Au regard de l’article 11 de l’Ordonnance n° 2007/012, du 8 février 2007: «La Cour suprême est la plus haute instance judiciaire du pays. A ce titre, elle statue sur les pourvois en cassation formés contre les jugements et arrêts rendus en dernier ressort par les autres juridictions.»
Clair, cristalline et sans ambiguïté, dites-vous! Hé bien, pas pour tous!
Pourtant, un système judiciaire hiérarchisé est non seulement le reflet de la modernité de l’État, mais aussi le cœur de son autorité et de sa cohésion institutionnelle.
Le problème, est qu’on a assisté ces derniers temps en Mauritanie à une sorte de «ping-pong judiciaire», sortie directement de la brume magique des ténèbres de certains «oulémas», au service, lesquels on fini par nous confondre à l’inconscience.
Le dossier en question relevait des termes de l’ancien article 306 du Code Pénal mauritanien (Ordonnance 162/83 du 9-7-1983), dont voici les termes:
« ART. 306 (...) Tout musulman coupable du crime d'apostasie, soit par parole, soit par action de façon apparente ou évidente, sera invité à se repentir dans un délai de trois jours. S'il ne se repent pas dans ce délai, il est condamné à mort en tant qu'apostat, et ses biens seront confisqués au profit du Trésor. S'il se repent avant l'exécution de cette sentence, le parquet saisira la Cour suprême, à l'effet de sa réhabilitation dans tous ses droits, sans préjudice d'une peine correctionnelle prévue au 1er paragraphe du présent article».
De fait, la Cour suprême a exercé sa compétence et a rendu sa décision finale au regard des faits et du droit.
À la surprise de tous, et après des mois de détention préventive, un conseil de «oulémas» fut convoqué pour décider à cet égard.
Or, un tel acte est manifestement ultra-vires puisqu’il donne une compétence à une entité ignoré par la loi dans le processus judiciaire.
Certes, avant la judiciarisation du dossier, le pouvoir peut demander des avis à qui bon lui semble, y compris aux oulémas et à la Cour suprême elle-même, mais pas après une décision finale de cette dernière dans le dossier.
En effet, à l’exception du Conseil constitutionnel, aucune autre loi effective en Mauritanie, ne donne compétence à une instance, autre que la Cour suprême, de décider, en tout ou en partie, en dernier ressort.
Alors, confronter ou pousser des institutions à se concurrencer, voire à se contredire, et ce, en fonction des brouhahas de la rue et de ses vampires assoiffés, est un précédent dangereux pour la stabilité et la crédibilité de l’État, y compris la rationalité législative.
Il est donc du devoir de la Mauritanie de prendre sa responsabilité: soit qu’elle se déclare un «pays musulman médiéval», à l’instar de l’Arabie-Saoudite, où la «CHARIA ISLAMIQUE» est la seule loi applicable à tous les délits, ce qui est défendable après tout, car, on est un peuple et un pays musulmans!
Soit que la Mauritanie se déclare un «État moderne», comme elle le prétend, et ce, en légiférant avec rationalité, objectivité, conformité et respect au principe du Droit, rien que le droit.
Mais vouloir faire plaisir à l’Occident et ses bailleurs de fonds, en miroitant un faux attachement aux valeurs universelles des droits de l’Homme, tout en occultant leur application le moment venu, est une aberration et une lâcheté manifestes.
Alors de grâce, sortez la Mauritanie de cette ambigüité juridique et institutionnelle.
Rester la tête au moyen âge, tout en cherchant, dans la confusion, à y mettre les pieds au vingtième siècle, est une posture que je refuse pour mon pays en 2019!
Maître Takioullah Eidda, avocat
Bir-Oumgrein, Mauritanie