Abdoulaye Djimmé Diaw - La principale préoccupation des patriotes mauritaniens depuis toujours se résume en Termes d'unité nationale.
-les différentes composantes ethniques du pays ne sont pas logées au même pied d'égalité dans l'exercice de leur citoyenneté.
-l'État et ses institutions sont détenus principalement par la composante maure.
-les citoyens noirs sont marginalisés dans leur spécificité, notamment culturelle.
-l'État pratique la discrimination raciale, principalement depuis les événements des années 80, discrimination qui a atteint son paroxysme dans cette dernière décennie.
Cette situation est la principale cause de la fragilisation de notre unité nationale.
Au-delà de ce constat, une approche s'impose d'abord pour comprendre et enfin pour esquisser des voies de réflexion.
Pour expliciter la différence de traitement entre les citoyens, l'éducation nationale est emblématique comme élément d'illustration . Dès le milieu des années 60, la discrimination par l'école prend forme à travers différentes réformes à connotation idéologique de nature à empêcher ou à réduire le succès des élèves noirs. L'arabisation se justifie par l'existence d'une importante communauté arabe dans le pays. Mais elle ne doit pas être au service d'une idéologie exclusive de manière à porter atteinte aux intérêts de la communauté noire, a laquelle on refuse l'officialisation et l'enseignement de leurs langues nationales.
L'école devient un instrument de discrimination et d'exclusion. Le positionnement des cadres dans la hiérarchie administrative devient ségrégationniste, réduisant continuellement la présence de la composante noire dans l'administration en général et dans la haute administration en particulier. Les symboles culturels des noirs sont totalement absents dans tout ce qui est représentation historique et officielle du pays.
La problématique de l'unité nationale se pose à travers ces quelques exemples, mettant ainsi en face à face les idéologies panarabisme racistes et les mouvements politiques noirs discriminés.
Malgré cet état de fait, il n'y a pas de difficultés sociales entre maures et noirs en terme d'individualités . Dans les lycées et collèges, dortoirs et réfectoires étaient communs à tous les élèves sans jamais poser de difficultés de cohabitation. Les citoyens n'avaient pas de difficultés relationnelles liées à la race. Entre kowri et thiapato la symbiose régnait jusqu'à ce que l'État vienne poser les jalons de la discorde.
Pour dire simple, tous les problèmes que nous avons connus dans notre cohabitation sont les conséquences des politiques étatiques discriminatoires.
Pour en sortir, il n'y a pas d'autres voies que d'abandonner ces politiques discriminatoires et initier des politiques nationales unitaires.
C'est le rôle de l'État principalement, mais aussi celui de la société dans ses différentes composantes : individus et personnalités, OSC, les partis politiques en particulier..
Au niveau individuel, chaque mauritanien doit comprendre que tout autre mauritanien est son frère, parce qu'ils ont en commun l'essentiel. Ceci est d'autant plus vrai que les mauritaniens, ensemble hors du pays, sont frères sans aucune distinction. Partout où l'État n'est pas dominant dans les relations entre citoyens, ceux-ci vivent en paix et en harmonie.
Les partis politiques, en particulier, constituent des cadres d'expression et d'organisation où l'on cultive la fraternité et la citoyenneté. Les partis politiques, parce qu'ils participent à l'animation de la vie politique, doivent être des vecteurs de convergence citoyenne. Malheureusement, des courants idéologiques ,principalement panarabistes ont failli à cette mission et se sont évertués à miner la fraternité entre maures et noirs.
Côté composante noire, la réplique a été symétrique, ce qui nous mit dans une configuration de face à face et de surenchère pour le contrôle de l'opinion. Cette confrontation de nature idéologique n'a jamais été dans l'intérêt de la Nation. Elle a été, néanmoins, instrumentalisée par l'État qui semblait y trouver son compte.
Ce contexte, préjudiciable à la Nation, n'est dans l'intérêt d'aucune de nos nationalités. La classe politique et les intellectuels n'ont pas réussi à opérer ou à faire réussir la différencialisation entre l'État et la communauté maure, tant et si bien que l'amalgame prospère.
Il est temps que de toute part, nous comprenions que cette confrontation doit impérativement cesser pour être supplantée par une fraternité et une citoyenneté réelles.
C'est principalement le rôle de l'État mais le nôtre n'est pas encore de nature à le comprendre et à le promouvoir.
Les partis politiques doivent relever le défi. Parce que cadres d'orientation, d'expression et d'organisation, ils doivent promouvoir la cohésion et la Concorde nationale. Ce n'est pas la mission de la seule CVE, mais celle-ci a vocation à promouvoir l'unité nationale, en se mettant au-dessus de la mêlée, parce que COALITION, en s'adjoignant des partis et des personnalités politiques d'essence démocratiques et en se posant comme une coalition transversale, transnationale, qui, malgré les souffrances et les injustices subies par les noirs, prône la réconciliation et la paix dans les coeurs. En s'inscrivant dans une logique communautaire, la CVE se met au même niveau que les partis et mouvements à idéologie sectaire.
L'orientation populiste et communautariste de la CVE ne peut, en aucun cas, être le socle d'un renouveau politique, au moment surtout où les partis politiques traditionnels sont à la recherche d'un nouveau souffle.
Oublier la victimisation ou la banaliser, prôner l'unité et la réconciliation, se battre politiquement pour une intégration nationale de toutes nos communautés sont les voies de ralliement massif de toute organisation citoyenne qui cherche à conquérir le pouvoir en substitution à celui inadapté d'aujourd'hui.
Par Abdoulaye Djimmé Diaw