moi de revenir en arrière pour faire la genèse de la Fête du Travail qui fut instituée à partir du XVIIIe siècle pour célébrer les réalisations des travailleurs.
De nos jours, elle se confond dans de nombreux pays avec la journée internationale des travailleurs, fête internationale instaurée à l'origine comme journée annuelle de grève pour la réduction du temps de travail, qui devint rapidement une journée de célébration des combats des travailleurs.
La fête internationale telle qu'elle est célébrée de nos jours tire son origine des combats du mouvement ouvrier pour obtenir la journée de huit heures de travail, à la fin du XIXe siècle.
Aux États-Unis, au cours de leur congrès de 1884, les syndicats américains se sont donnés deux ans pour imposer aux patrons une limitation de la journée de travail à huit heures. Ils choisissent de débuter leur action le 1er mai parce que beaucoup d’entreprises américaines entament ce jour-là leur année comptable, et que les contrats de travail arrivent à leur terme ce jour-là : alors une grève générale fut déclenchée le 1er mai 1886 []qui a permis aux travailleurs de gagner leur combat pour une normalisation des règles du travail.
Notre pays a besoin de se rattraper pour être au rang des nations signataires de conventions de l’OIT dont il est membre car beaucoup de conventions en matière de droit du travail que la Mauritanie a pourtant ratifié restent encore inachevées quant à leur application par exemple :
- La convention No 87 sur la liberté syndicale (entrave à la liberté syndicale)
- La convention No 95 sur la protection du salaire (Payer sans bulletins de salaire)
- Les conventions No 88 et 96 sur le service de l’emploi et les bureaux de placements. (recrutement anarchiques sans égalité de chances pour l’accès à l’emploi)
Les textes lois et règlement régissant le marché du travail sont vétustes et inadaptés et sont à l’avantage des employeurs
L’exemple frappant du calcul sur l’indemnité de licenciement et celui du départ à la retraite prévue à l’article 31 de la convention collective générale du 13 février 74 est l’illustration parfaite de la vétusté de ce texte que toutes les entreprises utilisent et dont les taux et pourcentages alloués sont assez faibles et nécessitent d’être revalorisés.
Cette convention n’a jamais tenue compte de l’indice du coût de la vie devant un monde inflationniste ou les prix montent et les salaires ne les rattrapent jamais.
La loi 67039 instituant un régime de sécurité sociale en Mauritanie donne peu de faveur au travailleur Mauritanien et ne couvre que trois volets seulement à savoir
- Les prestations familiales
- Les risques professionnels
- Les pensions
Le mode de calcul de ces prestations est si faible que beaucoup de travailleurs renoncent de les percevoir.
Notre pays aujourd’hui est un grand chantier en pleine mutation dont l’indice de développement humain progresse lentement certes (0,45%) mais dont la croissance démographique rapide estimée à (2,5%), oblige une attention particulière sur le monde ouvrier qui s’accroit et qui de plus en plus réclamera plus de justice sociale et obligera les partenaires sociaux (gouvernement- Employeurs - travailleurs) à la révision du code de travail et du code de la sécurité sociale et à la création de nouvelles conventions collectives de travail par secteur d’activité.
En effet de nouvelles sociétés minières se sont implantées en Mauritanie offrant de gros salaires (Kinross Tasiast, Petronas, Schlumberger, Tullow , MCM etc.…) imposant au Ministère de travail Mauritanien plus de rigueur et de discipline sur les critères de recrutement et sur les conditions de travail donc pourquoi ne pas réviser le barème des salaires et rehausser le SMIG (salaire minimum interprofessionnel garantie) ? Pourquoi cantonner le plafond de la sécurité sociale à seulement 70 000 UM et pénaliser les travailleurs ayant de gros salaires qui au moment de prendre leurs pensions de retraite perdront lamentablement des points d’indice qui les suivront à vie ?
Le régime de retraite pourtant peut être amélioré et revalorisé si on décide de réviser le code de la sécurité sociale dans son ensemble tout en amendant les textes à l’instar de nos voisins sénégalais de l’institution de Prévoyance de retraite du Sénégal (IPRES) qui aujourd’hui non seulement ont augmenté la valeur indiciaire du point de retraite mais ont même bi-mensualisé et tendent à mensualiser la pension de retraite avec une multitude de guichets de paiement.
Conclusion :
Une sortie de crise est pourtant possible pour réorganiser le monde des travailleurs car le Ministère du travail et celui chargé de la CNSS regorge de talents très compétents qu’il faudra utiliser et responsabiliser à bon escient tout en mettant l’homme qu’il faut à la place qu’il faut.
Et pourquoi pas ne pas faire appel à des hommes de talents dont les compétences se sont avérées et qui n’ont pas eu le temps de faire les réformes nécessaire (Oiga Abdoulaye - Kane Diawar pour la CNSS) (Klaled Cheikhna – Bassoum Mamadou pour l’administration du travail et la liste est longue)?
Un autre mal vient accentuer négativement notre système au détriment du travailleur, c’est celui de la séparation de Directions jadis complémentaires rattachées à des Ministères différends (le cas de la Direction du travail et celui de la Direction de l’emploi) : La Direction du travail à travers ses inspections de travail assure la réglementation du travail et a un pouvoir coercitif (procès-verbaux d’infractions) alors que la Direction de l’emploi qui s’occupe des embauches et délivre les permis de travail ne peut guère réprimer les employeurs hors la loi, n’est ce pas là une certaine dichotomie?
Il en est de même pour la CNAM qui est une caisse d’assurance maladie rattachée au Ministère de la santé et la CNSS qui est sous tutelle du Ministère de la Fonction Publique ; ces deux caisses devraient être rattachées à un même Ministère puisqu’ayant les mêmes objectifs et éviter ainsi des lourdeurs qui ne profitent guère l’assuré.
Un travail d’équipe dirigé par des professionnels du droit du travail en association avec certaines organisations syndicales (UTM, CNP) et autres pourraient parvenir à la création d’un droit social mauritanien digne de ce nom tenant compte de nos mœurs et de notre religion.
Enfin, le message que je voudrai lancer à l’occasion de cette fête du 1er Mai 2016 est d’exhorter tous les juristes de notre pays : Avocats, magistrats, inspecteurs de travail, de la CNSS et autres personnes soucieuses du devenir du «monde du travail» à œuvrer pour la modification des textes régissant les rapports entre employeurs et travailleurs vecteur de paix sociale .
Djimera Samba
Inspecteur de travail,
Ex- chef du bureau contentieux et affaires sociales de la Snim-sem
Ex- conseiller en ressources humaines de PC Mauritania I PTY – LTD