Note stratégique : Pour une administration publique mauritanienne davantage professionnelle, efficace et équitable.Par Dr Hademine Ahmed Vall

ven, 18/04/2025 - 11:11

Contexte et enjeux

Une administration publique performante est essentielle au développement et à la cohésion sociale. En Mauritanie, des réformes ambitieuses ont été amorcées, notamment en janvier 2025 avec l’adoption de lois majeures contre la corruption : élargissement de la déclaration de patrimoine, révision de la loi de 2016 et création d’une Autorité nationale indépendante. Cette dynamique traduit une volonté politique forte de bâtir une administration plus transparente, équitable et tournée vers les citoyens.

Quatre axes prioritaires sont proposés :

* Lutte contre la corruption

* Digitalisation des services publics

* Gestion méritocratique des ressources humaines

* Réforme du cadre de la fonction publique

Des pays comme le Rwanda, le Sénégal ou le Maroc servent de référence.

1. Lutte contre la corruption : renforcer la transparence et la responsabilité

La corruption fragilise l’administration et affaiblit la confiance des citoyens. Une stratégie de tolérance zéro, adossée à des mécanismes de transparence et de reddition des comptes, est indispensable.

* Transparence proactive : Publier systématiquement les données sur la gestion publique (budgets, marchés, nominations). L’élargissement des obligations déclaratives s’inscrit dans cette logique. Le Maroc, par exemple, applique depuis 2016 une stratégie anticorruption axée sur la gouvernance et la formation.

* Institutions autonomes : Doter les organes de lutte contre la corruption de ressources suffisantes et de réelle indépendance. Le Sénégal, avec l’OFNAC, et le Rwanda, avec son Bureau de l’Ombudsman, offrent des exemples solides.

* Responsabilité et sanctions : Instaurer des audits réguliers et appliquer des sanctions dissuasives. Le Maroc a actualisé en 2023 son arsenal juridique, criminalisant davantage les détournements. Le Rwanda, quant à lui, est reconnu pour ses poursuites exemplaires et son indice de bonne gouvernance.

L’implication de la société civile est essentielle pour créer une culture de la probité et instaurer un climat de confiance durable.

2. Numérisation des services publics : efficacité, accessibilité et simplification

La transformation numérique constitue un outil puissant de modernisation administrative et de lutte contre les pratiques opaques. Elle permet une meilleure accessibilité des services, réduit les délais et supprime les intermédiaires.

* Portails numériques intégrés : Développer une plateforme e-gouvernement pour centraliser les démarches administratives (état-civil, impôts, autorisations). Le Rwanda avec Irembo a réussi à dématérialiser plus de 50 % de ses services.

* Guichets uniques physiques et digitaux : Installer des espaces polyvalents d’accueil, notamment pour les zones rurales. Les Espaces Sénégal Services permettent un accès hybride aux services, adaptés à tous les profils d’usagers.

* Interconnexion et infrastructures : L’efficacité de la digitalisation dépend de l’interopérabilité des systèmes d’information et de la qualité des infrastructures TIC. Le Sénégal a investi massivement dans la fibre optique et les centres de données.

* Simplification et cadre juridique : La digitalisation doit aller de pair avec une simplification des procédures. Il est aussi nécessaire d’adopter des textes réglementaires encadrant l’identité numérique, les documents électroniques et la dématérialisation.

La digitalisation contribuera à une administration plus rapide, plus accessible, plus transparente et mieux perçue par les usagers.

 

3. Formation et professionnalisation des agents publics : vers une culture du mérite et du résultat

La réforme de l’administration passe par un investissement fort dans le capital humain, fondé sur la compétence, l’éthique et le service public.

* Formation initiale et continue : Revaloriser ou créer des instituts spécialisés, renforcer les contenus pédagogiques (management, intégrité, numérique), et s’ouvrir à des partenariats internationaux. Des dispositifs d’e-formation comme le PADeFF 2025 peuvent accélérer cette montée en compétences.

* Évaluation et performance : Mettre en place une évaluation périodique et objective, intégrant des critères de résultat. Des pratiques comme les contrats de performance du Rwanda (« Imihigo ») permettent une meilleure responsabilisation des cadres.

* Éthique et motivation : Un code de déontologie clair et des campagnes régulières de sensibilisation doivent renforcer la culture d’intégrité. Une politique de récompenses et de sanctions favorise une dynamique vertueuse. L’amélioration des conditions matérielles et de carrière permettra également de retenir les talents.

4. Réforme de la fonction publique : vers un cadre méritocratique et efficient

Le fonctionnement global de la fonction publique doit évoluer vers plus d’efficacité, d’équité et de transparence.

* Recrutement sur la base du mérite : Revoir les concours pour garantir l’égalité des chances (anonymisation, plateformes numériques). Lutter contre le favoritisme est essentiel pour restaurer la crédibilité des institutions.

* Assainissement des effectifs : Mettre en œuvre un recensement biométrique des agents pour éliminer les doublons et fraudeurs. Des pays comme la Guinée ont pu ainsi réaliser des économies substantielles.

* Gestion prévisionnelle et mobilité : Élaborer une cartographie des besoins, anticiper les départs et favoriser la mobilité des compétences. Les nominations doivent reposer sur la compétence, non sur l’appartenance politique.

* Promotion au mérite : Intégrer des critères de performance dans les avancements. Développer les examens professionnels et les évaluations anonymisées. En contrepartie, il convient d’instaurer des voies de reconversion ou de départ en cas d’insuffisance avérée.

Une telle réforme ancrera une fonction publique moderne et méritocratique, adaptée aux besoins du pays et attractive pour les talents.

Conclusion

Les exemples du Rwanda, du Sénégal ou du Maroc démontrent que des résultats sont possibles si la volonté politique est soutenue par des actions concrètes et évaluées.

La Mauritanie, ayant déjà enclenché des réformes majeures, doit maintenant veiller à leur mise en œuvre effective, en instituant un dispositif de suivi stratégique au plus haut niveau, et en assurant une communication transparente sur les résultats. C’est à ce prix que l’administration pourra jouer pleinement son rôle de moteur du développement, au service de tous les citoyens.